J.O. 300 du 26 décembre 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision du 5 juin 2003 se prononçant sur un différend qui oppose M. Michel Pestka à EDF


NOR : CREX0306691S



La Commission de régulation de l'énergie,

Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée sous le numéro 03-38-04 le 7 avril 2003, présentée par M. Michel Pestka, demeurant 6, rue du Bois-Estoez, 59554 Raillencourt-Sainte-Olle ;

M. Pestka demande à la CRE, dans le litige qui l'oppose à EDF, de faire droit à la réclamation qu'il a présentée au président d'EDF.

Aux termes de la lettre adressée à M. Roussely, le 2 juillet 2001, qu'il a jointe à sa saisine, il sollicite la réparation du préjudice qu'EDF lui aurait causé en lui imposant de souscrire, le 24 octobre 1975, un contrat d'abonnement inadapté à ses besoins.

Il soutient, en effet, que, depuis le branchement de son installation et le début de son abonnement, EDF aurait à tort imposé une alimentation triphasée de son installation électrique et la souscription d'une puissance minimale de 12 kVA, supérieure à ses besoins, qu'il estime à 6 kVA seulement. Il reproche à EDF de ne jamais lui avoir proposé une modification de son abonnement.

Il réclame par conséquent à EDF, pour « abonnement abusif » et manquement à son devoir de conseil, le paiement de la somme de 20 265 francs, correspondant, selon « l'extrait des arguments » produit à l'appui de sa demande, à la différence entre le prix de l'abonnement pour une puissance de 12 kVA et celui d'un abonnement pour une puissance de 6 kVA, sur une période allant de 1976 au 15 décembre 1994.

Vu les observations en défense, enregistrées le 22 avril 2003, présentées par Electricité de France (EDF), établissement public à caractère industriel et commercial, immatriculé au RCS de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est à Paris (8e), 22-30, avenue de Wagram, faisant élection de domicile à EDF-GDF services, représentée par M. Robert Durdilly, directeur d'EDF-GDF services.

EDF conteste la compétence de la CRE pour connaître de la demande dont l'a saisie M. Pestka pour deux motifs, en raison de la date à laquelle est né entre les parties le différend et en raison de sa nature.

EDF soutient, d'une part, que la CRE n'est pas compétente pour connaître d'un litige qui serait né antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 10 février 2000. Selon EDF, la compétence de règlement de différend reconnue à la CRE par l'article 38 de la loi du 10 février 2000 serait en effet indissociablement liée aux nouvelles règles de fond édictées par la loi et à l'existence de nouveaux droits reconnus au profit des acteurs du marché. Ainsi, EDF estime que les règles régissant la compétence de la CRE ne seraient pas d'application immédiate et s'opposeraient à ce que la CRE puisse connaître de la demande de M. Pestka, dès lors que celle-ci se rapporte à un différend qui aurait été entièrement cristalisé en 1996, date à laquelle M. Pestka a adressé sa réclamation à une juridiction.



EDF considère, d'une part, que la demande de M. Pestka, par sa nature, n'entre pas dans le champ de compétence de la CRE défini par la loi du 10 février 2000. Selon EDF, en effet, M. Pestka n'a pas la qualité d'utilisateur des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, au sens de l'article 38 de la loi, dès lors qu'il n'est pas un client éligible qui disposerait d'un lien contractuel avec un gestionnaire de réseau. Seul EDF, en tant que producteur, aurait la qualité d'utilisateur de réseau pour l'acheminement de l'électricité aux consommateurs non éligibles, en vertu du protocole conclu avec EDF, en tant que gestionnaire du réseau de distribution, conformément à l'article 23 de la loi. EDF invoque également les dispositions de l'article 5 du décret du 26 avril 2001 prévoyant que les coûts d'utilisation des réseaux publics sont identifiés par le fournisseur sur les factures adressées aux consommateurs non éligibles, pour en déduire, a contrario, que ceux-ci n'auraient pas la qualité d'utilisateurs de réseau, les coûts d'utilisation ne leur étant pas facturés par un gestionnaire de réseau. La CRE, dans ces conditions, ne serait pas compétente pour connaître en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 de la demande de M. Pestka, dès lors qu'elle ne serait pas présentée par un utilisateur du réseau.

A titre subsidiaire, EDF soutient que la CRE ne peut statuer sur la demande introduite par M. Pestka, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée dont est revêtu l'arrêt par la cour d'appel de Douai, le 7 juin 2001.

EDF rappelle en effet que M. Pestka a saisi la juridiction de droit commun dès 1996 des mêmes chefs de demande que ceux qu'il présente aujourd'hui devant la CRE. Il estime, en particulier, que le litige soumis à la CRE présente une identité d'objet, de cause et de parties avec celui sur lequel s'est prononcée la cour d'appel de Douai. Il ressort, d'une part, des mentions de l'arrêt du 7 juin 2001 que M. Pestka était partie à la procédure devant la cour. M. Pestka aurait, d'autre part, selon EDF, saisi la CRE de demandes strictement identiques à celles présentées devant la cour et se fonderait, en produisant d'ailleurs au soutien de sa saisine un extrait de sa requête d'appel, sur les mêmes moyens que ceux dont il s'est prévalu devant la cour. EDF considère donc que la CRE ne peut se prononcer sur la demande de M. Pestka qui ne vise à obtenir que la révision d'une décision de justice, aujourd'hui devenue définitive.

