J.O. 173 du 27 juillet 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi


NOR : CSCL0508626X



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, adoptée le 12 juillet 2005.

Ces recours, qui critiquent les habilitations données au Gouvernement par le 1° et par le 5° de l'article 1er de la loi déférée, appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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En termes généraux et de façon liminaire, il convient de rappeler que l'article 38 de la Constitution permet au Gouvernement de demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, et ce en toute matière, sous les seules réserves du domaine attribué par la Constitution à la loi organique (décision no 81-134 DC du 5 janvier 1982) et du domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale (décision no 99-421 DC du 16 décembre 1999).

Pour que soit respecté l'article 38 de la Constitution, il appartient certes au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par ordonnance, ainsi que leur domaine d'intervention (décision no 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; décision no 86-208 DC des 1er et 2 juillet 1986), de telle sorte que soit précisément circonscrit le champ de la compétence temporairement déléguée par le Parlement au Gouvernement.

Mais, sous peine de priver de toute portée effective la délégation donnée par le législateur, il n'est nullement requis du Gouvernement qu'il indique par avance au Parlement la teneur précise des dispositions qu'il adoptera dans l'exercice de cette délégation temporaire : le Gouvernement n'est ainsi pas tenu de faire connaître au Parlement, au stade de l'adoption de la loi d'habilitation, le contenu des ordonnances qu'il entend prendre sur le fondement de cette loi (décision no 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; décision no 99-421 DC du 16 décembre 1999).

On peut ajouter que les précisions quant à la finalité et au domaine d'intervention des ordonnances peuvent être apportées par les termes mêmes de la loi. Elles peuvent aussi résulter des indications données par le Gouvernement lors du dépôt du projet de loi d'habilitation, figurant notamment dans l'exposé des motifs, ou encore de la teneur des débats parlementaires, notamment des déclarations faites par le Gouvernement devant le Parlement (décision no 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986).

Il y a lieu, enfin, de souligner que la loi d'habilitation ne saurait naturellement avoir pour objet ou pour effet de permettre au Gouvernement agissant par voie d'ordonnance de méconnaître les principes constitutionnels (décision no 81-134 DC du 5 janvier 1982 ; décision no 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; décision no 95-370 DC du 30 décembre 1995), ou d'ailleurs les autres normes juridiques supérieures que la hiérarchie des normes impose au Gouvernement de respecter dans le cadre d'un tel exercice. Mais il n'est nullement requis de la loi d'habilitation qu'elle rappelle explicitement que les ordonnances devront respecter ces différentes normes supérieures : ce respect s'impose nécessairement au Gouvernement, sous le contrôle du Conseil d'Etat, sans qu'il soit utile que la loi d'habilitation en comporte le rappel exprès (décision no 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; décision no 99-421 DC du 16 décembre 1999).

Au cas présent, la loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi satisfait pleinement à ces exigences constitutionnelles, ainsi qu'il va être indiqué à propos des deux habilitations contestées par les recours résultant des 1° et 5° de l'article 1er de la loi.


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I. - Sur le 1° de l'article 1er


A. - Le 1° de l'article 1er de la loi déférée habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance toute mesure visant à favoriser l'embauche dans les entreprises n'employant aucun salarié ou n'employant qu'un petit nombre de salariés, par l'institution d'un contrat de travail sans limitation de durée comportant pendant une période déterminée des règles de rupture et un régime indemnitaire spécifiques, garantissant au salarié, pendant cette période, une indemnité en cas de rupture à l'initiative de l'employeur supérieure à celle résultant de l'application de l'article L. 122-9 du code du travail.

Les parlementaires requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient l'article 38 de la Constitution et l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils font valoir que l'habilitation donnée au Gouvernement serait imprécise et qu'elle n'apporterait pas les garanties requises par les exigences constitutionnelles. Ils soutiennent également que la loi affecterait l'économie d'accords collectifs de travail en vigueur en méconnaissance de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme. Ils relèvent, enfin, que la loi procéderait à une conciliation déséquilibrée du droit à l'emploi et de la liberté d'entreprendre.

