J.O. 136 du 12 juin 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision du 14 avril 2005 se prononçant sur un différend qui oppose la Société des chutes de l'Ain à Electricité de France (EDF) relatif à la facturation des frais d'entretien de compteurs d'électricité


NOR : CREX0508409S



La Commission de régulation de l'énergie,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 23 février 2005 sous le numéro 05-38-05, présentée par la société des Chutes de l'Ain, société enregistrée au RCS de Paris sous le numéro B 582 017 836, dont le siège social est situé 5, rue de Charonne, 75011 Paris, représentée par Mme Anne-Mary Roussel, assistée par la Fédération d'électricité autonome française (EAF).

La Société des chutes de l'Ain a saisi la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à Electricité de France, gestionnaire de réseau public de distribution, sur la facturation des frais d'entretien de compteurs d'électricité installés dans son installation de production hydroélectrique, située à Lavancia-Epercy (Jura).

La Société des chutes de l'Ain expose qu'elle a signé, le 6 mai 1998, un contrat, de type 97-07, pour l'achat par Electricité de France de l'énergie électrique produite par son installation hydroélectrique, qui prévoit notamment que les matériels de comptage sont la propriété du producteur et que les interventions de petit entretien sur le comptage lui seront facturées sur la base d'un coût forfaitaire déterminé par Electricité de France.

Elle soutient que, depuis la signature du contrat jusqu'au troisième trimestre de l'année 2003, Electricité de France n'est jamais intervenu sur les compteurs et n'a jamais facturé de frais d'intervention ou d'entretien, et qu'elle a, en conséquence, refusé le paiement des factures adressées par Electricité de France pour l'entretien des compteurs au cours du troisième trimestre de l'année 2003.

La Société des chutes de l'Ain ne conteste pas l'application du décret du 19 juillet 2002 à tous les utilisateurs des réseaux, mais soutient que l'objet du décret est de fixer des tarifs d'utilisation des réseaux, qui sont publiés, transparents et non discriminatoires.

Elle soutient qu'en application des dispositions des articles 2 et 7 du décret no 2001-365 du 26 avril 2001, relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité Electricité de France est tenu de proposer une tarification des prestations de comptage aux producteurs, qui peuvent toujours les refuser. La Société des chutes de l'Ain considère, donc, qu'Electricité de France ne peut lui imposer des prestations qui n'ont fait l'objet d'aucune proposition et sur lesquelles elle n'a pu donner son accord.

Elle soutient que le contrat qu'elle a souscrit auprès d'Electricité de France ne permet pas de considérer qu'elle a conclu avec lui un contrat permanent d'entretien et que cette solution est corroborée par les contrats antérieurs de 1984, qui pouvaient prévoir une redevance mensuelle pour le contrôle et le petit entretien des appareils de mesure, lorsque Electricité de France assurait ces prestations à la demande du producteur.

La Société des chutes de l'Ain affirme qu'Electricité de France abuse de sa position dominante en s'arrogeant le monopole de l'entretien des compteurs.

En conséquence, la Société des chutes de l'Ain demande à la Commission de régulation de l'énergie de dire :

- qu'Electricité de France ne peut facturer des frais d'entretien de compteurs si cet entretien n'a pas été prévu contractuellement par le producteur ;

- que les producteurs n'ont pas l'obligation de faire réaliser des travaux d'entretien des compteurs par Electricité de France ;

- qu'Electricité de France doit cesser de facturer indûment des prestations qui ne sont pas réellement effectuées ;


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Vu les observations en défense, enregistrées le 15 mars 2005, présentées par Electricité de France (EDF), société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représenté par EDF Réseau Distribution, pris en la personne de M. Marc Espalieu, directeur d'EDF Réseau Distribution.

Electricité de France soutient que la demande de règlement de différend formée par la Société des chutes de l'Ain est irrecevable en application de l'article 1er du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie, du fait de l'incertitude sur la personne à l'égard de laquelle les actes de procédure seront valablement accomplis.

Sur le fond, Electricité de France soutient que les clauses relatives à la facturation du comptage du contrat 97-07 conclu le 6 mai 1998 sont caduques du fait de l'entrée en vigueur du décret du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.

