J.O. 3 du 5 janvier 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2004-532 du 17 décembre 2004 mettant en demeure la société SAPRODIF (Méditerranée FM, Med FM)


NOR : CSAX0401532S



Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,

Vu la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 15, 28 et 42 ;

Vu la décision no 92-815 du 2 septembre 1992, reconduite par la décision no 97-537 du 4 mars 1997, et par la décision no 2002-72 du 12 février 2002, publiée au Journal officiel du 16 mars 2002, autorisant la société SAPRODIF à exploiter un service de radiodiffusion sonore en modulation de fréquence dénommé Méditerranée FM ;

Vu la convention signée le 17 septembre 2002 entre la société SAPRODIF et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, notamment ses articles 7 et 21 ;

Vu la recommandation no 2003-2 du 18 mars 2003 du Conseil supérieur de l'audiovisuel à l'ensemble des services de télévision et de radio relative au conflit au Moyen-Orient, publiée au Journal officiel du 21 mars 2003, appelant notamment l'attention des éditeurs de services de radio et de télévision sur la nécessité « de traiter avec la pondération et la rigueur indispensables les sujets susceptibles d'alimenter des tensions et des antagonismes au sein de la population ou d'entraîner, envers certaines communautés ou certains pays, des attitudes de rejet ou de xénophobie » ;

Vu les transcriptions des émissions « Tribune libre » des 5 septembre, 10 octobre et 24 octobre 2004 diffusées sur l'antenne de Méditerranée FM ;

Considérant qu'en vertu de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à ce que les programmes des services de radio et de télévision ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité ;

Considérant qu'en vertu de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure la société de respecter les obligations qui lui sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article 1er de celle-ci ;

Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la convention susvisée le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure un service de radiodiffusion sonore de respecter les obligations qui lui sont imposées par ladite convention ;

Considérant qu'il ressort de l'article 7 de la convention qu'il est interdit de programmer des émissions contraires aux lois, à l'ordre public, aux bonnes moeurs ou à la sécurité du pays ;

Considérant que les propos suivants ont été tenus lors de l'émission « Tribune libre » du 5 septembre 2004, tant par l'animateur que par des auditeurs :

« L'histoire du rabbin qui s'autopoignarde, l'histoire du lycée qui a brûlé, tous les grands actes qui ont ému la France, qui ont fait se lever le Président de la République, le Premier ministre et les ministres qui se sont déplacés, ce sont des actes d'automutilation ou des actes émanant de la communauté qui subit en d'autres places des actes antisémites, mais les actes les plus graves, force est de constater qu'ils sont le fruit de ses propres enfants, et ça, on n'a pas assez de le dire. Parce que les actes condamnables, et qui doivent être condamnés, d'insultes ou de paroles, sont moins graves que des actes de passage à l'acte, et on a bien constaté que les actes de passage à l'acte viennent de la communauté juive elle-même dans leur majorité, en tout cas pour les faits récents [...] » ;

« Il y a un collège, lycée... bon, un temple du savoir privé juif, malgré l'arrêté du... c'est un maire de la banlieue parisienne, dans le Val-d'Oise, qui a ordonné la fermeture de cet établissement parce que, d'une, il n'a été déclaré à la sous-préfecture, il y a toute l'administration... aucune administration n'était au courant, aucun permis de construire n'a été donné, et malgré ça il y a eu des cours qui ont commencé. On leur a dit d'arrêter mais qui s'imposent et qui disent (sic) "on va reprendre, malgré les échafaudages, malgré les fils électriques qui pend, rien de sécurisé. Pour moi, c'est un signe de pouvoir, de position, et ils font ce qu'ils veulent [...] » ;

« Je précise, l'idéologie sioniste, parce que c'est là l'idéologie du crime. C'est l'idéologie du racisme, c'est l'idéologie de l'apartheid, et vous n'avez qu'à voir au quotidien depuis quarante-huit ans ce qui se passe, eh bien trop, c'est trop. Il faut, même si on nous qualifie de tous les noms possibles et imaginables, mais il ne faut jamais baisser les bras dans la lutte contre l'idéologie sioniste et le sionisme lui-même [...] » ;

« [...] Et puis j'ai vendu plein de photos pour envoyer chez M. Chirac, hein. Il fallait voir, Taoufik, comment je me suis fait insulter par des juifs [...] » ;

« Ce qui est grave encore, aussi, ce que vous avez parlé tout à l'heure, concernant les détournements d'argent en France et blanchi en Palestine occupée par l'entité sioniste, ce n'est que le haut de l'iceberg. Il y a des milliards qui sont détournés par année, chaque année, par des sionistes, pro-sionistes et extrêmement dangereux, qui cherchent à nuire à l'Etat français pour, effectivement, encourager l'entité sioniste à tuer et massacrer des Palestiniens. »

« [...] Parce que c'est trop facile : tout de suite c'est un dérangé mental quand il s'agit d'un juif, mais dès qu'il s'agit d'un Maghrébin, c'est un voyou, un criminel. » ;

Considérant que les propos suivants ont été tenus lors de l'émission « Tribune libre » du 10 octobre 2004, tant par l'animateur que par des auditeurs :

