J.O. 90 du 17 avril 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2005-0114 du 1er février 2005 portant sur l'influence significative de la société Orange Réunion sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre


NOR : ARTT0500016S



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « Accès ») ;

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « Cadre ») ;

Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques ;

Vu la recommandation C(2003)497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « Cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;

Vu la recommandation C(2003)2647 de la Commission des Communautés européennes du 23 juillet 2003 concernant les notifications, délais et consultations prévus par l'article 7 de la directive « Cadre » (recommandation « notification ») ;

Vu la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (CPCE), et notamment ses articles L. 36-7, L. 37-1 et D. 301 à D. 315 ;

Vu la décision no 2001-458 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 11 mai 2001, portant adoption de lignes directrices relatives aux conditions tarifaires d'interconnexion des opérateurs mobiles puissants sur le marché national de l'interconnexion ;

Vu la décision no 2001-907 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 24 juillet 2003, établissant pour 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;

Vu la consultation publique préliminaire de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles, lancée le 16 avril 2004 et clôturée le 28 mai 2004 ;

Vu les réponses à la consultation susvisée ;

Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence, en date du 23 juin 2004 ;

Vu l'avis du Conseil de la concurrence, en date du 14 octobre 2004 ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles d'outre-mer, lancée le 8 décembre 2004 et clôturée le 21 janvier 2005, conduite en application de l'article L. 32-1-III du code des postes et des communications électroniques et de l'article 6 de la directive 2002/21 /CE ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la notification relative à l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 7 décembre 2004 ;

Vu les observations de la Commission européenne en date du 19 janvier 2005 ;

Vu la décision no 2005-0111 de l'Autorité, en date du 1er février 2005, relative à la détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles d'outre-mer (décision « définition de marché ») ;

Considérant :

Comme il sera démontré dans cette analyse, l'Autorité estime qu'Orange Réunion doit être réputé exercer une influence significative sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients (partie I). Cette situation engendre des obstacles au développement de la concurrence susceptibles d'avoir des conséquences négatives au regard des objectifs poursuivis par l'Autorité conformément au cadre réglementaire, et il est donc nécessaire d'imposer à Orange Réunion certaines obligations (parties II, III et IV).


I. - PUISSANCE DE MARCHÉ D'ORANGE RÉUNION


L'analyse de l'influence significative sur un marché se fonde sur des principes généraux (I-1), l'étude du comportement des acheteurs et des consommateurs (I-2), l'analyse du comportement tarifaire des opérateurs mobiles (I-3) et l'évolution prévisible du marché (I-4). L'analyse de l'Autorité prend en compte l'avis du Conseil de la concurrence (I-5) et les observations des autres autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne (I-6). Il est conclu qu'Orange Réunion est réputé exercer une influence significative sur le marché considéré (I-7).


I-1. Principes de la détermination

d'une influence significative sur un marché

I-1.1. Principes généraux


Aux termes de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, « est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ».

En application des principes issus de la jurisprudence tels que rappelés dans les lignes directrices susvisées, la part de marché d'une entreprise constitue un critère essentiel, bien que non exclusif. En effet, la jurisprudence considère que la présence de parts de marché élevées - supérieures à 50 % - permet, sauf circonstances exceptionnelles, d'établir l'existence d'une position dominante. Par ailleurs, l'évolution des parts de marché respectives de l'entreprise et de ses concurrents, sur une période de temps appropriée, constitue un facteur complémentaire.

Les parts de marché peuvent être évaluées sur la base des volumes ou des chiffres d'affaires, l'indicateur le plus pertinent devant être défini en fonction des caractéristiques de chaque marché.

Le critère de la part de marché ne saurait toutefois suffire à établir l'existence d'une position dominante. En application de la jurisprudence et des lignes directrices de la Commission sur l'analyse du marché, d'autres indices de nature plus qualitative sont à prendre en compte dans l'analyse, tels que, notamment :

- la taille de l'entreprise ;

- le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;

- l'avancée ou la supériorité technologique ;

- l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;

- la diversification des produits ou des services ;

- l'intégration verticale de l'entreprise ;

- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;

- l'absence de concurrence potentielle ;

- l'existence d'une concurrence par les prix ;

- d'autres critères tels que l'accès privilégié aux marchés des capitaux ou la présence d'économies de gamme ou d'échelle.

L'Autorité s'est efforcée de mettre en oeuvre, parmi ces critères, ceux apparaissant comme les plus appropriés à la désignation des opérateurs puissants dans le cadre du marché concerné par la présente analyse.


I-1.2. Application des principes généraux

aux marchés de gros de la terminaison d'appel


Dans la décision « définition de marché » susvisée, il a été indiqué que le marché pertinent considéré était le marché des prestations de terminaison d'appel vocal sur chaque réseau individuel à destination des clients de l'opérateur mobile, quelle que soit l'origine de l'appel (fixe ou mobile, nationale ou internationale), et quelle que soit la technologie utilisée pour produire cette prestation (GSM ou UMTS). Les appels par le biais de hérissons utilisant une carte SIM de cet opérateur, à destination de cet opérateur, ont été inclus dans le marché. L'Autorité examine l'existence d'une éventuelle influence significative individuelle de chaque opérateur sur ce marché de la terminaison vocale ainsi défini.

Chaque opérateur dispose de 100 % de parts de marché sur le marché de la terminaison vocale sur son propre réseau. En effet, les opérateurs de départ ont à leur disposition uniquement deux types de prestations, toutes deux offertes directement par l'opérateur mobile de terminaison (offre d'interconnexion et hérissons)

Outre le fait que chaque opérateur dispose de 100 % de parts de marché, il est techniquement impossible pour un nouvel entrant de rentrer sur l'un de ces marchés (un opérateur ne peut pas proposer d'offre concurrente à celle de l'opérateur mobile pour terminer du trafic vocal sur le réseau de cet opérateur mobile). Ces deux éléments sont soulignés par les lignes directrices de la Commission européenne comme des indicateurs importants d'une présomption d'influence significative sur le marché.

Il n'en reste pas moins qu'une part de marché de 100 % et une absence de concurrence potentielle déjà évoquées précédemment ne sauraient être suffisantes pour qualifier le degré d'influence significative. Il est nécessaire, conformément aux lignes directrices, de procéder à une analyse approfondie des caractéristiques économiques du marché pertinent.

L'évaluation du pouvoir d'achat compensateur dont pourrait bénéficier l'opérateur acheteur ou le consommateur est un élément important qui permet de caractériser le degré d'influence significative de l'opérateur et de comprendre si ce dernier peut effectivement agir indépendamment de la demande et des concurrents. Cette capacité d'agir indépendamment des autres peut être confirmée par l'examen des prix pratiqués par le passé, et notamment par la possibilité de s'écarter durablement de prix correspondant à une rentabilité raisonnable.


I-2. Comportement des acheteurs et des consommateurs


Outre la circonstance qu'Orange Réunion dispose d'une part de marché de 100 % sur un marché où la concurrence potentielle est a priori nulle, comme l'a montré l'analyse précédente, il est nécessaire d'analyser si cet opérateur peut agir, dans une mesure appréciable, indépendamment des acheteurs de terminaison d'appel.

Le contre-pouvoir s'évalue, d'une part, par la capacité et l'intérêt qu'ont les acheteurs de terminaison sur le marché de gros à s'opposer à une hausse de la charge de terminaison d'appel et, d'autre part, par l'influence du comportement des consommateurs.

Il convient d'examiner, en premier lieu, s'il peut exister un pouvoir d'achat compensateur de la part des clients sur le marché de gros. Les principaux clients d'Orange Réunion, en parts de marché, sont France Télécom et SRR. On note en effet qu'en 2002, 43 % du volume vendu de terminaison d'appel vocal en France a été acheté par des opérateurs fixes français et 52 % par des opérateurs mobiles français (source : ART, Enquête annuelle 2002). Or, à la même date, d'une part, France Télécom détenait plus de 70 % de parts de marché des appels fixe vers mobile en France (et le second opérateur moins de 10 %) et, d'autre part, SRR détenait au 30 juin 2004, 72 % du parc mobile à la Réunion (et Orange Réunion, les 28 % restants).

De la part de ces opérateurs, un pouvoir d'achat compensateur pourrait hypothétiquement s'exercer sur Orange Réunion, par le biais :

a) du refus par un opérateur d'acheter la prestation de terminaison d'appel d'Orange Réunion, privant ainsi ses abonnés de la faculté de joindre ceux de ce dernier ;

b) d'un prix de détail pour les appels destinés à Orange Réunion excessivement élevé, de façon à assécher le trafic entrant de ce dernier ou à le faire apparaître comme un « réseau cher » (en représailles).

Toutefois, il est difficile d'envisager que France Télécom, maison mère du groupe Orange, agisse de la sorte, à l'encontre des intérêts d'Orange Réunion.

Le fait, pour SRR, de restreindre son service aux appels destinés à des lignes fixes ou à ses propres abonnés induirait, de façon très crédible, une marginalisation par effet club d'Orange Réunion, dont la part de marché, en termes de parc, est déjà limitée à 28 %, contre 72 % pour SRR. Il semble donc que ce dernier ne puisse mettre en oeuvre une telle pratique sans exploiter abusivement sa position dominante au détail, ce qui exclut l'hypothèse a.

Pour être efficaces, les représailles envisagées en b supposent quant à elles une certaine réactivité de la demande, ce qui n'est pas nécessairement le cas.

Au surplus, le Conseil de la concurrence a estimé, dans un avis no 2001-A-01 du 16 mars 2001 portant sur la tarification par France Télécom des communications téléphoniques au départ de son réseau vers des réseaux tiers, que « la possibilité qui serait laissée à France Télécom de pratiquer des tarifs différents [sur le trafic fixe vers mobile] reviendrait donc, pour l'essentiel, à l'autoriser à répercuter, en tout ou partie, les différences entre les charges de terminaison factuées par les différents opérateurs mobiles. Cette faculté de différencier ses tarifs demeurerait toutefois soumise aux exigences du droit de la concurrence, et notamment à l'obligation pour une entreprise en position dominante de ne pas pratiquer de tarifs discriminatoires. En revanche, le fait de différencier les tarifs en fonction des coûts d'interconnexion différents imposés par les différents opérateurs mobiles n'apparaît pas contraire au droit de la concurrence. »

S'agissant plus particulièrement du trafic mobile vers mobile, le conseil a ajouté, dans sa décision no 2002-D-69 du 26 novembre 2002 relative aux saisines et aux demandes de mesures conservatoires présentées par la société Bouygues Telecom, l'Union fédérale des consommateurs-Que choisir et la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, que « pour un opérateur en position dominante, le fait de pratiquer des différences de prix non justifiées par des différences de coût de revient des services, et qui pourraient donc être discriminatoires, est susceptible de constituer un abus si cette pratique a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné. » Au cas d'espèce, le conseil n'avait pas exclu que tel puisse être le cas de la pratique de différenciation tarifaire mise en oeuvre par Orange France entre les appels on-net et off-net, laquelle lui paraissait « de nature à limiter l'interopérabilité des réseaux et donc à favoriser le plus grand des parcs, les clients valorisant la possibilité d'appeler et d'être appelés par le plus grand nombre possible de correspondants. Cet effet devrait être d'autant plus important qu'Orange France détient une part de marché beaucoup plus élevée que celle de chacun de ses deux concurrents. »

Il résulte de ces éléments qu'un opérateur tel que SRR pourrait difficilement pratiquer un prix de détail pour le trafic destiné aux abonnés d'Orange Réunion artificiellement élevé sans exploiter abusivement sa position dominante au détail.