Electricité de France rappelle qu'en application de l'article VI des conditions générales de ce contrat il est en charge de l'entretien des appareils de mesure. Il rappelle également que l'article 4-3 des conditions particulières, relatif aux frais de comptage, prévoit que « les interventions de petit entretien sur le comptage seront facturées au producteur sur la base d'un tarif forfaitaire déterminé par EDF », et que le premier alinéa de l'article XIII des conditions générales, relatif à l'exécution du contrat, stipule que « le producteur [...] prend l'engagement de se conformer à tous les nouveaux textes qui pourraient être édités ultérieurement en la matière ».

Electricité de France soutient que l'activité de comptage fait partie des missions qui lui sont dévolues par l'article 19 de la loi du 10 février 2000, l'article 2 de la loi du 9 août 2004, l'article 2 du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, le décret du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, et l'article 18-2 du décret du 17 novembre 2004 portant statuts de la société anonyme Electricité de France.

Electricité de France soutient que les interventions en matière de comptage relèvent des prestations de base, facturées selon un barème intégré au tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, et de la possibilité pour les gestionnaires de réseaux publics de proposer, dans un cadre contractuel, des prestations particulières en matière de qualité de l'électricité livrée ou de modalités de comptage.

Il considère que la Société des chutes de l'Ain occulte le fait que le comptage est une prestation de base et soutient qu'elle a entendu en faire une prestation particulière, qui lui donnerait la possibilité de refuser qu'Electricité de France effectue cette prestation.

Il affirme qu'il a fait application du décret du 19 juillet 2002 à tous les producteurs et les a facturés conformément à la position que lui a préconisée la Commission de régulation de l'énergie dans sa lettre du 31 mars 2004.

Electricité de France soutient, en outre, que la Société des chutes de l'Ain ne peut se fonder sur les stipulations du contrat pour prétendre que l'entretien des compteurs n'est pas une prestation de base mais une prestation optionnelle, et que, même si cette possibilité était ouverte par ces stipulations contractuelles, la Société des chutes de l'Ain ne pourrait pas s'opposer à l'application du décret du 19 juillet 2002, qui est d'ordre public. Electricité de France conclut que les stipulations contractuelles et les dispositions légales n'exonèrent pas la Société des chutes de l'Ain du paiement des prestations d'entretien du comptage et qu'elle n'a pas la faculté de confier cette prestation à un tiers.

Electricité de France soutient que la prestation d'entretien de base des compteurs recouvre à la fois leur contrôle et leur entretien. Il affirme qu'il a, à ce titre, effectué plusieurs interventions, notamment le 24 octobre 2000 et en avril 2004. Il soutient que l'intervention ne consiste pas uniquement en un déplacement physique mais peut également impliquer des contrôles visuels à chaque visite par ses agents, des contrôles statistiques sur l'ensemble du parc de compteurs ou, dans le cas où le producteur est équipé d'un compteur télérelevé, des vérifications des télérelèves journalières de la courbe de charge.

Electricité de France conteste que son comportement soit constitutif d'un abus de position dominante, dès lors qu'il s'inscrit dans le cadre des dispositions de la loi du 10 février 2000. Il soutient que la Commission de régulation de l'énergie est, en tout état de cause, incompétente pour statuer sur cette question.

Electricité de France soutient que la Société des chutes de l'Ain n'est pas fondée à soutenir que l'application des tarifs prévus par le décret du 19 juillet 2002 serait subordonnée à son acceptation de confier l'entretien de ses compteurs à Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution. Il conteste, donc, le droit d'option invoqué par la société, puisque la redevance prévue par le décret du 19 juillet 2002 pour l'entretien de comptage est une obligation réglementaire, qui s'applique de plein droit à tous les utilisateurs du réseau public.