B. - De tels griefs ne pourront qu'être écartés.

1. Il importe de relever, en premier lieu, que la finalité et le domaine d'intervention de la délégation consentie par le Parlement au Gouvernement au titre du 1° de l'article 1er de la loi déférée ont été définis de façon suffisamment précise.

Ainsi que l'indique l'exposé des motifs de la loi, le recours aux ordonnances sur le fondement de l'article 38 de la Constitution vise à mettre en oeuvre le plan d'urgence pour l'emploi annoncé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 8 juin 2005, lequel entend lever les freins constatés à l'embauche de nouveaux salariés dans les petites entreprises, à mieux accompagner les chômeurs vers la reprise d'emploi et à faciliter l'insertion professionnelle des jeunes.

Dans ce cadre, le 1° de l'article 1er autorise le Gouvernement, s'agissant de l'embauche dans les petites entreprises, à instituer par voie d'ordonnance un nouveau contrat de travail, dit contrat « nouvelles embauches ». Ce contrat, sans limitation de durée, vise tout à la fois à inciter les dirigeants des petites entreprises à embaucher en simplifiant et en aménageant pendant les deux premières années les règles de rupture du contrat et à instituer, en contrepartie, des droits nouveaux pour les salariés en matière d'indemnisation, de reclassement et de formation. Au terme de la période de deux ans, le contrat sera soumis à l'ensemble des règles de droit commun qui régissent le contrat de travail à durée indéterminée. L'équilibre de ce contrat entre les droits de l'employeur et ceux du salarié est, en conséquence, pendant les deux années qui suivent sa conclusion, différent de celui qui prévaut pour les contrats de travail à durée déterminée et pour ceux à durée indéterminée. On doit souligner que l'institution de ce nouveau type de contrat, loin de créer de nouvelles formes de précarité, vise au contraire à définir un cadre juridique adapté aux évolutions du marché du travail. De fait, on a vu se développer des contrats de travail de très courte durée et l'on constate, d'une part, que près de 70 % des embauches se font aujourd'hui, en France, sous la forme de contrats précaires et, d'autre part, que l'intérim connaît une très forte progression dans tous les secteurs d'activité ; à titre d'exemple, on peut indiquer dans l'industrie que la part des salariés en intérim est passée de 2 % en 1992 à 6,8 % en 2002. Le nouveau type de contrat de travail, de gestion plus souple, apparaît au Gouvernement de nature à lever les freins à l'embauche. Le régime spécifique de rupture de ce contrat de travail aura pour contrepartie, pour les salariés, des droits nouveaux en termes d'indemnités, de formation et de reclassement.

Les termes du 1° de l'article 1er de la loi déférée, par eux-mêmes, définissent de façon précise la finalité et le domaine d'intervention de l'ordonnance. Les indications qui ont été données au cours des travaux parlementaires ont, de plus, apporté des précisions complémentaires. On ne saurait, par suite, considérer que la loi d'habilitation ne comporterait pas les précisions requises par la jurisprudence constitutionnelle quant à l'étendue et la finalité de la délégation consentie par le Parlement au Gouvernement.

En particulier, on doit relever, s'agissant du champ d'application du nouveau dispositif, que la loi d'habilitation précise la nature des employeurs susceptibles de passer ce nouveau type de contrat de travail, en se référant aux entreprises et organismes visés au premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail. De plus, la loi précise explicitement que seuls sont susceptibles d'être concernés par ce dispositif les entreprises ou organismes n'employant aucun salarié ou n'employant qu'un petit nombre de salariés. Sans doute, les termes de la loi d'habilitation n'ont pas, par eux-mêmes, défini le seuil de salariés au-dessus duquel le dispositif ne pourra pas être mis en oeuvre. Mais il n'est pas constitutionnellement requis que les dispositions de la loi d'habilitation comportent une telle indication et il appartiendra à l'ordonnance de fixer ce seuil. Au demeurant, on peut déduire de la loi d'habilitation, par référence aux autres dispositions du code du travail, comme des indications données par le Premier ministre à l'Assemblée nationale et au Sénat au cours des débats, que les entreprises visées n'emploieront pas plus de 20 salariés ; ces entreprises, qui sont au nombre de 2,5 millions dont 1,3 million n'ont aucun salarié, constituent la cible privilégiée du plan d'urgence pour l'emploi, ainsi que l'a indiqué le Premier ministre devant le Sénat au cours de la séance du 7 juillet 2005 consacrée à la discussion du texte de la loi.