L'analyse des évolutions des tarifs outre-mer confirme largement l'absence de tout pouvoir d'achat compensateur de la part des opérateurs présents (cf. I-3).

En second lieu, une pression concurrentielle pourrait également s'exercer par d'éventuels effets de substitution sur les marchés de détail sous-jacents. Si les clients des appels fixe vers mobile ou mobile vers mobile avaient pu utiliser des services de substitution en réponse à une hausse des prix, une hausse de la terminaison d'appel ne se serait pas alors traduite nécessairement par une rentabilité accrue pour l'opérateur mobile concerné. L'analyse de la substituabilité des produits effectuée lors de la définition du marché a montré que l'effet d'une telle substitution était limité et que les opérateurs mobiles n'étaient pas incités à pratiquer des tarifs modérés.


I-3. Comportement tarifaire des opérateurs mobiles

I-3.1. Evolutions des tarifs dans l'outre-mer


Les prix moyens présentés dans cette partie sont les prix calculés à partir des tarifs des opérateurs mobiles et de la statistique d'appels définie dans les décisions no 2001-970 et no 2001-971 de l'Autorité portant sur le niveau de la charge de terminaison d'appel sur le réseau d'Orange France et de SFR.



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 90 du 17/04/2005 texte numéro 21



Figure 1 : estimation de l'évolution du prix moyen

de la terminaison d'appel dans l'outre-mer (en EUR/min)

I-3.2. Une évolution des prix

confirmant l'absence de pouvoir d'achat compensateur


Depuis le 1er janvier 2003, conformément à la décision no 2002-1191 de l'Autorité en date du 12 décembre 2002, Orange Caraïbe et SRR doivent orienter leurs tarifs d'interconnexion vers les coûts. Pourtant, depuis lors, un seul mouvement de baisse a été constaté, en janvier 2004, de l'ordre de 10 % pour Orange Caraïbe et de l'ordre de 14 % pour SRR. Les autres opérateurs mobiles, dont Orange Réunion, ont quant à eux maintenu leurs tarifs, malgré la baisse d'Orange Caraïbe et SRR.

Les niveaux de charge de terminaison d'appel vocal restent significativement supérieurs à ceux de la métropole : le niveau le moins élevé outre-mer (SRR) étant 34 % supérieur à celui du plus élevé métropolitain (Bouygues Telecom).

Orange Caraïbe, Bouygues Telecom Caraïbe, SRR et Orange Réunion ont, dans leur réponse à la consultation publique, indiqué qu'ils subissaient des coûts supplémentaires à ceux des opérateurs de métropole. Ceux-ci auraient trois principales sources : l'éloignement de la métropole, les intempéries et la taille des marchés. Concernant la zone Antilles-Guyane, il a aussi été indiqué que l'exploitation d'un réseau sur des territoires non contigus était un facteur de coût supplémentaire.

L'Autorité estime qu'en effet il peut exister des facteurs de coûts supplémentaires à ceux de la métropole. Néanmoins, il existe aussi des facteurs de réduction de coûts. Ainsi, les parts de marché en parc d'abonnés d'Orange Caraïbe (83 %) et de SRR (72 %) sont très nettement supérieures à celles des opérateurs mobiles de métropole (Orange France détient 50 % de parts de marché).

Ces éléments sont confirmés par les niveaux de coûts fournis par Orange Caraïbe et SRR pour l'année 2002 qui ne sont que légèrement supérieurs à ceux estimés pour Orange France et SFR pour la même année.

S'agissant d'Orange Réunion, Bouygues Telecom Caraïbe, SMM, Dauphin Telecom et SPM Télécom, les modélisations réalisées conduisent l'Autorité à considérer que les tarifs de terminaison d'appel pratiqués sont sensiblement supérieurs aux coûts de référence définis en IV-1.

L'Autorité en conclut qu'il existait pour chacun des opérateurs des marges réelles de baisse.

L'ART considère qu'en l'absence de régulation de la charge de terminaison d'appel Orange Réunion est en mesure d'agir indépendamment des acheteurs sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau. Le système dans lequel le client de détail d'Orange Réunion n'est pas facturé pour les appels qu'il reçoit n'introduit quasiment aucune pression concurrentielle sur le prix de la terminaison d'appel vocal facturé par Orange Réunion à un opérateur tiers.


I-4. Evolution prévisible de la situation concurrentielle


Les obstacles au développement d'une concurrence effective sur le marché de la terminaison d'appel mobile sont structurels et ne sont donc pas susceptibles d'évoluer a priori sur l'horizon de la période d'analyse (2005-2007).

L'Autorité estime que la faible élasticité de la demande de services téléphoniques par rapport au prix des appels entrants n'évoluera pas dans une proportion susceptible de créer une pression concurrentielle significative sur les charges de terminaison d'appel.

L'Autorité observera néanmoins avec attention le fonctionnement du marché et anticipera le prochain exercice d'analyse du marché si cette analyse prospective ne se vérifiait pas.


I-5. Avis du Conseil de la concurrence


Dans son avis no 2004-A-17 en date du 14 octobre 2004, le conseil soutient l'analyse développée par l'Autorité :

« Comme le conseil l'a constaté pour la métropole, la terminaison d'appel sur le réseau de chaque opérateur mobile [outre-mer] constitue un marché distinct. Les opérateurs mobiles sont donc détenteurs d'une infrastructure incontournable, ce qui est un élément allant dans le sens de l'exercice d'une influence significative de chaque opérateur sur le marché de gros de la TA vocale sur son réseau. Toutefois, des éléments spécifiques aux sociétés opérant dans ces départements ou aux marchés concernés pourraient remettre en cause l'exercice effectif de ce pouvoir de marché.

« Seuls deux opérateurs de téléphonie mobile sont présents sur la zone géographique Réunion-Mayotte : SRR (filiale de SFR), avec 74 % du marché de détail, et Orange Réunion (filiale d'Orange France), avec 26 %. Cette répartition du marché est stable ainsi que le niveau de la CTA depuis au moins deux ans.

« SRR a obtenu une licence dès 1995. Sa forte part de marché, sa position de premier arrivant et l'effet de "club qui en résulte sont des éléments de nature à confirmer que, comme la présomption en a été faite de façon générale, SRR exerce une influence significative sur le marché de gros de la TA sur son propre réseau.

« Orange Réunion n'a obtenu une licence qu'en 2001 et a une base de clientèle essentiellement constituée de cartes prépayées, donc plus fragile. Compte tenu de son appartenance au groupe France Télécom, ces éléments ne sont cependant pas de nature à remettre en cause son influence significative sur le marché de gros de la TA vocales sur son propre réseau.

« Le Conseil de la concurrence est donc d'avis que seul Orange Réunion et SRR exercent une puissance significative sur le marché de la TA vocale sur leur réseau dans la zone Réunion-Mayotte. »


I-6. Observations des autorités réglementaires nationales

et de la Commission européenne


Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'ART.

La Commission européenne a transmis le 19 janvier 2005 ses observations :

« La Commission a examiné la notification et formule les observations suivantes :


« (1) Définition de marché et "hérissons


« Bien qu'il subsiste des doutes sur l'inclusion de la terminaison des appels fixe vers mobile par le biais des "hérissons (le cas échéant) dans le marché pertinent, son exclusion de la définition de marché dans ce cas particulier n'aurait pas conduit à un résultat différent de l'analyse PSM. Par conséquent, la Commission considère qu'une conclusion sur la délimitation exacte du marché de produits n'a pas d'impact dans le cas présent pour les besoins de l'examen PSM.


« (2) Obligations de séparation comptable

et de contrôle des prix


« La Commission rappelle à l'ART que les décision précisant les modalités de l'obligation de séparation comptable et de la comptabilisation des coûts doivent être notifiées conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive "Cadre. »

La Commission européenne conclut que :

« Conformément à l'article 7, paragraphe 5, de la directive "Cadre, l'ART doit tenir le plus grand compte des observations formulées par les autres ARN et par la Commission, peut adopter le projet de mesure final et, le cas échéant, le communiquer à la Commission. »


I-7. Conclusion pour Orange Réunion


En conséquence de l'analyse présentée, l'Autorité considère qu'Orange Réunion doit être réputé exercer une influence significative sur le marché pertinent de gros de terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients.


II. - OBJECTIFS DE L'ACTION RÉGLEMENTAIRE,

INFLUENCE SIGNIFICATIVE ET OBLIGATIONS IMPOSÉES


L'imposition d'obligations ex ante, prévue à l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques, doit être motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire listés à l'article L. 32-1 du code (II-1). Ces obligations ne doivent être imposées que sur la seule terminaison d'appel vocal « directe » et non sur les hérissons (II-2) pour remédier aux obstacles au bon fonctionnement du marché découlant de la capacité d'Orange Réunion à exercer une influence significative sur ce marché (II-3).


II-1. Principes généraux


La finalité de la conduite des analyses de marchés est d'identifier les marchés pertinents, les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un de ces marchés et de déterminer les obligations spécifiques qui doivent être imposées de manière motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire. Concrètement, il peut s'agir soit d'imposer de nouvelles obligations, soit de maintenir les obligations qui existent déjà, soit de procéder à leur levée si la situation concurrentielle le justifie.


II-1.1. Objectifs de l'ART


L'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précise les objectifs qui doivent guider l'action générale de l'ART et donc en particulier son intervention dans le cadre des analyses de marché :

« Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des télécommunications prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent :

1. A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques.

2. A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.

3. Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques.

4. A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence.

5. Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel.

6. Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique.

7. A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements.

8. Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48.

9. A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs.

10. A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen.

11. A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation.

12. A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public.

13. Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent.

14. A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »


II-1.2. Principales obligations


Les principales obligations spécifiques prévues par la directive « Accès » susvisée et l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques sont les suivantes :

- obligation relative à l'accès à des ressources de réseau spécifiques et à leur utilisation ;

- obligation de non-discrimination ;

- obligation de transparence, y compris l'obligation d'établir une offre de référence ;

- obligation relative à la séparation comptable ;

- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.


II-2. Les hérissons


Comme il a été exposé dans la décision « définition de marché », les hérissons constituent un substitut imparfait à la terminaison d'appel vocal mobile « directe ». Le développement de hérissons dans la zone d'activité d'Orange Réunion soulève trois types de problèmes au regard des objectifs de l'action réglementaire :

- ils constituent et engendrent des investissements inefficaces par rapport à l'optimum de premier rang que constituent les interconnexions directes entre réseaux. De ce fait ils dégradent la compétitivité du secteur ;

- ils engendrent une dégradation de la qualité de service pour les utilisateurs finals et donc une perte de bien-être pour la collectivité ;

- ils perturbent le fonctionnement, voire l'intégrité, des réseaux, la gestion et l'utilisation efficace des fréquences radioélectriques.

Mais l'Autorité observe que c'est la persistance d'un écart tarifaire très important entre certains prix de détail de la téléphonie mobile et les charges de terminaison d'appel mobile qui a engendré le développement des hérissons. Autrement dit, les hérissons sont un symptôme ou une réponse de marché à une distorsion du marché de la terminaison d'appel vocal.

Il convient donc de traiter la cause du problème et non le symptôme. Par ailleurs, une action directe au niveau des hérissons serait difficile à mettre en oeuvre.

Aussi, l'Autorité n'imposera d'obligations que sur les seules prestations de terminaison d'appel vocal « directe » fournies dans le cadre de l'interconnexion physique des réseaux. Une baisse du prix de la terminaison d'appel vocal (cf. partie IV) permet de refermer l'espace économique sous-tendant le développement des hérissons dans les années à venir.