Electricité de France demande, en conséquence, à la Commission de régulation de l'énergie :

- de dire que la requête de la Société des chutes de l'Ain est irrecevable, en tant qu'elle est entachée de vice de forme ;

- de dire qu'Electricité de France est fondé à facturer les frais d'entretien de compteurs à la Société des chutes de l'Ain ;

- de dire qu'Electricité de France détient un monopole d'entretien des appareils de comptage, en vertu de la loi du 10 février 2000 et du décret du 19 juillet 2002 ;

- de dire qu'il ne peut pas lui être reproché, en l'absence de demande expresse de la Société des chutes de l'Ain, de ne pas avoir proposé de prestations complémentaires de comptage ;

- de dire que la Société des chutes de l'Ain lui est redevable de la somme de 311,93 euros, au titre de la redevance d'entretien des compteurs ;


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Vu les observations en réplique, enregistrées le 29 mars 2005, présentées par la Société des chutes de l'Ain.

La Société des chutes de l'Ain soutient que le vice de forme invoqué par Electricité de France est dépourvu de fondement, dans la mesure où Mme Anne-Mary Roussel a dûment été mandatée par la Société des chutes de l'Ain par un pouvoir qui a été versé au dossier.

Sur le fond, la Société des chutes de l'Ain considère que la responsabilité du comptage incombe aux gestionnaires de réseaux et que la prise en compte, dans le tarif d'utilisation des réseaux publics, des « coûts liés au comptage » mentionnés à l'article 2 du décret du 26 avril 2001 est conforme aux obligations d'Electricité de France en matière de comptage. Elle soutient, cependant, qu'Electricité de France ne peut pas à la fois prétendre que l'entretien est une prestation de base, incluse dans le tarif d'utilisation des réseaux publics, et vouloir imposer aux producteurs une facturation supplémentaire pour cette prestation.

La Société des chutes de l'Ain rappelle qu'il résulte de la rédaction du décret du 19 juillet 2002 que pour chaque catégorie d'utilisateurs (consommateurs, producteurs, gestionnaires de réseaux) une partie des coûts visés à l'article 2 du décret du 26 avril 2001 est ventilée dans le tarif de chacun des utilisateurs. Elle soutient que le tarif d'utilisation des réseaux qui s'applique aux producteurs est défini dans le seul chapitre Ier du décret du 19 juillet 2002 et que le coût d'injection, fonction de la tension de raccordement et de la quantité d'énergie transportée, est censé inclure les coûts liés au comptage des seuls producteurs.

En outre, la Société des chutes de l'Ain soutient que les demandes de paiement pour l'entretien des compteurs appartenant aux producteurs ne peuvent trouver de fondement dans la section 9 du chapitre II du décret du 19 juillet 2002, puisque ce chapitre ne concerne que les consommateurs et non les producteurs.

La Société des chutes de l'Ain soutient, par ailleurs, qu'Electricité de France fait une confusion entre contrôle et entretien. Elle considère, en effet, que les « interventions » qu'Electricité de France prétend avoir réalisées ne sont en réalité que des prestations de contrôle et qu'aucun entretien des compteurs n'a été effectué.

Enfin, la Société des chutes de l'Ain soutient que la demande de paiement d'Electricité de France ne pourra être acceptée par les producteurs que si la définition du comptage de base qui leur est proposé dans le tarif d'utilisation des réseaux exclut l'entretien des compteurs, qui constitue une prestation complémentaire qu'Electricité de France est seulement en mesure de proposer et non d'imposer.

En conséquence, la Société des chutes de l'Ain persiste dans ses précédentes conclusions et confirme ses demandes ;


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Vu les observations en réponse, enregistrées le 8 avril 2005, présentées par Electricité de France.

Electricité de France estime que, dès lors que le chapitre Ier de l'annexe du décret du 19 juillet 2002 ne fait état que de la facturation de l'énergie injectée sur le réseau, il convient de se référer à la section 9 de la même annexe, qui renvoie à un barème applicable à tous les utilisateurs du réseau pour la tarification des prestations de comptage.

Electricité de France soutient que cette solution est conforme au courrier en date du 31 mars 2004 adressé à Electricité de France par les services de la Commission de régulation de l'énergie.

Electricité de France soutient que, pour respecter l'égalité de traitement des utilisateurs du réseau de distribution, il ne faut pas exempter les producteurs de la tarification des prestations de comptage prévue à la section 9 du chapitre Ier de l'annexe du décret du 19 juillet 2002. Il conclut que l'interprétation de la Société des chutes de l'Ain conduit à introduire une sélectivité entre les utilisateurs, qui reviendrait à favoriser les producteurs.