« [...] Du moment qu'il n'y a ni juifs ni enfants de familles privilégiées qui sont tués, cela ne les touche pas. » Question de Sylvia Cattori : « Quelle est la part d'Israël dans cette volonté de domination ? » Réponse de Shamir : « Ce n'est pas Israël qui dirige, ce sont les dirigeants juifs américains et tous ceux qui, aux Etats-Unis, adhèrent à leurs idées. Ce sont eux la source des grands malheurs que nous connaissons aujourd'hui [...]. »

« [...] C'est ce que vous êtes en train d'expérimenter en France et partout ailleurs où les idées juives s'imposent. Et nous l'expérimentons ici aussi. Nous mettons ici le doigt sur certains aspects qui doivent être connectés. Les juifs ont de mauvaises croyances, en particulier celle qui dit qu'un non-juif ne doit pas être traité comme son propre voisin. Cette idée a fini par s'imposer dans la manière de gérer les affaires de la société en général. Aussi, un volet important de ce paradigme juif consiste à laisser entendre qu'il faut combattre toutes les autres religions. J'ai appris qu'en Irak les Américains vont publier de nouveaux livres d'école où toutes les références au Coran seront bannies. »

« [...] Rapidement : "Vous voulez dire que les conseillers pro-israéliens de Bush ont partie liée avec cette décision ? Réponse de Shamir : "Les juifs sont à l'origine de cette idée. Il ne s'agit pas d'être né avec certains gènes ou chromosomes, non, il s'agit d'un idéal auquel on adhère ou pas. Ces gens qui ont soutenu la guerre en Irak sont des disciples de Lévi-Strauss [...] de l'université de Chicago. Lévi-Strauss est un penseur juif très influent qui a fait école dans ces milieux néo-libéraux. Il a répandu l'idée qu'il est nécessaire de combattre l'Islam et la chrétienté. » ;



Considérant que les propos suivants ont été tenus lors de l'émission « Tribune libre » du 10 octobre 2004, tant par l'animateur que par des auditeurs :

« [...] M. Mathlouthi, pour moi le sionisme est une idéologie classée et dite d'extrême droite. Elle se base sur une discrimination raciale, culturelle et religieuse. Le sionisme a été pensé et agit depuis toujours pour imposer l'injustice et la haine, et son ultime objectif vise à dénaturer la vérité, ce qui s'est réellement passé en Palestine [...]. »

« Eh bien, oui, Israël, l'entité sioniste est une entité raciste basée sur la supériorité de la race juive, et ça c'est une réalité. »

« [...] C'est une loi qui rentre dans un processus, je vous en avais parlé il y a quelques années, nous sommes, monsieur, dans un système de sionisation des esprits. Et même, j'irais jusqu'à dire que certaines institutions sont sionisées. Voilà, j'espère que j'ai été bien compris [...]. » « Merci Ahmed. Bon après-midi. »

« [...] Parce qu'il y a une peur extraordinaire du lobby sioniste, donc nous, on n'en a pas peur et on le dit haut et fort : il faut se dresser face au lobby sioniste, ici en France, il faut se dresser et ne pas avoir peur de cet ogre qui veut manger notre espace de liberté. Car, si on n'a plus de liberté, il faut nous mettre les chaînes, et, dans ce cas, il faut qu'on la ferme pendant des siècles parce que nous serons des esclaves et nous aurons nos maîtres sionistes qui nous commanderont au doigt et à l'oeil [...]. »

« [...] Ginzburg a été cité comme témoin de la défense et il a proclamé sous serment qu'un Juif ne pouvait pas être poursuivi pour le meurtre d'un non-Juif, car le commandement "Tu ne tueras point ne s'applique qu'aux Juifs, il a dit [...]. »

« [...] Et il rajoute : "Tuer un non-Juif est au pire un délit. Voilà. Et, dit-il "car il est impossible de comparer le sang d'un Juif et le sang d'un non-Juif [...]. »

« [...] Il y a même des livres qui disent que tuer un non-Juif, c'est comme si on tuait un poulet ou une vache, donc aucun problème de conscience, puisque ce n'est pas un Juif, donc ce n'est pas vraiment un être humain. »

« [...] C'est pour vous dire à quel point le poids, le poids médiatique qu'ils ont. Ils ne s'en cachent même plus [...]. »

Considérant ainsi que tant l'animateur que les auditeurs ont tenu des propos de nature à inciter à la haine raciale ;

Considérant que de tels propos sont contraires aux dispositions des articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui prohibent ceux qui, par un moyen de communication audiovisuelle, « auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence, à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ; que la société SAPRODIF n'a donc pas respecté l'article 7 de sa convention lui faisant interdiction de diffuser des programmes contraires aux lois ;

Considérant que ces propos méconnaissent aussi les dispositions de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée et de la recommandation du 18 mars 2003, en ce qu'ils constituent une incitation à la haine et à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité et témoignent d'un manque de pondération et de rigueur sur une question susceptible d'alimenter des tensions et des antagonismes au sein de la population ou d'entraîner, envers certaines communautés ou certains pays, des attitudes de rejet ou de xénophobie,

Décide :


Article 1


La société SAPRODIF est mise en demeure de respecter l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, l'article 7 de la convention signée entre la société SAPRODIF et le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la recommandation no 2003-2 du 18 mars 2003 du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Article 2


La présente décision sera notifiée à la société SAPRODIF et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 17 décembre 2004.


Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

D. Baudis