II-3. Obstacles au développement d'une concurrence effective


En vertu des articles L. 37-1 et L. 38 du code des postes et communications électroniques, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante au niveau des marchés de gros doit permettre « de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective », ces obstacles étant identifiés au cours de l'analyse des marchés. Il convient donc de procéder à cet examen en ce qui concerne Orange Réunion.

Ces obstacles sont de trois ordres :

- la capacité d'Orange Réunion à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion avec un opérateur tiers compte tenu de sa position monopolistique sur le marché ;

- la capacité d'Orange Réunion à mettre en oeuvre des discriminations abusives compte tenu de son intégration verticale sur le marché de la téléphonie mobile et horizontale sur le marché de la téléphonie fixe via son appartenance au groupe France Télécom (partie III) ;

- l'absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel (partie IV).

III. - CAPACITÉ D'OBSTRUCTION DES NÉGOCIATIONS ET DE DISCRIMINATION ABUSIVE COMPTE TENU DE L'INFLUENCE SIGNIFICATIVE, DE LA POSITION DE MONOPOLE ET DE L'INTÉGRATION VERTICALE D'ORANGE RÉUNION

Eu égard à la capacité d'Orange Réunion à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion (et de leurs avenants successifs) et de mettre en oeuvre des discriminations abusives compte tenu de l'influence significative d'Orange Réunion sur le marché, de sa position de monopole structurel sur le marché de la terminaison d'appel vocal vers son réseau et de son intégration verticale sur le marché du mobile-mobile et du fixe-mobile, l'Autorité estime nécessaire de :

- permettre l'interconnexion et l'accès dans des conditions efficaces (obligation d'accès III-1) ;

- éviter que l'opérateur favorise ses propres services de détail sur la téléphonie mobile ou la société de détail de son groupe qui intervient sur le marché de détail de la téléphonie fixe, ou une société partenaire (obligation de non-discrimination III-2) ;

- donner de la visibilité aux acheteurs sur un élément essentiel de leur plan d'affaires (obligation de transparence III-3) ;

- contrôler la mise en oeuvre de la non-discrimination (obligation de séparation comptable III-4).


III-1. Prestations d'interconnexion et d'accès au réseau mobile


L'article L. 38 (1°) du CPCE et l'article 12 de la directive « Accès » prévoient que l'ART peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative.

L'Autorité avait envisagé lors de sa consultation publique préliminaire trois sous-obligations : l'obligation générale d'accéder à toute demande raisonnable, l'obligation de fournir une prestation minimale d'acheminement et l'obligation de fournir une prestation minimale d'accès aux sites. A la lumière des réponses à cette consultation publique, seule la première est finalement retenue.

Afin de permettre l'interopérabilité des services et des investissements efficaces au titre de l'interconnexion ou de l'accès et compte tenu de la position monopolistique d'Orange Réunion sur le marché, l'Autorité estime nécessaire d'imposer une obligation d'accepter toute demande raisonnable d'interconnexion et d'accès, à des fins de terminer « directement » du trafic vocal à destination des abonnés d'Orange Réunion, conformément à l'article D. 310 (1°) du code des postes et des communications électroniques. Compte tenu de l'impossibilité pour un opérateur souhaitant terminer un appel sur le réseau de déployer ses propres infrastructures, cette obligation est donc justifiée et proportionnée, notamment au regard de l'objectif visant à « [définir des] conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ».

L'Autorité note à cet égard que les prestations d'interconnexion et d'accès, proposées aujourd'hui par Orange Réunion, que ce soit pour l'acheminement du trafic de terminaison ou pour l'accès à leurs sites, semblent a priori raisonnables puisqu'elles ont été proposées par l'opérateur mobile lui-même. De même, l'opérateur mobile a de lui-même ouvert à l'interconnexion certains sites de commutation, il semble donc a priori raisonnable que ces points restent ouverts à l'interconnexion (1). Cette obligation répond donc aux critères imposés par l'article L. 38-IV bis du code susvisé.

Dans le cadre de la présente analyse prospective, l'Autorité estime qu'il n'y a pas lieu d'aller au-delà de l'obligation générale et d'imposer par avance des obligations spécifiques et en particulier un ensemble minimal de prestations, dans la mesure où Orange Réunion continue à offrir des services de terminaison d'appel vocal et d'accès aux sites d'interconnexion de qualité ou de caractéristiques au moins équivalentes à celles que l'opérateur proposait jusqu'à présent.

En cas de modification d'une prestation existante par Orange Réunion, l'Autorité sera attentive à ce que l'évolution ne nuise pas à l'efficacité de l'interconnexion ou de l'accès entre opérateurs. Une telle évolution devra en conséquence être communiquée aux opérateurs interconnectés avec des préavis suffisants (cf. III-3).

L'Autorité estime que si un opérateur demandait à Orange Réunion un nouveau service d'interconnexion ou d'accès non couvert par l'offre d'interconnexion ou d'accès existante de l'opérateur mobile cette demande relèverait en premier lieu de la négociation entre les opérateurs.


(1) Orange Réunion indique dans ses commentaires à la consultation publique du 8 décembre 2004 qu'il offre une « terminaison d'appel » dans des conditions non discriminatoires via le transit par France Télécom. L'Autorité précise que l'offre de transit via un opérateur tiers ne peut pas être considérée comme un moyen de terminer « directement » du trafic vocal, au sens du troisième paragraphe de cette section.

III-2. Obligation de non-discrimination


L'article L. 38 (2°) du CPCE et l'article 10 de la directive « Accès » prévoient la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination.

Les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres entreprises fournissant des services équivalents et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.

Comme le précise le considérant 17 de la directive « Accès », l'application d'une obligation de non-discrimination permet de garantir que les entreprises puissantes sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur un marché de détail, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.

La grande technicité des prestations d'interconnexion ou d'accès rend aisée pour un opérateur puissant l'offre de conditions techniques et tarifaires différentes pour ses différents clients, ses partenaires et ses propres services.

Des conditions techniques et tarifaires discriminatoires sur le marché de gros seraient préjudiciables à la concurrence sur les marchés de détail aval des communications fixe vers mobile et des communications mobile vers mobile. Il est donc justifié et proportionné d'introduire une obligation de non-discrimination, d'une part, entre clients et, d'autre part, entre clients et services internes, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » et « l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».

Ainsi, un opérateur puissant n'est pas autorisé à pratiquer des conditions différenciées quand la prestation d'interconnexion fournie est la même (2).

L'allocation des coûts communs entre services de détail et de gros de l'opérateur doit être non discriminatoire, comme indiqué dans la partie IV-1.


(2) Par exemple, la mise en place d'une tarification intégrant des prix indépendants du volume de trafic livré se traduit par des coûts moindres pour les opérateurs livrant d'importants volumes. Une telle tarification n'est autorisée que si elle reflète l'économie du réseau et les coûts encourus par l'opérateur. Ainsi, la tarification d'un coût fixe par BPN n'est pas discriminatoire si elle traduit l'existence de coûts fixes indépendants du volume. De même, la mise en place d'une modulation horaire doit refléter dans une certaine mesure l'économie de l'opérateur. En revanche, des remises au volume appliquées directement sur les tarifs à la minute ou les tarifications incluant des périodes indivisibles sont a priori non compatibles avec cette obligation.

III-3. Obligation de transparence


L'article 9 de la directive « Accès » relatif aux obligations de transparence et l'article L. 38 (1°) du CPCE prévoient que l'ART peut demander à un opérateur disposant d'une influence significative de rendre publiques certaines informations relatives à l'interconnexion et à l'accès.

L'Autorité avait envisagé dans sa consultation publique préliminaire d'imposer des obligations de transparence relatives aux conventions d'interconnexion, aux données nécessaires à l'établissement de comparaisons européennes et d'imposer la publication d'une offre de référence.

A la lumière de cette consultation publique, l'Autorité considère que la première proposition d'obligation doit être allégée (III-3.1), que la seconde doit être retirée (III-3.2) et que la troisième doit être modifiée (III-3.4). En revanche, il paraît important d'introduire une obligation d'information préalable des modifications contractuelles (III-3.4). Ces obligations paraissent justifiées et proportionnées, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ».


III-3.1. Conventions d'interconnexion


L'Autorité avait envisagé d'imposer une obligation systématique de transmission des conventions d'interconnexion et d'accès relatives à la terminaison d'appel vocal, dès leur signature. Il était de plus envisagé que l'Autorité puisse demander à l'opérateur puissant de publier tout ou partie d'une convention si cette publication pouvait permettre, notamment à des concurrents, de vérifier l'application de la non-discrimination pour des offres non incluses dans l'offre de référence.

S'agissant des modalités de communication des conventions à l'ART, l'article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques prévoit que toute convention d'interconnexion ou d'accès doit être transmise à l'ART à sa demande. L'Autorité estime donc au cas d'espèce suffisant et proportionné d'imposer in fine une obligation d'informer l'Autorité de la signature d'une nouvelle convention d'interconnexion ou d'un avenant à une convention existante dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.

S'agissant de la publication d'informations concernant les services d'interconnexion, l'Autorité considère que la publication des principaux tarifs (cf. III-3.3) et la possibilité de communication des conventions d'interconnexion aux tiers intéressés, dans le respect de la protection du secret des affaires, sont suffisantes et qu'il n'y a pas lieu d'imposer une publication de tout ou partie d'une convention d'interconnexion.


III-3.2. Comparaisons internationales


L'Autorité avait envisagé d'imposer une obligation de fourniture d'information au profit du groupe des régulateurs indépendants (GRI) et de la Commission européenne.

Il apparaît cependant que l'article 5 de la directive « Cadre » relatif à la fourniture d'information prévoit que l'ART soit dotée d'un tel pouvoir. Il n'apparaît donc pas nécessaire d'imposer dans le cadre de la présente analyse une telle obligation.


III-3.3. Publication des principaux tarifs


L'analyse de la situation outre-mer conduit l'Autorité à considérer qu'il n'est pas justifié d'imposer la publication d'une offre de référence à Orange Réunion. En revanche, et conformément à l'article D. 307-III du code des postes et des communications électroniques, il est nécessaire qu'Orange Réunion publie sur son site internet ses principaux tarifs relatifs à la terminaison d'appel vocal. Les opérateurs achetant une prestation de transit pour terminer des appels vers Orange Réunion pourront ainsi connaître la part de charges de terminaison dans le prix du transit. En outre, la connaissance de ces tarifs de gros peut être utile à des utilisateurs finals afin de mieux analyser les offres de détail proposées.


III-3.4. Information préalable des modifications contractuelles


Les acheteurs de terminaison d'appel ont besoin de visibilité sur cet élément essentiel de leur plan d'affaires. Conformément à l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité impose donc à Orange Réunion de prévenir ses clients dans un délai raisonnable des modifications de ses conditions techniques et tarifaires.

Le caractère raisonnable du délai doit s'apprécier au regard des conséquences techniques, économiques, commerciales ou juridiques sur l'opérateur interconnecté ou bénéficiant d'un accès et de la nécessité pour ce dernier d'assurer la continuité de son service.

L'Autorité considère qu'il n'est pas nécessaire de fixer a priori ces délais mais que pour assurer la transparence nécessaire, Orange Réunion doit mettre en oeuvre ce principe dans ses conventions.


III-4. Séparation comptable


L'article 11 de la directive « Accès » et l'article L. 38 (5°) du CPCE prévoient ainsi la possibilité d'imposer des obligations à caractère comptable. L'article L. 38 prévoit la possibilité « d'isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou de tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier les obligations prévues au titre du présent article ».