Electricité de France soutient, en outre, qu'aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucune stipulation contractuelle n'impose un mode d'intervention particulier ou une périodicité pour le contrôle et l'entretien des compteurs.

Electricité de France persiste dans ses précédentes conclusions et demande à la Commission de régulation de l'énergie de débouter la Société des chutes de l'Ain de sa demande ;


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Vu les autres pièces du dossier remis par les parties ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 15 février 2001 relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 1er mars 2005 du président de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l'instruction de la demande de règlement du différend ;

Vu le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;

Vu le décret no 2002-1014 du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en application de l'article 4 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;


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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie qui s'est tenue le 14 avril 2005 en présence de :

M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Eric Dyèvre, Michel Lapeyre, Bruno Léchevin et Jacques-André Troesch, commissaires ;

M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Anne Mielnik-Meddah, adjointe au directeur juridique, chef du département réglementation et procédure ;

M. Didier Laffaille, rapporteur, MM. Christophe Gence-Creux et Gaël Bouquet, rapporteurs adjoints ;

Mme Anne-Mary Roussel, pour la Société des chutes de l'Ain ;

MM. Jean-Claude Millien, Patrick Lemaire, Alain Brière, Denis Hag, Bernard Pilarski, pour Electricité de France.

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Didier Laffaille, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Mme Anne-Mary Roussel, pour la Société des chutes de l'Ain ; la Société des chutes de l'Ain persiste dans ses conclusions et moyens ; elle affirme que la lettre du 31 mars 2004, sur laquelle se fonde Electricité de France, précise seulement que la tarification des prestations de comptage aux producteurs peut être proposée et non imposée par Electricité de France « selon les mêmes modalités financières que celles définies pour les consommateurs et les distributeurs, à la section 9 du chapitre II de l'annexe du décret no 2002-1014 du 19 juillet 2002 » ; elle soutient que les prestations de base ont été définies par la Commission de régulation de l'énergie dans le cahier des charges sur le comptage électrique, annexé à la communication du 29 janvier 2004 ; elle soutient qu'Electricité de France confond l'entretien et le contrôle, ce dernier devant être réalisé contradictoirement en application de l'article 13 du cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ; la Société des chutes de l'Ain reconnaît que la section 9 du chapitre II de l'annexe du décret du 19 juillet 2002 s'applique aux dispositifs de comptage des installations de production, lorsque celles-ci consomment de l'énergie en provenance du réseau public pour leurs auxiliaires ; elle indique qu'elle a mandaté personnellement Mme Anne-Mary Roussel et s'est adjoint le conseil d'EAF ;

- les observations de M. Denis Hag et Jean-Claude Millien pour Electricité de France ; Electricité de France persiste dans ses conclusions et moyens ; il soutient que seul le petit entretien constitue une prestation de base et que l'entretien plus important est à la charge du propriétaire du compteur ; Electricité de France soutient que les prestations sont effectivement réalisées et qu'elles font l'objet d'une intervention tous les deux ou trois ans ; il soutient que le décret du 26 avril 2001 ne distingue pas la propriété du compteur selon la qualité de l'utilisateur et que les dispositifs de comptage des producteurs sont identiques à ceux des consommateurs ; il précise que les prestations de base font, pour les producteurs, l'objet d'un barème, selon les conditions préconisées par la lettre du 31 mars 2004, et que ce barème a été publié ; Electricité de France soutient que le dispositif de représentation de la Société des chutes de l'Ain n'est ni établi, ni complet, dès lors qu'EAF n'a pas mandaté Mme Anne-Mary Roussel pour agir en son nom ;

La Commission de régulation de l'énergie en ayant délibéré le 14 avril 2005, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés ;

Les faits :

Le 6 mai 1998, la Société des chutes de l'Ain a conclu avec Electricité de France un contrat de type 97-07, relatif à l'achat de l'énergie électrique produite par son installation hydraulique raccordée en HTA. Ce contrat stipule à l'article 4-3 que : « les interventions de petit entretien sur le comptage seront facturées au producteur sur la base d'un coût forfaitaire déterminé par EDF ».