S'agissant du contenu des règles applicables à ce nouveau type de contrat, la loi d'habilitation a, de même, déterminé de façon suffisamment précise la finalité de l'habilitation. La loi prend soin d'indiquer que la spécificité de ce contrat impliquera un régime plus favorable pour le salarié en termes d'indemnité de licenciement, alors que le bénéfice de l'indemnité de droit commun est subordonné à une ancienneté minimale de deux ans par l'article L. 122-9 du code du travail. La loi habilite aussi explicitement le Gouvernement à déterminer des règles particulières de rupture de ce type de contrat de travail.

Ainsi, la loi d'habilitation a circonscrit le champ d'application de ce type de contrat « nouvelles embauches » aux petites entreprises sur lesquelles doit plus particulièrement porter l'effort en matière d'emploi et elle a déterminé les orientations du régime qui lui sera applicable. Dans ces conditions, elle satisfait aux exigences constitutionnelles de précision quant à la finalité et au domaine d'intervention des mesures devant être prises par l'ordonnance considérée.

2. Pour le surplus, ainsi qu'il a été dit de façon liminaire, le Gouvernement n'était pas tenu de faire connaître au Parlement la teneur précise des dispositions qu'il adoptera par ordonnance. A fortiori, il n'appartenait pas au législateur, adoptant une loi d'habilitation, de déterminer plus avant le contenu même des dispositions qui feront l'objet de l'ordonnance. Dans ces conditions, les autres critiques formulées par le recours, qui ne mettent pas véritablement en cause la constitutionnalité de la loi d'habilitation mais tentent de contester par avance le contenu de l'ordonnance, ne pourront qu'être écartées comme inopérantes.

En particulier, on ne saurait utilement reprocher à la loi d'habilitation de ne pas comporter l'énoncé de garanties pour les salariés en matière de causes de résiliation ou de préavis ou de droit au recours, la détermination du régime juridique applicable à ce type de contrat relevant précisément de l'exercice par le Gouvernement de la compétence déléguée. On ne saurait non plus valablement soutenir que la loi d'habilitation aurait pour conséquence de dispenser le Gouvernement de respecter les termes de la Déclaration des droits de l'homme ou ceux de stipulations internationales régulièrement introduites dans l'ordre juridique interne, comme la convention C 158 de l'Organisation internationale du travail, ces normes juridiques supérieures s'imposant au Gouvernement agissant par voie d'ordonnance sans qu'il soit nécessaire que le rappelle la loi d'habilitation.

Au demeurant, on peut indiquer dès à présent que le Gouvernement prévoit de n'instituer, pour ce nouveau type de contrat de travail, que des dérogations aux règles de droit commun limitées et proportionnées au but visé. La finalité du dispositif implique l'aménagement de seulement certaines des règles en vigueur, en particulier pour ce qui concerne la motivation du licenciement, la nécessité d'invoquer une cause réelle et sérieuse et les délais de recours contentieux.

Ainsi, le Premier ministre a indiqué au Sénat, au cours de sa séance du 7 juillet 2005, que l'exigence d'un délai congé ne sera pas supprimée, même si l'ordonnance comportera à cet égard des dispositions propres à ce type de contrat « nouvelles embauches ». Par ailleurs, le Gouvernement n'entend nullement déroger aux protections dont bénéficient certains salariés au titre d'un mandat représentatif ou syndical ou de dispositions particulières du code du travail relatives, par exemple, aux femmes enceintes ou aux salariés victimes d'accidents du travail. Enfin, si les dérogations apportées en matière de cause et de motivation du licenciement impliqueront un contrôle juridictionnel adapté, les dispositions adoptées n'auront ni pour objet ni pour effet d'interdire la formation de recours juridictionnels permettant de contester la validité du licenciement au regard des règles de l'ordre public social, par exemple en matière de discrimination, ainsi que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement l'a indiqué au Sénat au cours de la séance du 7 juillet 2005.