L'Autorité estime qu'il n'est pas aujourd'hui proportionné d'imposer à Orange Réunion une obligation de séparation comptable.


IV. - ABSENCE DE PRESSION CONCURRENTIELLE

SUR LES PRIX DE TA


Orange Réunion est puissant sur le marché de la terminaison d'appel. Au surplus, il n'existe quasiment pas de pression concurrentielle sur les prix de sa terminaison d'appel. Cette situation pourrait l'amener à pratiquer des prix de monopole en l'absence de régulation.

Une telle situation justifie la mise en place d'une obligation de contrôle des prix conformément à l'article L. 38 (4°) du CPCE et l'article 13 de la directive « Accès » ainsi que de la mise en place d'un système de comptabilisation des coûts.

Pour démontrer que l'imposition d'une telle obligation est justifiée, l'Autorité définit dans un premier temps les coûts de référence sur la base de règles d'allocation répondant aux objectifs qui lui ont été fixés (partie IV-1).

S'agissant des charges de terminaison d'appel, un examen des coûts révèle des écarts importants avec les prix pratiqués, ce qui justifie la mise en place d'un contrôle tarifaire consistant en une obligation de refléter les coûts correspondants. Cette obligation est mise en oeuvre sous la forme d'un encadrement tarifaire (partie IV-2.1).

S'agissant des prestations d'accès aux sites, le contrôle tarifaire se traduit également par une obligation de refléter les coûts correspondants (partie IV-2.2).


IV-1. Détermination des coûts de référence :

règles d'allocation et niveaux


Dans l'ancien cadre, l'Autorité a décrit, dans des lignes directrices adoptées en 2001 par la décision no 2001-458, l'économie des opérateurs mobiles ainsi que les règles de formation et d'allocation des coûts.

Il s'agit de définir, dans la continuité des règles retenues dans cette décision, les coûts de référence qui permettent d'éclairer les niveaux actuels de charge de terminaison d'appel.

L'économie d'un opérateur mobile est décrite en annexe B. La formation et l'allocation des coûts sont détaillées ci-après. Les principes généraux retenus sont rappelés en partie IV-1.1, et les parties IV-1.2 et IV-1.3 sont consacrées à la formation et à l'allocation des coûts de réseaux et des coûts commerciaux, qui constituent les principaux coûts d'un opérateur mobile.

La partie IV-1.4 analyse la nature et l'allocation des coûts communs. Plusieurs opérateurs ont évoqué dans leur réponse à la consultation publique une allocation de ces coûts communs en fonction des principes dits de Ramsey Boiteux. Cette partie explique pourquoi l'Autorité n'a pas retenu une telle approche dans son analyse.


IV-1.1. Principes généraux


Les principes généraux sont définis dans la directive « Accès » et le code des postes et des communications électroniques (IV-1.1.1). Les coûts de référence sont les coûts d'un opérateur efficace (IV-1.1.2), en utilisant une valorisation pertinente de l'actif (IV-1.1.3). Les coûts sont en outre allouables à trois prestations principales, correspondant à deux sources de revenu (IV-1.1.4).


IV-1.1.1. Directive « Accès » et CPCE


Le considérant (20) de la directive « Accès » dispose :

« Lorsqu'une autorité réglementaire nationale calcule les coûts engagés pour établir un service rendu obligatoire par la présente directive, il convient de permettre une rémunération raisonnable du capital engagé, y compris les coûts de main-d'oeuvre et de construction, la valeur du capital étant adaptée, le cas échéant, pour refléter l'évaluation actualisée des actifs et de l'efficacité de la gestion. La méthode de récupération des coûts devrait être adaptée aux circonstances en tenant compte de la nécessité de promouvoir l'efficacité et une concurrence durable et d'optimaliser les profits pour le consommateur. »

L'alinéa 2 de l'article 13 indique :

« Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que tous les mécanismes de récupération des coûts ou les méthodologies de tarification qui seraient rendues obligatoires visent à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à optimiser les avantages pour le consommateur. »

Il ressort de la directive « Accès » que l'imposition d'un contrôle de prix et l'allocation des coûts sous-jacente doivent promouvoir l'efficacité économique.

En outre, le premier principe d'allocation des coûts est le principe de causalité. Selon ce principe, un coût doit être alloué à la prestation qui a induit ce coût. Néanmoins, afin d'« optimiser les avantages pour le consommateur », d'autres éléments peuvent être pris en considération.

L'article D. 311 du code des postes et des communications électroniques précise quant à lui que l'Autorité doit veiller à la mise en oeuvre de méthodes qui « promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur ».


IV-1.1.2. Coûts de référence : les coûts d'un opérateur efficace


Les lignes directrices adoptées par l'Autorité en 2001 se fondaient sur les coûts historiques, c'est-à-dire les coûts tels qu'ils sont reflétés par la comptabilité de l'opérateur. De ce fait, la topologie du réseau et, de façon générale, les choix d'exploitation et de dimensionnement de l'opérateur n'étaient pas mis en cause.

Les opérateurs mobiles ont déployé leur réseau dans un contexte fortement concurrentiel et ont connu une croissance très rapide de leur trafic. Ils pourraient donc être considérés comme efficaces, au regard de ce qu'aurait été l'économie d'un opérateur théorique déployant un réseau sur la base des meilleures techniques et méthodes d'ingénierie actuellement disponibles. Par conséquent, l'appréciation de l'efficacité économique des opérateurs mobiles sur la base des coûts historiques comptables était appropriée et ne présentait pas d'inconvénients.

L'Autorité considère que ces conclusions ne sont pas fondamentalement remises en cause par les évolutions récentes du secteur. Cependant, elle estime qu'il est important de pouvoir faire référence aux coûts d'un opérateur efficace agissant dans des conditions équivalentes, de manière à établir une tarification juste économiquement et incitative à l'efficacité. Ceci peut conduire notamment à ne pas prendre en compte les choix historiques de l'opérateur qui se seraient révélés inefficaces et à considérer par exemple une méthodologie dite des coûts moyens incrémentaux de long terme dans une approche de modélisation dite bottom-up.


IV-1.1.3. Valorisation des actifs


Les équipements de réseau supportant les activités de l'opérateur correspondent à une dépense d'investissement ; cette dépense est répartie dans le temps en fonction de la durée de vie probable des équipements. Le coût d'investissement des actifs s'apprécie donc annuellement. Ce coût annuel correspond à la perte de valeur irréversible des équipements au cours de l'année considérée, il est égal à la somme des amortissements enregistrés en charge d'exploitation de l'année et de la rémunération du patrimoine immobilisé. L'évaluation de la perte de valeur devrait être conforme aux conventions comptables adoptées par les opérateurs et certifiées par les commissaires aux comptes.

L'évaluation du coût de capital des actifs de réseau repose sur une méthode comptable. Celle-ci utilise la durée de vie comptable de l'équipement, sa valeur nette comptable, un taux de rémunération du capital et la valeur des amortissements de l'année selon la formule suivante :


At = (1 + k)*Kt-1 - Kt


Le coût annuel de capital (At) se compose de deux termes :

(i) Le coût d'usage du capital (dépréciation) : Kt-1 - Kt ;

(ii) La rémunération k*Kt-1 du capital immobilisé Kt-1 au taux de rémunération k.

Ainsi, à titre illustratif, un commutateur (MSC) d'une valeur de 4 millions d'euros, amorti comptablement sur huit ans, en tenant compte d'un taux de rémunération du capital (k) de 15 %, a un coût de capital, la cinquième année, se décomposant de la manière suivante :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 90 du 17/04/2005 texte numéro 21



La méthode employée requiert de déterminer un taux de rémunération du capital. Celui-ci doit être conforme à la rémunération normalement exigée par les créanciers et les actionnaires. Son évaluation est fondée sur la méthode du modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) (cf. annexe 2 des lignes directrices de la décision no 2001-458).

Dans cette méthode, le coût des capitaux propres fait notamment appel à un facteur ß mesurant le risque systématique des fonds propres. Une attention particulière sera portée à l'évaluation de ce facteur dans le secteur des mobiles. En ce qui concerne la durée de vie des équipements, il appartient aux opérateurs de fournir les éléments relatifs à la révision des plans d'amortissement initialement approuvés par les commissaires aux comptes et de présenter l'impact d'un amortissement exceptionnel ou d'une provision sur le coût annuel de capital.

Le taux de rémunération du capital représentatif du risque lié à l'activité mobile en France avait été évalué en 2001 à 17 % avant impôts. Une nouvelle estimation réalisée en 2004 évalue ce taux sur les prochaines années à 15 % avant impôts.


IV-1.1.4. Principes généraux d'allocation des coûts


Afin d'allouer les coûts, on peut distinguer trois prestations principales qu'un opérateur mobile offre à son client :

L'accès à son réseau, c'est-à-dire la connexion à un réseau qui lui permet de communiquer et d'être joint partout à l'intérieur des zones de couverture de l'opérateur mobile. L'inducteur de coût principal est le nombre de clients.

Les communications sortantes qui sont passées par le client final de l'opérateur mobile. L'inducteur de coût principal est le volume de trafic sortant.

Les communications entrantes ou la réception d'appel à destination du client mobile. L'inducteur de coût principal est le volume de trafic entrant.

On peut donc distinguer les coûts directement liés à chacune de ces trois prestations, des autres coûts. Les coûts liés directement à une prestation sont les coûts incrémentaux de production (3) de ce service. Les « autres coûts » sont alors considérés comme les coûts communs, au sens large du terme.

Néanmoins, l'opérateur ne dispose que de deux sources de revenus principales : la facturation des appels sortants (revenu de détail), et la facturation des appels entrants (revenu de gros). Ces coûts directs et ces coûts communs doivent donc être de nouveau alloués afin d'être recouvrés par la facturation des appels entrants ou sortants.

Conformément au principe de causalité, les coûts directement alloués aux communications sortantes sont recouvrés par la facturation des appels sortants, de même que les coûts directement alloués aux communications entrantes sont recouvrés par la facturation des appels entrants.

En revanche, les coûts directement alloués à l'accès au réseau, ainsi que les coûts communs, doivent être réalloués afin d'être recouvrés par la facturation des appels sortants ou des appels entrants. Pour cela, il doit être pris en compte le fait que les appels sortants sont facturés à l'abonné mobile qui appelle, alors que les appels entrants sont facturés à l'opérateur voulant terminer un appel sur le réseau mobile.

Les coûts de production sont composés principalement des coûts de réseau et des coûts d'interconnexion. Ces derniers étant directement allouables au service causant ces coûts, parmi les coûts de production, seuls les coûts de réseau nécessitent une étude détaillée.

L'allocation des coûts de réseau, des coûts commerciaux et des coûts communs est étudiée dans les parties suivantes.



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 90 du 17/04/2005 texte numéro 21



Figure 2 : allocation des coûts aux prestations, puis aux clients


(3) Les coûts incrémentaux d'un service s'entendent comme le coût de production de ce service, étant supposé que tous les autres services sont déjà produits. Ainsi, par exemple, si une usine de coût fixe C produit des automobiles A (coûts « variables » CA) et B (coûts « variables » CB), le coût incrémental de A est CA, celui de B est CB et les coûts communs correspondent à C. Il convient dans cet exemple d'allouer à chacun des services son coût incrémental car directement lié au service (CA pour A et CB pour B) puis d'allouer les coûts communs C, plus indirects, selon des clés d'allocation à définir.