Par une lettre du 26 octobre 2000, Electricité de France a adressé à la Société des chutes de l'Ain un compte rendu d'étalonnage des compteurs de son installation hydraulique, effectué à la demande du producteur.

Par un courrier du 1er juillet 2003, Electricité de France a adressé à la Société des chutes de l'Ain les quatre premières factures d'accès au réseau pour la période du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002 inclus.

Le 20 janvier 2004, Electricité de France a transmis à la Société des chutes de France a transmis à la Société des chutes de l'Ain une facture d'accès au réseau de distribution d'électricité pour la période du 1er novembre 2003 au 31 décembre 2003, d'un montant de 37,26 HT correspondant à la redevance d'entretien des compteurs.

Le 5 février 2004, Electricité de France a reçu de la Société des chutes de l'Ain la facture émise le 20 janvier 2004 portant la mention manuscrite « retour pour annulation, le matériel nous appartient en propre ».

Par une lettre du 10 février 2004, la Société des chutes de l'Ain a indiqué qu'elle s'opposait à la facturation de frais d'entretien des compteurs.

Le 30 avril 2004, Electricité de France a adressé à la Société des chutes de l'Ain une facture d'accès au réseau de distribution d'électricité pour la période du 1er janvier 2004 au 31 mars 2004, d'un montant de 55,89 EUR HT correspondant à la redevance d'entretien des compteurs.

Par une lettre du 18 mai 2004, la Société des chutes de l'Ain a renouvelé sa demande d'annulation des factures qui lui ont été adressées par Electricité de France.

Par une lettre du 19 mai 2004, Electricité de France a réitéré ses explications sur les dispositions réglementaires à l'origine de la facturation de la redevance mise à la charge du producteur.

Le 22 juillet 2004, Electricité de France a transmis à la Société des chutes de l'Ain une facture d'accès au réseau de distribution d'électricité pour la période de production du 1er avril 2004 au 30 juin 2004, d'un montant de 55,89 EUR HT correspondant à la redevance d'entretien des compteurs. A cette facture était annexé un état des règlements non enregistrés indiquant un « solde dû » de 111,40 EUR TTC.

Par une lettre du 31 août 2004, Electricité de France a rappelé par courrier à la Société des chutes de l'Ain que les règlements des trois dernières factures d'accès au réseau ne lui étaient pas parvenus.

Les 8 novembre 2004 et 21 janvier 2005, Electricité de France a transmis à la Société des chutes de l'Ain deux factures d'accès au réseau de distribution d'électricité pour les périodes de juillet 2004 à décembre 2004 inclus. Leur montant s'élevait respectivement à 74,52 EUR HT et 37,26 EUR HT, correspondant à la redevance d'entretien des compteurs. Au jour de la saisine, Electricité de France était en attente du règlement d'un montant total de 311,93 EUR TTC au titre des factures d'accès au réseau adressées à la Société des chutes de l'Ain.

Le 23 février 2005, la Société des chutes de l'Ain a saisi la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à Electricité de France, gestionnaire de réseau public de distribution, sur la facturation des frais d'entretien des dispositifs de comptage.


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Sur la fin de non-recevoir opposée par Electricité de France :

Electricité de France soutient que la demande de la Société des chutes de l'Ain ne permet pas de déterminer le nom de la personne à l'égard de laquelle les actes de procédures seront valablement accomplis et méconnaîtrait ainsi les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie.

Or, le deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 11 septembre 2000 ne prévoit l'indication du nom de la personne à l'égard de laquelle les actes de procédure seront valablement accomplis qu'en cas de pluralité de conseils, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la Société des chutes de l'Ain étant seulement assistée « par la Fédération EAF ».

Dans ces conditions, la demande de la Société des chutes de l'Ain ne méconnaît pas les dispositions de l'article 1er du décret précité et le moyen manque en fait.