3. On observera, enfin, que la loi d'habilitation n'a ni pour objet ni pour effet de conduire à méconnaître le droit constitutionnel de chacun d'obtenir un emploi résultant du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, lequel doit être concilié avec la liberté d'entreprendre (v. la décision no 2004-509 DC du 13 janvier 2005). Le 1° de l'article 1er entend, au contraire, permettre la création d'emplois dans les petites entreprises, par la mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre dans un cadre favorable au développement de l'emploi.

Par ailleurs, l'institution d'un nouveau type de contrat de travail par l'ordonnance prévue au 1° de l'article 1er ne conduit pas à mettre en cause les stipulations d'accords collectifs de travail antérieurement conclus. Certes, ces accords n'ont pu, par construction, entendre régir ce nouveau type de contrat pour tous ses aspects qui lui sont propres ; par exemple, il est exact que les durées de délai congé prévues par certains accords collectifs déjà conclus ne seront pas opposables au préavis applicable à ce nouveau type de contrats institué postérieurement aux accords. Mais la création d'un nouveau régime particulier ne traduit pas une atteinte à l'économie ou à la portée des accords collectifs antérieurement conclus. La violation de la liberté contractuelle résultant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne saurait, par suite, être ici utilement invoquée.

Dans ces conditions, le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel devra écarter les différents griefs articulés par les recours à l'encontre de l'habilitation conférée par le 1° de l'article 1er de la loi déférée.


II. - Sur le 5° de l'article 1er


A. - Le 5° de l'article 1er de la loi déférée habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, à aménager les règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail ou d'obligations financières, afin de favoriser l'embauche par les entreprises de salariés âgés de moins de vingt-six ans.

Les députés et sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions seraient imprécises, qu'elles traduiraient une méconnaissance des huitième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et qu'elles seraient contraires au principe d'égalité.

B. - Le Gouvernement considère que de telles critiques ne sont pas fondées.

1. Le code du travail, et certaines législations particulières, comportent des dispositions dont l'application est déclenchée par différents seuils déterminés par référence aux effectifs des entreprises. On peut citer, parmi les plus importants, le seuil de onze salariés impliquant l'obligation d'organiser l'élection d'un délégué du personnel, le seuil de vingt salariés qui a des incidences sur le temps de travail et qui implique des obligations contributives en matière d'aide au logement, de participation à l'effort de construction et de formation professionnelle, le seuil de 50 salariés impliquant la constitution d'un comité d'entreprise et d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et impliquant aussi la mise en place d'une participation aux résultats de l'entreprise, ou encore le seuil de 200 salariés dont dépend la reconnaissance de certains droits individuels et collectifs des salariés.

Or, on ne peut que constater que les études statistiques montrent que ces différents seuils ont des effets sur l'emploi et qu'ils constituent un important frein à la croissance des entreprises, dans la mesure où les entreprises hésitent à procéder à des recrutements supplémentaires lorsque leur effectif approche ces seuils légaux ; de fait, elles renoncent souvent à créer de nouveaux emplois en raison des obligations qui résulteraient pour elles du franchissement des seuils. On peut penser que ce sont des raisons de cet ordre qui expliquent, par exemple, que le nombre d'entreprises de 9 salariés soit deux fois plus élevé que celui des entreprises de 10 salariés ou qu'un effet de seuil encore plus marqué soit observé pour le nombre d'entreprises de 49 et de 50 salariés. On constate aussi que l'évolution de l'emploi pour les entreprises se situant juste en dessous du seuil de 50 salariés est particulièrement ralentie.

C'est afin de réduire ces freins à l'embauche et de relancer l'emploi en conséquence que la loi déférée habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance plusieurs mesures visant à réduire l'impact négatif de ces effets de seuil. La loi permet, d'une part, de prendre des mesures destinées à alléger les conséquences financières du franchissement du seuil de dix salariés. Elle comporte, d'autre part, les dispositions précisément contestées par les recours qui entendent assouplir le mode de décompte des seuils en différant dans le temps la prise en compte des jeunes salariés de moins de vingt-six ans.