IV-1.2. Coûts de réseau : formation et allocation

non discriminatoire


Les coûts de production liés au réseau comprennent les coûts d'exploitation et les amortissements des actifs nécessaires pour rendre à l'appelant le service considéré, incluant la rémunération du capital immobilisé.

Les coûts de réseau peuvent être alloués en utilisant une matrice de facteurs d'usage entre macroéléments et types d'appel. Certains de ces facteurs sont objectifs, comme le nombre de boucles locales empruntées par un appel on net ou une terminaison d'appel. D'autres, comme la répartition des coûts de localisation entre appels sortants et appels entrants, seront définis par l'Autorité après concertation de l'ensemble des opérateurs.

L'Autorité reprend le principe de non-discrimination qui prévalait dans les lignes directrices, à savoir que le coût d'utilisation d'un élément de réseau rapporté à l'unité d'oeuvre adéquate (minute, appel,...) est le même que ce soit pour les usages internes de l'opérateur (communications de détail) ou pour l'usage par des opérateurs tiers (prestations d'interconnexion).

Ce principe est celui qui a été retenu jusqu'à présent pour la régulation des prix d'interconnexion mobile et fixe. Il permet de répondre à l'objectif de concurrence loyale sur les marchés de détail en évitant de faire supporter des coûts différents à des acteurs qui auraient le même usage du réseau. Vu la délimitation des marchés de détail retenus, cette règle doit être appliquée entre opérateurs fixes, entre opérateurs mobiles mais aussi entre ces deux catégories d'opérateurs, au regard des risques de contournement de trafic et au regard de l'évolution des marchés de communications électroniques qui pourraient amener à plus de convergence entre les marchés fixes et mobiles.

A ce sujet, SFR suggère que les coûts de réseau qui ne seraient pas identifiés comme coûts directs soient alloués de façon discriminatoire suivant les principes de Ramsey Boiteux. Une telle méthode est discutée en partie V et est considérée comme non pertinente par l'Autorité, qui souligne qu'elle est tenue, au titre des objectifs fixés au titre de l'article L. 32-1 du CPCE de s'assurer de « l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».

La méthode retenue consiste alors :

- à découper le réseau en différents macroéléments (commutateurs, antennes radio, registre d'abonné,...) ;

- à associer à chacun d'entre eux un inducteur de coûts (minute, appel, nombre de clients,...) ;

- à mesurer le volume d'unités d'oeuvre pour chacun d'entre eux (il s'agit, par exemple, pour un commutateur de mesurer le volume annuel de minutes empruntant l'ensemble des commutateurs) ;

- à mesurer le coût des macroéléments et de les rapporter à une unité d'oeuvre pour en déduire un coût unitaire de chaque macroélément.

Le produit de ces coûts unitaires des macroéléments par les statistiques d'usage de ces mêmes macroéléments par les différents types de communication permet de déterminer un coût unitaire pour chaque type de communication.


IV-1.3. Coûts commerciaux : formation

et question de l'allocation aux appels entrants


Les coûts commerciaux ne sont pas causés par les appels entrants (IV-1.3.1). Lors du premier price cap, il avait été admis que la tarification de l'entrant puisse contribuer temporairement au recouvrement des coûts commerciaux (IV-1.3.2). Ce mécanisme ne pourrait perdurer que s'il existe une externalité positive pour l'appelant (IV-1.3.3). Or il apparaît que non seulement cette externalité est a priori de très faible amplitude et complexe à calculer, mais en outre la prise en compte d'une telle externalité pour la terminaison mobile serait discriminatoire vis-à-vis des opérateurs fixes (IV-1.3.4).


IV-1.3.1. Question de l'allocation des coûts commerciaux

aux appels entrants


En se référant aux trois prestations que peut fournir l'opérateur mobile (accès à son réseau, appels sortants et appels entrants), on constate que les coûts commerciaux sont liés soit à l'accès au réseau, soit aux appels sortants :

- les coûts de marketing et de publicité sont allouables à la prestation d'accès au réseau si leur objectif est de gagner de nouveaux clients ou de garder des clients existants et sont allouables à la prestation d'appels sortants si leur objectif est d'augmenter la consommation des clients ;

- les coûts de vente et distribution sont principalement allouables à la prestation d'accès puisqu'ils sont principalement liés au gain de nouveaux clients ;

- les coûts de service client sont principalement allouables à la prestation de communications sortantes puisqu'ils sont principalement liés à des appels de client concernant leur consommation d'appels sortants ;

- les coûts de facturation-recouvrement sont allouables, pour ceux liés à la consommation d'appels sortants, à la prestation d'appels sortants et, pour ceux indépendants de la consommation d'appels sortants, à la prestation d'accès au réseau.

En application du principe de causalité, les coûts de facturation-recouvrement alloués à la prestation d'accès doivent être recouvrés par la facturation de l'abonné mobile, et donc des appels sortants.

Les coûts de marketing et publicité et les coûts de vente et distribution allouables à la prestation d'accès nécessitent un examen plus approfondi pour déterminer s'ils doivent être recouvrés par la facturation de l'abonné mobile ou de l'opérateur appelant.

Ces coûts ne sont pas causés par un appel entrant. Cependant, au-delà de l'absence de lien de causalité, il pourrait être pris en compte une éventuelle externalité positive pour l'appelant que l'appelé soit client mobile. De manière schématique, il s'agirait de faire contribuer l'appelant à la subvention du terminal de l'appelé.


IV-1.3.2. Situation historique dans le secteur mobile


Les opérateurs mobiles se sont développés historiquement avec des charges de terminaison d'appel élevées et sensiblement supérieures aux seuls coûts de réseau, que ce soit en France ou dans de nombreux autres pays européens. Le système du calling party pays a conduit à faire financer indirectement une partie des coûts commerciaux très importants des opérateurs mobiles par les appels entrants et a ainsi facilité l'accession de nouveaux clients au réseau mobile.

Cette situation a été prise en compte par l'Autorité dans les lignes directrices adoptées par la décision no 2001-458 qui précisent que « le coût correspondant aux activités de marketing, de fidélisation et de vente est imputable aux abonnés de l'opérateur mobile. Toutefois, une contribution des tarifs des appels entrants à certains coûts commerciaux pourra être retenue pour tenir compte, dans le contexte d'une période de développement et de renouvellement du marché, des coûts encourus par les opérateurs pour piloter cette évolution » et que « l'Autorité appréciera, au regard des éléments transmis par les opérateurs, la contribution qu'elle estime raisonnable et équitable ».

Dans le cadre de la présente analyse, l'Autorité souhaite réexaminer la pertinence d'une telle contribution. Il convient d'examiner, d'une part, selon quels principes les clients des autres opérateurs mobiles et des opérateurs fixes pourraient être mis à contribution pour couvrir une partie des coûts commerciaux et, d'autre part, si ces principes sont pertinents pour la période d'analyse considérée.

Une telle contribution n'est alors envisageable que si la politique commerciale menée par l'opérateur mobile présente un intérêt pour les appelants, auquel cas il convient de prendre en compte cette externalité de réseau.


IV-1.3.3. Notion d'externalité de réseau


Une externalité est le coût ou le bénéfice, imposé à une ou plusieurs parties, par la décision d'achat (ou de production) d'un service par une autre partie. Dans la mesure où le coût (bénéfice) n'affecte pas la personne qui prend la décision, celui-ci n'en tient pas compte dans son choix. Ainsi l'existence d'externalités peut conduire à des choix sous-optimaux. Afin d'atteindre une meilleure efficacité économique, il peut donc être décidé d'internaliser cette externalité dans les prix (et donc dans l'allocation des coûts).

La question de l'externalité de réseau se pose principalement dans le secteur mobile pour la prestation d'accès et les coûts associés, qui permettent au client mobile d'appeler mais aussi d'être appelé sur son téléphone mobile : le choix de se connecter peut donc se traduire par des bénéfices pour lui-même mais aussi pour d'autres personnes qui pourront alors l'appeler dans sa mobilité.

Pour certains consommateurs, il peut donc y avoir un sens à leur facturer dans certains cas des prix de détail en dessous de leurs coûts, c'est-à-dire à les subventionner, pour les inciter à devenir, ou rester, clients d'un opérateur mobile. Dans ce cas une partie des coûts, notamment commerciaux, peut être supportée par les autres personnes pouvant tirer bénéfice de cette situation, à savoir les appelants.

Cette prise en charge ne concerne alors que les abonnés « marginaux » qui ne se seraient pas raccordés à un réseau mobile ou qui auraient résilié leur abonnement mobile s'ils avaient eu à supporter directement l'ensemble des coûts qu'ils induisent directement (par exemple, les coûts commerciaux) par l'intermédiaire des prix de détail. Dans un tel cas, la contribution des appels entrants doit se limiter aux subventions que la communauté des appelants est prête à concéder pour ces abonnés. Ce montant correspond au bénéfice qu'ils retirent de leur faculté à terminer des communications vocales vers ce nouveau client mobile.


IV-1.3.4. Question de la prise en compte

d'une éventuelle externalité de réseau


L'Autorité considère que la prise en compte d'une telle externalité dans le prix de la terminaison d'appel vocal n'est pas justifiée sur la période considérée.


IV-1.3.4.1. Respect du principe de neutralité vis-à-vis des opérateurs fixes

et moindre justification dans des marchés matures


Les opérateurs fixes n'ont pas inclus une telle externalité de réseau dans leur charge de terminaison d'appels par le passé. En effet, le cadre réglementaire ne prévoyait pas la prise en compte de tels coûts pour l'opérateur fixe puissant sur le marché de l'interconnexion (à savoir France Télécom de 1998 à 2004). En outre, les charges de terminaison sur les autres réseaux fixes déterminées lors de règlements de différends ont respecté un principe de réciprocité.

Cette non-prise en compte se justifie pour deux raisons sur le marché fixe. Tout d'abord, le marché fixe voix a atteint une certaine maturité. On observe une certaine stabilité du parc des lignes fixes. Les effets d'externalité de réseau sont limités. Enfin, la prise en compte de coûts commerciaux dans la charge de terminaison d'appel représente un risque, puisqu'elle revient à faire financer une partie de la politique commerciale de l'opérateur par des concurrents. Une mauvaise appréciation du dispositif peut se traduire par des distorsions concurrentielles et une inefficacité économique.

Sans préjuger des analyses de marché qui seront menées sur le marché fixe, il semble que les charges de terminaison d'appels continueront à exclure de telles externalités de réseau.

La prise en compte d'une éventuelle externalité de réseau pour la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles conduirait donc à une différence de traitement entre opérateurs mobiles et fixes. Cette différenciation pouvait historiquement résulter de dynamiques de marché différentes, les opérateurs mobiles ayant connu une croissance forte dans les années 1990 alors que le marché fixe montrait une certaine maturité en terme de parc. Dans la période d'analyse considérée, les services mobiles vocaux devraient connaître a priori une croissance moindre que dans les années 90. Une différenciation ne paraît plus justifiée. Elle serait préjudiciable aux opérateurs fixes, qui pourraient dans certains cas subventionner les coûts d'acquisition d'un client mobile qui résilie une ligne fixe.

SFR conteste l'analyse de l'Autorité en précisant que le monopole historique de France Télécom sur le marché du fixe justifie une régulation différente de celui du marché mobile et que les opérateurs fixes et mobiles ne sont pas sur le même marché, et donc ne sont pas en concurrence entre eux.