Au demeurant, la demande de règlement de différend a été signée par Mme Anne-Mary Roussel, qui a produit un mandat, en date du 17 février 2005, l'habilitant régulièrement à signer au nom de la Société des chutes de l'Ain, et non en tant que mandataire d'EAF comme le soutient à tort Electricité de France, la saisine de la Commission de régulation de l'énergie.

En conséquence, Electricité de France n'est pas fondé à soutenir que la demande de la Société des chutes de l'Ain serait irrecevable.

Sur la demande de la Société des chutes de l'Ain tendant à ce que la Commission de régulation de l'énergie décide qu'Electricité de France ne peut facturer des frais d'entretien des compteurs, si cet entretien n'a pas été proposé contractuellement au producteur :

Sur la facturation à la Société des chutes de l'Ain de la prestation de comptage de base :

Il résulte de l'instruction qu'Electricité de France a facturé à la Société des chutes de l'Ain des frais d'entretien des compteurs dont la société est propriétaire sur le fondement des dispositions de la section 9 du chapitre II de l'annexe du décret du 19 juillet 2002. La Société des chutes de l'Ain soutient que ces dispositions ne lui sont pas applicables.

L'article 2 du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, applicable à compter du 1er novembre 2002, dispose que « les tarifs d'utilisation des réseaux publics sont calculés à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux [... qui] comprennent en particulier [...] les coûts liés aux comptages [...] ».

Le décret du 19 juillet 2002 fixe dans son annexe les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité. Cette annexe indique que ces tarifs « intègrent l'ensemble des coûts des réseaux mentionnés à l'article 2 du décret du 26 avril 2001 ».

Le chapitre Ier de cette annexe fixe la tarification applicable aux producteurs qui ne sont pas raccordés en basse tension.

Le chapitre II de l'annexe prévoit, en neuf sections, la tarification applicable aux consommateurs et aux gestionnaires de réseaux publics de distribution raccordés aux domaines de tension HTA ou HTB. La section 9 de ce chapitre prévoit, en particulier, que « les gestionnaires de réseaux doivent assurer aux utilisateurs une prestation de comptage de base [...] selon le barème » qu'elle définit. Parmi les prestations ainsi tarifées, figurent notamment la « location et l'entretien d'un compteur ». Dans l'hypothèse où le compteur est la propriété des clients, seul est tarifé l'entretien.

Le chapitre III de l'annexe fixe la tarification applicable à tous les utilisateurs raccordés en basse tension. Parmi les prestations prévues à la section 2 de ce chapitre, qui s'applique aux utilisateurs au-dessus de 36 kVA, figurent notamment la « location et l'entretien d'un compteur ». Dans l'hypothèse où le compteur est la propriété des clients, seul est tarifé l'entretien.

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions et de leur combinaison les principes suivants :

- la seule tarification applicable aux producteurs qui ne sont pas raccordés en basse tension est celle prévue au chapitre Ier de l'annexe du décret du 19 juillet 2002, à savoir 0,18 EUR par MWh pour ceux raccordés dans les domaines de tension HTB 3 et HTB 2 et 0 EUR pour ceux raccordés dans les domaines de tension HTB 1 et HTA ;

- l'entretien des compteurs constitue une « prestation de comptage de base ». Il ne peut être facturé qu'aux consommateurs et gestionnaires de réseaux publics de distribution raccordés aux domaines de tension HTA ou HTB et aux utilisateurs raccordés en basse tension au-dessus de 36 kVA, seulement sur les bases tarifaires fixées respectivement par la section 9 du chapitre II et la section 2 du chapitre III de l'annexe du décret du 19 juillet 2002.

Par suite, la Société des chutes de l'Ain, qui est un producteur d'électricité, est fondée à soutenir qu'Electricité de France ne peut lui facturer les prestations de comptage de base sur le fondement de la section 9 du chapitre II de l'annexe du décret du 19 juillet 2002, qui s'applique exclusivement aux consommateurs et gestionnaires de réseaux publics de distribution raccordés aux domaines de tension HTA ou HTB.