Cette initiative, ciblée sur la situation particulière de l'emploi des jeunes, peut se recommander de l'intérêt général éminent qui s'attache à la réduction du taux de chômage particulièrement élevé qui affecte, dans notre pays, les jeunes de moins de vingt-cinq ans. De fait, la France connaît, pour cette tranche d'âge, un taux de chômage de 21,3 %, sensiblement plus élevé qu'en Allemagne (11,7 %) et au Royaume-Uni (10,9 %) ; de même, le taux d'activité de cette tranche d'âge n'est, en France, que de 37,5 % alors qu'il est de 47,5 % en Allemagne et de 67,4 % au Royaume-Uni.

2. La critique tirée de ce que l'habilitation donnée par le 5° de l'article 1er de la loi déférée conduirait à méconnaître les exigences résultant des huitième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 n'est pas fondée.

En effet, la disposition contestée n'habilite pas le Gouvernement à supprimer ou à modifier le régime juridique applicable aux diverses institutions représentatives du personnel qui ont été précisément définies par la législation du travail pour traduire les exigences constitutionnelles résultant du préambule de la Constitution de 1946. Elle se borne à prévoir un aménagement limité du décompte des effectifs pour l'application de seuils qui ont, de toute façon, été fixés par le législateur dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, afin de mettre en oeuvre d'une façon appropriée à la taille des entreprises les impératifs constitutionnels.

En outre, ainsi que l'a déclaré le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes au Sénat lors de la séance du 7 juillet 2005, la disposition en cause n'aura pas pour effet, ni directement ni indirectement, de conduire à la suppression d'institutions représentatives qui auraient été créées dans les entreprises avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions : une clause de maintien des institutions existantes figurera, en effet, explicitement dans l'ordonnance prise sur le fondement du 5° de l'article 1er de la loi.

3. L'habilitation donnée au Gouvernement n'est, enfin, pas contraire au principe d'égalité.

Le Conseil constitutionnel a déjà jugé, à propos d'une loi comportant notamment des dispositions en faveur de l'emploi des jeunes, que n'étaient pas contraires au principe d'égalité des dispositions qui avaient prévu qu'il n'était pas tenu compte, temporairement, de certains salariés engagés sous des conditions d'âge et de délai pour l'application des dispositions du code du travail qui se réfèrent à une condition d'effectif de personnel (décision no 77-79 DC du 5 juillet 1977). La solution apparaît parfaitement transposable au cas d'espèce.

On doit relever que, dans cette ligne, d'autres dispositions ont déjà procédé à l'exclusion de certains salariés du décompte des effectifs pour l'application des seuils, par exemple la loi no 82-915 du 28 octobre 1982 ou la loi no 85-772 du 25 juillet 1985. Il n'est ainsi pas tenu compte des apprentis et des titulaires de contrats de travail aidés dans le décompte des effectifs (v. les articles L. 117-11-1 et L. 322-4-9 du code du travail).

Au cas présent, il convient de souligner, d'une part, que l'habilitation conférée par le 5° de l'article 1er ne conduira pas à exclure définitivement les jeunes embauchés du décompte des effectifs de l'entreprise, mais à simplement différer, de façon temporaire, leur prise en compte jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 26 ans.

D'autre part, l'habilitation ne conduira pas à traiter différemment les salariés au sein d'une même entreprise. En neutralisant temporairement la prise en compte des jeunes salariés, l'ordonnance prise sur le fondement de la loi d'habilitation pourra conduire à ce que ne soient pas déclenchées, pour l'entreprise dans son ensemble, les conséquences attachées par la législation du travail au dépassement de certains seuils. Mais elle ne conduira pas à l'application de règles différentes au sein d'une même entreprise, valant de façon différente pour les jeunes recrutés et pour les autres salariés. Le mode de décompte des effectifs sera encore sans incidence sur les droits électoraux et l'éligibilité des jeunes salariés.

Dans ces conditions, eu égard au caractère impérieux de l'intérêt général qui s'attache à ce que soit réduit le taux de chômage des jeunes, la disposition critiquée du 5° de l'article 1er de la loi déférée ne peut être jugée contraire au principe d'égalité.


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Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les parlementaires requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.