L'Autorité considère que, s'il existe des différences structurelles entre le marché fixe et le marché mobile, celles-ci ne sont cependant pas suffisantes pour justifier que les opérateurs fixes subventionnent les coûts d'acquisition d'un client mobile qui résilie une ligne fixe. Par ailleurs, l'Autorité est tenue d'assurer une concurrence loyale entre acteurs du secteur. Si opérateurs fixes et mobiles ne sont pas considérés comme intervenant directement dans un même marché de détail, il convient d'assurer une certaine neutralité de traitement entre ces acteurs dans un contexte où il pourrait se dessiner un mouvement de convergence fixe-mobile et que le développement du fixe, qui stagne voire décroît actuellement, doit dans les prochaines années s'expliquer au regard des qualités propres des services de téléphonie fixe et mobile et non de déséquilibres sur les marchés de gros.


IV-1.3.4.2. Faiblesse du niveau de l'éventuelle externalité

au regard des coûts de référence et des prix de terminaison d'appel


La mesure des effets de l'externalité de réseau est par nature difficile.

Elle revient dans un premier temps à évaluer, pour chaque personne ne disposant pas d'un mobile, le budget qu'elle est prête à consacrer à la connexion à un réseau mobile en fonction de l'utilité qu'elle en retire.

Ce budget est alors comparé au coût d'acquisition de client pour identifier la part qu'une personne est prête à prendre à sa charge. Ce coût d'acquisition du client serait le coût minimal de connexion d'un client ne souhaitant passer que des appels vocaux et en recevoir. Il n'inclut donc pas tous les coûts liés à d'autres services, par exemple de type appareil photos.

La différence entre ce coût et le budget du client final devrait être prise en charge par le reste des clients si elle reste inférieure à l'utilité qu'ils tirent de cette connexion.

Une telle évaluation est complexe car elle suppose une connaissance approfondie de l'utilité que peuvent tirer les nouveaux accédants aux services mobiles, mais aussi les autres clients mobile et fixe d'une connexion à un réseau mobile. Justifiée par la recherche d'une meilleure efficacité économique, une survalorisation peut néanmoins conduire à des distorsions concurrentielles qui pourraient être non négligeables, puisqu'elle revient alors à faire financer une partie de la politique commerciale de l'opérateur mobile par ses concurrents ou par les opérateurs fixes.

Enfin, l'effet à terme devrait être minime, comme en témoigne le calcul d'un majorant de cette externalité. En effet, en supposant, au vu des évolutions récentes, une croissance nette annuelle d'un million de clients mobiles à un terme assez proche, et en considérant l'intégralité du coût d'acquisition d'un client (estimé à 150 EUR par abonné), le coût à recouvrer est de 150 MEUR.

En considérant que le nouveau client mobile tire un bénéfice double de celui tiré par les clients qui l'appellent, ce qui correspondrait à un facteur RG utilisé par l'OFTEL au Royaume-Uni de 1,5, les appels entrants devraient recouvrer 50 MEUR. Sur la base d'un volume de trafic entrant (incluant les appels on net) d'environ 40 milliards de minutes (volume 2002), on obtient comme majorant une surcharge à la minute d'environ 0,13 cEUR.

SFR conteste ce montant et estime qu'il devrait être supérieur à celui pris par l'OFCOM (0,45 ppm, soit 0,65 cEUR/min) à cause de la plus faible pénétration du mobile en France qu'au Royaume-Uni.

Il faut cependant noter que l'OFCOM a étudié plusieurs modélisations selon la capacité des opérateurs mobiles à discriminer leurs tarifs et leurs subventions pour les différentes catégories d'abonnés. Ces modélisations conduisent à des résultats compris entre 0,9 ppm (1,35 cEUR/min) et 0,06 ppm (0,09 cEUR/min). En l'absence de critère objectif pour choisir l'une des modélisations, l'OFCOM a jugé raisonnable de prendre une valeur intermédiaire, à savoir 0,45 ppm.

L'ART a réalisé dans le cadre de sa consultation une première évaluation pour éclairer le secteur sur les ordres de grandeur d'une telle valeur et note qu'aucun opérateur n'a apporté un éclairage sur cette évaluation au regard des caractéristiques du marché français ; elle considère que les ordres de grandeur ne sont pas contredits par les valeurs retenues par l'OFCOM, qui indiquent qu'une telle externalité représente moins de 10 % des autres coûts allouables à la prestation de terminaison d'appel.

Elle souligne que la mesure d'une telle externalité dépend par ailleurs de la maturité du marché observé et que les évaluations sur le marché britannique concernent l'année 2005, alors que, de fait, le contrôle des prix imposé en France pour les prochaines années tolérera encore une contribution du prix de terminaison d'appel aux coûts commerciaux au-delà des niveaux déterminés par l'OFCOM.


IV-1.3.5. Conclusion sur la non-prise en compte

des coûts commerciaux


Eu égard à la complexité de la mesure d'une telle externalité, à son niveau a priori très faible comparé à la charge de terminaison d'appel, et des risques de distorsion concurrentielle qu'elle pourrait entraîner, l'Autorité considère que les coûts pertinents pour l'interconnexion ne doivent pas inclure de coûts commerciaux.


IV-1.4. Formation et allocation des coûts communs


L'Autorité avait envisagé dans sa consultation publique préliminaire d'avril 2004 de maintenir les principes définis dans la décision no 2001-458, à savoir un périmètre des coûts communs limité aux seuls coûts de structure, et une allocation à chaque service sous la forme d'une majoration proportionnelle aux coûts de production et aux coûts commerciaux du service considéré (système EPMU equiproportionate mark-up).

Plusieurs opérateurs mobiles ont indiqué que les coûts communs devaient, d'une part, correspondre à un périmètre plus large et, d'autre part, pour répondre à un principe d'efficacité économique, être alloués selon les principes de Ramsey Boiteux. Dans ce cas, les prix actuels de terminaison d'appel ne seraient plus excessifs par rapport au coût de référence ainsi calculé.

SFR considère qu'une allocation discriminatoire qui consiste à allouer les coûts fixes et/ou communs de façon inversement proportionnelle à l'élasticité associée au service considéré permet de maximiser le bien-être collectif de l'ensemble des acteurs (consommateurs et opérateurs). SFR procède à un calcul sur la base d'élasticités estimées à partir de données publiques en incluant dans les coûts fixes/communs les coûts « fixes » de réseau (notamment liés à la couverture), ainsi que les coûts commerciaux. Ce périmètre n'est pas celui retenu par l'ART pour les coûts communs au regard des raisons exposées dans les deux parties précédentes.

Bouygues Telecom indique pour sa part que la tarification actuelle découle de l'application des principes de Ramsey Boiteux qui, au plan théorique, permet d'atteindre la maximisation du bien-être collectif (4).


IV-1.4.1. Principes de Ramsey Boiteux


Ce type d'allocation de coûts consiste, pour l'imputation des coûts communs, à majorer les coûts directs de chaque produit d'une partie des coûts communs dépendant de l'élasticité de la demande finale, les différents produits se voyant imputés une partie des coûts communs inversement proportionnelle à l'élasticité-prix de leur demande.

Ce principe d'allocation permet d'atteindre un optimum de second rang dans la tarification d'un monopole multiproduits. Pour une telle entreprise, le système des prix optimaux de premier rang, maximisant le bien-être collectif, n'est autre que le système des coûts marginaux de production des différents produits. Néanmoins une telle tarification ne permet pas de recouvrer les coûts fixes ou communs, sauf à facturer un abonnement pour recouvrer le restant des coûts ou à subventionner ex post l'entreprise. Un tel système de subvention peut être impossible d'où l'étude de l'optimum de second rang sous contrainte de niveau sur l'équilibre budgétaire. Dans cet optimum de second rang, une partie des coûts communs sont alloués à chacun des produits, en proportion inverse des élasticités-prix de la demande sur les différents segments de marché.

Ce type d'allocation, qui a fait l'objet d'une littérature, certes importante, s'applique avant tout à une situation particulière et un objectif particulier, à savoir la maximisation du bien-être collectif sous contrainte de profit nul ou fixé pour une entreprise multiservices en situation de monopole sur plusieurs marchés de détail.

Sa généralisation au cas du secteur des communications électroniques ne peut se faire mécaniquement et demande un examen attentif dans le cas de la présente analyse de marché.

En effet, la situation du marché des communications électroniques est beaucoup plus complexe que celle d'un monopole multiproduits eu égard à la présence du nombre important d'opérateurs mobiles ou fixes, de la présence de biens intermédiaires et de biens de détail, du degré très variable d'intégration verticale entre les acteurs, de la fragmentation de l'information sur les comportements de consommation des usagers finals, et enfin de l'existence d'un jeu concurrentiel sur les marchés de détail face à la situation de monopole sur le marché de gros. On observera aussi que compte tenu de la diversité et de la complexité des systèmes de tarification sur les marchés de détails tant de la téléphonie fixe que de la téléphonie mobile, la définition d'une élasticité de la demande au prix et sa mesure objective constitue un obstacle notable.


IV-1.4.2. Discussion générale sur ces principes

et limites de ce type d'allocation


Jusqu'à présent et malgré l'optimum théorique qu'il peut représenter, ce mode d'allocation n'a jamais été retenu en pratique dans la régulation des tarifs d'interconnexion, en raison notamment de limites importantes qu'il peut représenter au regard des objectifs généraux des régulateurs.

Les économistes et les experts qui ont examiné l'application d'une telle tarification de l'interconnexion ont relevé des limites importantes comme l'acceptabilité au regard de la difficulté à évaluer les élasticités et du risque d'atteinte à la loyauté de la concurrence.

L'ART n'a ainsi pas connaissance, malgré la libéralisation du secteur des télécommunications, d'une application pratique des principes de Ramsey Boiteux dans la tarification de l'interconnexion, conduisant à allouer notamment les coûts communs de façon différenciée entre services. En particulier les travaux du groupe de régulateurs indépendants (5) ou de l'OFCOM sur l'allocation des prix ne les ont pas conduits à retenir ou à recommander une telle allocation des coûts (6).


(4) Contribution de Bouygues Telecom : « Cette méthode de tarification "Ramsey Boiteux énonce en effet que "les écarts relatifs entre les tarifs des différents services et leurs coûts marginaux sont inversement proportionnels à l'élasticité-prix de la demande qui leur est adressée : le service présentant l'élasticité au prix la plus forte (appel sortant) doit être vendu à un prix inférieur à celui présentant l'élasticité la plus faible (appel entrant). Cette méthode vise à recouvrer l'ensemble des coûts fixe du réseau mobile tout en maximisant le bien-être collectif. Il ne s'agit donc pas d'un financement du mobile par le fixe. La théorie économique montre qu'il convient de déterminer un tarif en tenant compte de la disposition à payer des consommateurs et de proportionner le prix d'un bien et d'un service à la valeur de l'utilité qu'il procure en se basant sur l'élasticité prix de leur demande. La discrimination tarifaire est ainsi souvent considérée comme génératrice de bien-être. Sur un secteur tel que la téléphonie mobile, la concurrence ne se fait pas uniquement sur les prix et la différenciation des offres et des offreurs justifie encore plus de pouvoir déterminer les tarifs à partir de la valeur et l'utilité qu'en retirent les consommateurs. » (5) Principles of Implementation and Best Practice on the Application of Remedies in the Mobile Voice Call Termination Market, approuvé le 1er avril 2004 et publié à l'adresse :http://irgis.anacom.pt/site/en/conteudos.asp?id conteudo=21308&id l=274&ln=en&id area=277&ht=documents. (6) Wholesale Mobile Voice Call Termination - Statement, publié le 1er juin 2004 à l'adresse : http://www.ofcom.org.uk/consultations/past/wmvct/?a=87101.