Electricité de France ne peut utilement invoquer pour la solution du présent règlement de différend les termes de la lettre du 31 mars 2004, au demeurant postérieure aux facturations litigieuses, adressée par les services de la Commission de régulation de l'énergie. En effet, cette lettre, qui concerne le remplacement de compteurs à courbe de charge télérelevée dans le cadre des contrats d'achat par Electricité de France de l'énergie électrique des producteurs hydrauliciens bénéficiant de contrats du type approuvé par le DIGEC le 9 octobre 1997 ne constitue pas une règle générale édictée par la Commission.

Sur la possibilité de facturation à la Société des chutes de l'Ain de prestations de comptage particulières :

L'article 7 du décret du 26 avril 2001 dispose que « les contrats et protocoles conclus entre [...] les gestionnaires des réseaux publics de distribution et les utilisateurs de ces réseaux peuvent prévoir la fourniture de prestations particulières en matière de [...] modalités de comptage et prévoir les conditions financières correspondantes permettant de couvrir les coûts supplémentaires engendrés ».

Ces dispositions permettent aux gestionnaires de réseaux publics de distribution et aux utilisateurs de ces réseaux de prévoir contractuellement « la fourniture de prestations particulières », notamment en matière de « modalités de comptage », et les conditions financières de cette prestation particulière. Elles ne sauraient permettre de fixer contractuellement la tarification de prestations de comptage de base, au nombre desquelles figure l'entretien des compteurs, qui, ainsi qu'il a été dit plus haut, ne peut être fixée que par le décret tarifaire.

Dès lors, si l'article 4-3 du contrat du 6 mai 1998 conclu entre Electricité de France et la Société des chutes de l'Ain intitulé « Frais de comptage / Petit entretien du comptage » stipule que « les interventions de petit entretien sur le comptage seront facturées au producteur sur la base d'un coût forfaitaire déterminé par EDF », cette stipulation qui a pour objet, non pas de prévoir la facturation des modalités particulières de comptage, mais celle de la fourniture de prestations de comptage de base méconnaît les dispositions de l'article 7 du décret du 26 avril 2001 qui s'appliquent, à compter du 1er novembre 2002, « nonobstant toute disposition contraire [...] des contrats », en vertu de l'article 1er du même décret. Cette stipulation n'est, par suite, plus applicable depuis le 1er novembre 2002.

Il résulte de tout ce qui précède qu'Electricité de France ne peut imposer à la Société des chutes de l'Ain la facturation des frais d'entretien des compteurs d'électricité de son installation de production hydroélectrique.

Sur la détention par Electricité de France d'un monopole de l'entretien des compteurs :

Electricité de France demande que la Commission de régulation de l'énergie dise qu'il détient, en vertu de la loi du 10 février 2000 et du décret du 19 juillet 2002, un monopole d'entretien des compteurs.

Le III de l'article 19 de la loi du 10 février 2000 précise que « chaque gestionnaire du réseau public de distribution procède aux comptages nécessaires à l'exercice de ses missions » et la section 9 du chapitre II de l'annexe du décret du 19 juillet 2002 prévoit notamment que « [...] les gestionnaires de réseaux doivent assurer aux utilisateurs une prestation de comptage de base [...] ». Contrairement à ce que soutient Electricité de France, ces dispositions ne confèrent pas aux gestionnaires de réseaux un monopole légal de l'entretien des compteurs.

La demande d'Electricité de France ne peut, donc, qu'être rejetée.

Par ailleurs, si la Société des chutes de l'Ain estime qu'Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, abuse de sa position dominante en s'arrogeant le monopole de l'entretien des compteurs, il lui appartient de saisir le Conseil de la concurrence, la Commission de régulation de l'énergie ne pouvant statuer, lorsqu'elle est saisie sur le fondement de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 modifiée, sur le caractère anticoncurrentiel allégué d'une pratique,

Décide :


Article 1


Electricité de France ne peut pas imposer, ni facturer des prestations d'entretien des compteurs d'électricité de l'installation de production hydroélectrique de la Société des chutes de l'Ain.

Article 2


Le surplus des demandes de la Société des chutes de l'Ain et les demandes d'Electricité de France sont rejetés.

Article 3


La présente décision sera notifiée à la Société des chutes de l'Ain et à Electricité de France ; elle sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 14 avril 2005.


Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J. Syrota