IV-1.4.3. Les principes de Ramsey Boiteux

appliqués à la terminaison d'appel sur réseaux mobiles


Au-delà des limites propres à cette allocation, son application au présent marché n'apparaît pas appropriée.

Au regard des réponses des opérateurs, deux questions se posent :

En l'absence de régulation du marché de la terminaison, les opérateurs mobiles sont-ils amenés à fixer leurs prix des appels entrants et sortants selon les principes de Ramsey Boiteux, qui permettraient d'optimiser le bien-être collectif ?

Bouygues Telecom indique que tel est le cas du fait que les opérateurs mobiles se mènent une concurrence globale sur un marché sur lequel ils offrent à leur client à la fois des communications sortantes et entrantes. Du fait d'une moindre élasticité de leurs clients mobiles aux appels entrants, ils seraient amenés à allouer plus de coûts sur les appels entrants et donc à atteindre un optimum en suivant les principes de Ramsey Boiteux.

L'ART conteste ce raisonnement. En effet, dès lors que la tarification de Ramsey Boiteux au sens strict vise à maximiser le bien-être collectif sous contrainte budgétaire, le fait que cette contrainte soit absente en l'espèce ne peut conduire qu'à un résultat différent du point de vue du bien-être. Par exemple, s'il n'existait qu'un opérateur mobile en monopole, celui-ci pratiquerait, à la fois pour les appels entrants et les appels sortants, des prix de monopole. Ces prix, tenant compte des (éventuelles) différences d'élasticité entre appels entrants et sortants, présenteraient alors des mark-up respectant le schéma de tarification Ramsey Boiteux. Pourtant, cette situation serait extrêmement négative pour le bien-être collectif et surtout pour le consommateur.

Or, en l'absence de régulation, chaque opérateur mobile aurait bien tendance, en premier lieu, à pratiquer un prix de monopole sur sa terminaison d'appel. En second lieu, rien ne permet de conclure à l'existence d'un mécanisme par le biais duquel la rente de terminaison serait, en l'absence de régulation, reversée aux abonnés mobiles par le biais de prix bas sur le trafic sortant. En effet, si, en théorie, la présence de surprofits dans un secteur induit l'entrée de nouveaux acteurs, un tel mécanisme de marché ne peut être considéré comme étant à l'oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile, eu égard à l'importance des barrières à l'entrée (notamment du fait de la rareté des ressources en fréquences).

Aussi, quand bien même la tarification qui serait adoptée par les opérateurs mobiles en l'absence de régulation rendrait compte de différences d'élasticité, cela ne signifierait aucunement que l'équilibre atteint optimiserait l'optimum collectif.

Dans le cas d'un contrôle tarifaire, une allocation selon les principes de Ramsey Boiteux répond-elle aux objectifs poursuivis par l'ART ?

La concurrence dans le secteur des communications électroniques rend nécessaire l'interconnexion entre opérateurs et il convient alors de mettre en place des systèmes de rémunération de l'usage des réseaux tiers qui ne fausse pas le jeu d'une concurrence loyale entre opérateurs.

Plusieurs systèmes peuvent être envisagés : les coûts de terminaison d'appel peuvent en fait être facturés à l'appelé (« receiving party pays ») ou à l'appelant (« calling party pays »).

Le second système, retenu en France comme dans le reste de l'Europe, présente certains avantages, mais crée une distorsion liée au fait que l'opérateur qui fixe le prix de terminaison ne le facture pas à son propre client, mais à celui d'un autre opérateur. Une telle distorsion crée un risque important de concurrence déloyale.

Le fait de retenir les principes de Ramsey Boiteux, au lieu d'un système EPMU, tout en gardant un système de « calling party pays » nécessiterait en fait d'adopter un système complexe (7). Il nécessiterait en particulier de disposer d'un ensemble complet d'informations permettant de connaître le comportement et les élasticités des clients des opérateurs fixes et mobiles, de procéder à des évaluations robustes des élasticités. Cela se traduirait in fine par un système dynamique complexe qui ne garantit pas, selon l'ART, des conditions de concurrence loyale au vu de l'incertitude pesant sur la mesure dynamique d'élasticité.

Cela pourrait enfin nécessiter de réguler l'ensemble des prix des opérateurs mobiles, de détail et de gros, car il conviendrait alors que l'ART s'assure qu'une allocation supérieure des coûts communs aux appels entrants se traduirait bien par une diminution du prix des appels sortants et non par une augmentation de la marge de l'opérateur. Ceci conduirait à une régulation trop intrusive au regard des objectifs définis dans le nouveau cadre réglementaire.

En outre, une régulation globale du secteur pourrait, a priori, conduire à établir, pour chaque prestation (par exemple, un appel fixe vers mobile), un prix fonction des utilités dégagées par chacun des agents concernés (l'appelant fixe et l'appelé mobile) et non plus fonction de la seule utilité de l'agent payant le service (l'appelant fixe). Or rien n'indique que l'utilité dégagée sur un appel entrant serait nécessairement plus élevée que celle dégagée sur un appel sortant, notamment sur un appel mobile vers mobile. Au bilan, l'allocation des coûts communs entre trafics entrant et sortant ne serait pas nécessairement discriminatoire.

En conclusion, l'Autorité ne peut retenir une allocation des coûts communs selon les principes de Ramsey Boiteux, telle que préconisée par les opérateurs, dans le cas de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles.


(7) Il conviendrait de l'appliquer aux opérateurs fixes et mobiles. Il nécessiterait de mesurer les élasticités pour chacun des services au niveau du client final facturé : ainsi pour un appel fixe vers mobile, il s'agit de mesurer l'élasticité du client fixe et non du client mobile. Ces élasticités ne seraient pas mesurées au prix actuel mais l'ART devrait disposer de courbes d'élasticité en fonction du prix. Enfin il conviendrait d'intégrer ses élasticités dans la détermination des coûts à allouer à chaque service, de détail et d'interconnexion de l'opérateur.

IV-1.5. Conclusion sur les coûts de référence :

périmètre et niveaux


Les coûts allouables aux services d'interconnexion comprennent les coûts de réseau ainsi qu'une contribution aux coûts communs entendus comme les coûts de structure, alloués proportionnellement aux autres coûts (système EPMU) et non selon le principe de Ramsey Boiteux. L'opérateur peut en outre recouvrer des coûts spécifiques à la mise en oeuvre de l'interconnexion (prestations à l'acte par exemple).

En revanche, les coûts commerciaux ne peuvent pas être inclus dans les coûts pertinents d'interconnexion, pour les raisons invoquées précédemment.


IV-2. Obligation de contrôle des prix


Orange Réunion de par son influence significative sur son marché de terminaison d'appel, peut pratiquer des prix qui ne seraient pas conformes aux objectifs de concurrence loyale poursuivis par l'ART. Les obligations définies dans la partie III en terme d'accès, de non-discrimination et de transparence, ne sont pas de nature à y remédier. Il est donc justifié et proportionné d'imposer une obligation de contrôle des prix au regard de la quasi-absence de pression concurrentielle sur ce marché.

S'agissant des prestations d'acheminement, au vu de l'écart entre le prix actuel et les coûts de référence, l'Autorité impose un contrôle tarifaire consistant en l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs excessifs (IV-2.1).

Par ailleurs, l'Autorité impose un contrôle tarifaire consistant en une obligation de refléter les coûts correspondants pour les prestations d'accès aux sites d'interconnexion (IV-2.2).


IV-2.1. Acheminement de trafic de terminaison :

prix non excessif

IV-2.1.1 Prix non excessifs


L'ART estime nécessaire que les prix des charges de terminaison d'appel convergent à terme vers les niveaux de coûts de référence définis précédemment.

Il est à noter que :

- l'Autorité, par sa décision no 2005-0113, impose à SRR l'obligation de pratiquer des prix reflétant les coûts correspondants et un encadrement tarifaire de trois ans conduisant à une baisse de l'ordre 50 % ;

- SRR détient 72 % du parc mobile de la Réunion, et Orange Réunion 28 % ;

- l'Autorité dispose d'informations sur les coûts d'Orange Réunion issus d'une modélisation. Néanmoins, les effets volumes impliquent que les coûts effectifs d'Orange Réunion sont, dans une certaine mesure, supérieurs à ceux de SRR, lesquels sont connus avec précision ;

- l'Autorité a estimé dans le règlement de différend no 2003-703 du 5 juin 2003 que l'application de la notion de prix non excessifs pouvait se traduire par une certaine forme de réciprocité.

Au vu de ces éléments, l'Autorité considère que l'imposition à Orange Réunion d'une obligation de pratiquer des prix non excessifs, notamment au regard des coûts et des effets sur le marché, est suffisante pour que celui-ci fasse évoluer ses tarifs pour tendre vers l'objectif précédemment cité.

Néanmoins, si l'Autorité constatait que cette obligation n'est pas suffisante, elle serait amenée à réexaminer avant 2007 les obligations imposées à Orange Réunion.


IV-2.1.2. Structure de tarification


Orange Réunion propose actuellement une tarification composée d'un crédit temps de 60 secondes, facturé 24,544 cEUR, puis d'un prix à la minute, décompté à la seconde, au-delà du crédit temps. Ce prix à la minute est de 24,544 cEUR/min en heures pleines et de 12,272 cEUR/min en heures creuses.

L'Autorité estime que la structure de tarification de la charge de terminaison d'appel doit respecter le principe selon lequel un opérateur demandeur ne paye une prestation d'interconnexion ou d'accès qu'en fonction du service rendu.

Or, le système de crédit temps, qui conduit à ce que, par exemple, un appel de 60 secondes soit facturé au même prix qu'un appel d'une seconde, ne répond pas à cette exigence.

A la demande de l'Autorité, les opérateurs mobiles de métropole ont mis fin en 2004 à la facturation d'un crédit temps pour la prestation de terminaison d'appel vocal (8).

L'Autorité estime qu'Orange Caraïbe doit proposer des tarifs de gros de terminaison ne comportant pas de crédit temps. Cette modification tarifaire n'ayant pas en soi d'impact sur le prix moyen, il n'est pas nécessaire de prévoir une suppression progressive du crédit temps ; l'Autorité estime donc que celle-ci devra avoir lieu dès 2005 et au plus tard lors du début d'application de la baisse pluriannuelle, soit le 1er avril 2005.


(8) Dans l'Union européenne, le système du crédit temps n'est utilisé aujourd'hui pour la terminaison d'appel mobile que par les opérateurs mobiles d'outre-mer et les opérateurs grecs.

IV-2.2. Prestations d'accès aux sites d'Orange Réunion :

obligation de refléter les coûts correspondants


L'Autorité considère qu'il est important que les prix de ces prestations reflètent les coûts des ressources réellement utilisées.

L'opérateur dispose d'un monopole sur la fourniture d'offre de colocalisation et il est donc important qu'il ne s'éloigne pas du niveau des coûts correspondant à cette prestation minimale d'accès.

S'agissant des autres prestations d'accès aux sites, pour lesquels il s'avérerait que seul l'opérateur mobile est à même de fournir le service le plus efficace économiquement, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur demandant l'interconnexion ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées. L'Autorité considère donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts correspondants.

Enfin, l'opérateur doit veiller à proposer des tarifs qui reflètent les coûts correspondants pour toutes les prestations à l'acte en relation avec la terminaison d'appel vocal, qu'il est le seul à pouvoir fournir,

Décide :


Article 1


Orange Réunion, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis-de-la-Réunion sous le numéro 432 495 802, et dont le siège social est situé 35, boulevard du Chaudron, 97490 Sainte-Clotilde, exerce une influence significative sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau, à destination de ses clients.

Article 2


Orange Réunion doit faire droit à toute demande raisonnable de prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal « directe » à destination de ses clients, et ce jusqu'au 31 décembre 2007.

Article 3


Orange Réunion doit offrir ses prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal « directe » dans des conditions non discriminatoires, et ce jusqu'au 31 décembre 2007.

Article 4


Orange Réunion est soumis à une obligation de transparence, et ce jusqu'au 31 décembre 2007. A ce titre, l'opérateur informe ses clients de terminaison d'appel vocal « directe » des évolutions de ses conditions techniques et tarifaires en respectant des délais de préavis raisonnables. Les principaux tarifs relatifs à la terminaison d'appel vocal sont publiés sur le site internet de l'opérateur. L'opérateur informe l'ART de la signature d'une nouvelle convention d'interconnexion ou d'un avenant à une convention existante dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.

Article 5


Orange Réunion est soumis à l'obligation de ne pas pratiquer, pour ses prestations de terminaison d'appel vocal « directe », des prix excessifs, et ce jusqu'au 31 décembre 2007.

Article 6


Orange Réunion doit appliquer une structure de tarification de ses prestations de terminaison d'appel vocal « directe » qui reflète le service rendu, du 1er avril 2005 au 31 décembre 2007. En particulier, cette structure de tarification ne doit pas comporter de période indivisible.

Article 7


Orange Réunion offre des prestations d'accès aux sites relatives à la terminaison d'appel vocal « directe » à des tarifs reflétant les coûts correspondants, et ce jusqu'au 31 décembre 2007.

Article 8


Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision. Il notifiera à Orange Réunion cette décision ainsi que ses annexes, qui seront publiées au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 1er février 2005.


Le président,

P. Champsaur



A N N E X E A

STATISTIQUE D'APPELS DE RÉFÉRENCE


Pour l'appréciation de la prestation de terminaison d'appel vocal en prix moyen, la statistique d'appels de référence est la suivante :

- répartition du trafic suivant les plages horaires :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 90 du 17/04/2005 texte numéro 21



- distribution des durées d'appel :

La probabilité qu'un appel ait une durée inférieure à x secondes suit la loi statistique F telle que :



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 90 du 17/04/2005 texte numéro 21



Cette loi conduit à une durée moyenne des appels de 100 secondes.


A N N E X E B

ÉCONOMIE D'UN OPÉRATEUR MOBILE


Cette annexe s'inspire des lignes directrices adoptées par l'Autorité par la décision no 2001-458 du 11 mai 2001. Elle en reprend les principes généraux en les adaptant si nécessaire.


B-1. Prestations offertes par l'opérateur mobile


On peut distinguer trois prestations principales qu'un opérateur mobile offre :

- l'accès à son réseau, c'est-à-dire la connexion à un réseau qui lui permet de communiquer et d'être joint partout à l'intérieur des zones de couverture de l'opérateur mobile ;

- les communications sortantes qui sont passées par le client final de l'opérateur mobile ;

- les communications entrantes et la réception d'appel à destination du client mobile.


B-2. Postes de coûts d'un opérateur mobile


Sont pris en compte les coûts opérationnels, y compris la dotation aux amortissements des immobilisations et les coûts de financement (taux de rémunération du capital).

Les coûts d'un opérateur mobile peuvent se représenter selon la nomenclature suivante :

(C-1) coûts de production ;

(C-2) coûts commerciaux ;

(C-3) coûts communs.


(C-1) Les coûts de production

(C-1.1) Les coûts de réseau


Ils correspondent à la planification, la construction et l'exploitation du réseau ; ils se traduisent par cinq principaux postes de coût :

Les coûts d'équipements techniques : pour les équipements propres, il s'agit des coûts d'investissement (amortissement économique incluant la rémunération du capital) ; pour les autres équipements, il s'agit des coûts de location correspondants. Ces coûts peuvent prendre en compte la fiscalité ayant pour assiette les équipements correspondants.

Ces équipements correspondent, pour le sous-système radio et le coeur de réseau :

- aux équipements de transmission (y compris génie civil, fibres optiques et liaisons louées) ;

- aux équipements de commutation et de routage ;

- aux équipements permettant la fourniture de services complémentaires (messagerie vocale en particulier) ;

- aux bâtiments techniques (sites radio compris) ;

- au système d'information (coûts de création et d'évolution des systèmes d'information permettant l'exploitation du réseau).

Les coûts d'exploitation du réseau, qui sont essentiellement des coûts de personnel, comprennent également des coûts de prestations externes. Ces coûts s'entendent au sens large et recouvrent tant la partie des coûts d'exploitation liés à la planification et à la construction du réseau que la partie maintenance et exploitation des éléments de réseau.

Les taxes et redevances correspondant aux redevances d'utilisation des fréquences, à l'octroi de licences ainsi qu'aux taxes locales non allouables aux équipements.

Les coûts de recherche et développement imputables aux activités de réseaux (la recherche fondamentale est allouée aux coûts communs).

Les coûts divers correspondant aux coûts de réseau ne pouvant être intégrés dans les cinq premiers postes.


(C-1.2) Les coûts d'interconnexion


La directive « Accès » définit l'interconnexion comme « la liaison physique et logique de réseaux de communications publics utilisés par la même entreprise ou une entreprise différente, afin de permettre aux utilisateurs d'une entreprise de communiquer avec les utilisateurs de la même entreprise ou d'une autre, ou bien d'accéder aux services fournis par une autre entreprise ».

L'achat d'interconnexion aux opérateurs tiers comprend l'achat de capacités (BPN) et de volumes. L'opérateur tiers peut être un opérateur mobile, un opérateur de réseau fixe commuté ou bien un autre type d'opérateur (par exemple un fournisseur d'accès à un réseau de données comme internet).


(C-1.3) Les coûts de prestations de services


Les coûts de prestations de services comprennent :

Les coûts de prestations de services de contenu :

- les prestations de services par l'opérateur (gratuits ou payants), à l'exception du service client pris en compte dans (C-2.3) ;

- l'achat en gros de services : il s'agit notamment d'achats aux fournisseurs de contenus multimédias ;

Les coûts d'itinérance de bout en bout : il s'agit des reversements effectués par l'opérateur à un opérateur généralement étranger qui achemine une communication d'un client de l'opérateur français.


(C-2) Les coûts commerciaux


Les coûts commerciaux peuvent se diviser en quatre catégories :


(C-2.1) Marketing et publicité


Marketing (de l'étude de marché à la conception des offres commerciales). Il s'agit notamment de cibler la prospection en fonction de l'analyse de la concurrence et du positionnement de l'offre ; de définir les objectifs de vente ; et de développer, lancer et adapter les produits.

Publicité (coûts internes et agences de publicité). Il s'agit de définir, réaliser et tester les campagnes de promotion et de publicité.


(C-2.2) Distribution et vente


La distribution comprend :

- la vente, qui se décompose en plusieurs activités : assurer les ventes, accueillir et renseigner le client, et organiser et suivre les forces de vente ;

- l'administration de la vente, qui consiste à traiter les commandes.

La distribution concerne deux types de produits :

- distribution de produits de détail par le réseau commercial propre de l'opérateur ou en dehors ;

- distribution de produits de gros aux opérateurs (interconnexion, itinérance, accès).

A cela s'ajoutent :

- les coûts d'achat de terminaux, qui représentent les coûts bruts d'achat des terminaux et dispositifs associés.


(C-2.3) Les coûts de services clients


Le service client se décompose en deux parties :

- le support après-vente, qui comprend deux activités :

- d'une part, accueillir la clientèle, traiter les réclamations, réaliser les essais, rétablir l'accès au réseau ;

- et, d'autre part, réparer les terminaux ;

- le service d'assistance : il s'agit d'accueillir et de renseigner la clientèle (notamment sur sa consommation).

Ce service peut être assuré en propre et, dans ce cas, les coûts, principalement des coûts de personnel, correspondent essentiellement aux structures opérationnelles mises en place par les opérateurs pour assurer ces activités. Ce service peut éventuellement être assuré par la SCS bénéficiant de l'accès, et dans ce cas, les coûts correspondent aux montants effectivement facturés par la SCS à l'opérateur de réseau mobile pour cette prestation.


(C-2.4) Les coûts de facturation et recouvrement


Ces coûts concernent, pour les produits de détail comme pour les ventes de gros, quatre activités :

- le comptage : il s'agit de suivre les données de comptage du volume de trafic émis par le client ;

- la facturation : il s'agit d'établir les factures et de les transmettre aux clients ;

- le recouvrement : il s'agit d'encaisser le paiement des factures non litigieuses ;

- le contentieux : il s'agit de traiter les réclamations sur facture, d'effectuer les études de solvabilité des clients, de surveiller les comptes litigieux et d'assurer les négociations amiables et les recouvrements contentieux. Le poste de coût « contentieux » prend en compte les créances douteuses.

Pour les produits de détail, ces activités peuvent être assurées par l'opérateur ou éventuellement déléguées aux SCS. Dans ce dernier cas, les coûts sont ceux effectivement facturés à l'opérateur de réseau mobile.


(C-3) Les coûts communs


Les coûts communs comprennent trois éléments :

- les coûts du système d'information non spécifique ;

- les coûts de siège (qui comprennent notamment les coûts afférents à la direction générale, les directions chargées des affaires stratégiques, financières et juridiques) ;

- les frais généraux.


B-3. Revenus d'un opérateur mobile


Les recettes d'un opérateur mobile relèvent principalement de deux activités complémentaires qui permettent de recouvrer les coûts liés à ces activités :

Les revenus d'interconnexion et d'accès correspondent principalement à l'écoulement du trafic entrant sur le réseau de l'opérateur mobile et issu d'opérateurs tiers. Celles-ci rémunèrent ainsi l'opérateur mobile pour la terminaison d'appel et sont facturées aux opérateurs interconnectés et donc indirectement à l'abonné appelant un client de l'opérateur mobile. Ces revenus comprennent aussi les revenus des prestations physiques d'interconnexion (colocalisation, liaison de raccordement...) ;

Les revenus de détail correspondent aux revenus perçus auprès des clients finals : frais de mise en service, abonnements, revenus correspondant au prépayé, revenus des forfaits et du trafic hors forfait, revenus d'itinérance. Ces revenus peuvent être partagés en revenus récurrents et revenus non récurrents. Ils sont facturés au client final, directement, ou via un distributeur ou une SCS.


A N N E X E C

ÉLÉMENTS DE COÛTS DISPONIBLES


Coûts historiques :

Parmi les trois opérateurs métropolitains, deux étaient considérés comme puissants dans l'ancien cadre réglementaire et transmettaient à ce titre à l'Autorité des informations de coûts conformément à la décision no 2001-458 du 11 mai 2001. Ces informations sont en coûts historiques et s'appuient sur un format de rapport des comptes et sur une nomenclature définis dans les lignes directrices adoptées dans la décision susvisée. Elles prennent en compte un taux de rémunération du capital de 17 %.

L'Autorité dispose donc d'informations sur les coûts d'Orange France et SFR de 1999 à 2002. Par ailleurs, à la demande de l'Autorité, Bouygues Telecom, Orange Caraïbe et SRR ont fourni des informations similaires pour l'année 2002.

CMILT :

L'Autorité a engagé en parallèle une étude sur les coûts moyens incrémentaux de long terme des opérateurs mobiles français. Cette étude permet de fournir une seconde approche pour établir précisément les coûts de référence, notamment pour les opérateurs dont l'Autorité ne dispose pas de comptabilité analytique réglementaire.