EDF estime, par ailleurs, que la circonstance que trois pièces aient été écartées des débats par la cour ne suffit pas, contrairement à ce qui soutient M. Pestka, à justifier le réexamen de sa situation par la CRE. Il lui appartenait, en effet, selon EDF, s'il estimait que la cour avait écarté ces pièces à tort, de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu le 7 juin 2001. En tout état de cause, EDF soutient que parmi les pièces dont il s'agit, deux lettres de 1983 et 1987 ne concernent pas le différend présenté à la CRE, puisque celles-ci se rapporteraient au dysfonctionnement du relais de passage entre heures pleines et heures creuses, question sur laquelle la cour a entièrement fait droit aux demandes de M. Pestka. EDF semble estimer également que la troisième pièce, une lettre du comité départemental de l'habitat et d'aménagement rural, selon laquelle une alimentation triphasée ne paraissait pas utile, est dépourvue de force probante, dès lors que la position du comité est exprimée avec beaucoup de prudence et qu'elle n'est fondée que sur les seuls éléments fournis par M. Pestka.



EDF conclut par conséquent au rejet de la demande de M. Pestka.


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Vu les observations complémentaires présentées par M. Pestka, enregistrées le 9 mai 2003,

M. Pestka reconnaît que la CRE ne serait peut-être pas compétente pour connaître de leur demande.

Néanmoins, il entend répondre au fond aux observations présentées par EDF.

M. Pestka soutient à nouveau qu'EDF a commis un abus et a manqué à son devoir d'information et de conseil auquel il était tenu à son égard, en tant que spécialiste. EDF aurait, en particulier, selon lui, refusé à tort de prendre en compte ses problèmes, dont il aurait eu connaissance, dès 1983, après avoir été informé de la différence anormale de sa consommation d'électricité entre les heures creuses et les heures pleines.

Il reproche également à EDF de n'avoir abaissé la puissance de son installation à 9 kVA qu'en 1994 et de ne pas lui avoir proposé un branchement individuel monophasé, alors qu'une alimentation triphasée, au regard de ses besoins, n'aurait jamais été nécessaire.

Il conteste par ailleurs les affirmations d'EDF, en estimant :

- que, contrairement à ce que prétend EDF, la modification de son installation pour une alimentation monophasée était possible bien avant 1994 ;

- qu'EDF conteste à tort les affirmations du comité départemental de l'habitat et d'aménagement rural d'Arras, que M. Pestka considère comme un spécialiste, dont la lettre du 16 mars 2000 attesterait de l'inutilité d'une alimentation triphasée au regard de leurs besoins ;

- que les pièces, écartées des débats par la cour, permettraient, d'une part, de constater que la solution technique retenue par EDF pour son installation électrique était inadaptée (lettre du comité départemental de l'habitat et d'aménagement rural d'Arras) et, d'autre part, que les lettres adressées à EDF en 1983 et 1987 auraient dû l'inciter à envisager un abaissement de la puissance souscrite et à lui proposer une alimentation monophasée, dès l'année 1983.



Il soutient ne pas avoir reçu l'intégralité du paiement de la somme à laquelle la cour a condamné EDF au titre de la restitution des prélèvements indus, puisque sur 2 901 euros dont EDF lui serait redevable, il prétend n'avoir reçu le paiement que de 1 943 euros.

M. Pestka conteste, également, la validité des conditions générales de vente actuellement applicables aux consommateurs en ce qu'elles continuent à indiquer que la prescription qui leur est opposable est de 5 ans, contrairement à la solution retenue par la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 7 juin 2001, selon laquelle s'applique la prescription trentenaire de droit commun prévue à l'article 2262 du code civil.

Il demande à EDF la communication des dernières conditions générales de vente applicables aux consommateurs qu'il lui aurait déjà réclamées une première fois.

Il demande à la CRE d'enjoindre à EDF de corriger, conformément à la solution retenue par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 7 juin 2001, le régime de la prescription auquel les conditions générales font référence et de supprimer de sa notice de tarif l'indication qu'il estime mensongère, selon laquelle la souscription d'une puissance de 12 ou 15 kVA serait nécessaire pour une installation « tout électrique ».



Vu la lettre d'EDF, enregistrée le 21 mai 2003,

EDF déclare ne pas souhaiter répondre aux dernières observations de M. Pestka, dès lors qu'il estime que celles-ci n'apportent aucun élément nouveau.

Vu la lettre de M. Pestka, enregistrée le 30 mai 2003,

M. Pestka estime qu'EDF dans ses observations n'a pas répondu sur le fond à ses arguments. Il demande à la CRE d'examiner sa requête en équité.

Vu l'ensemble des dossiers remis par les deux parties ;

Vu la décision du 7 avril 2003 du président de la CRE relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend no 03-38-04 ;

Vu la directive 96/92 /CE du Parlement européen et du conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la CRE ;

Vu la décision du 15 février 2001 de la CRE relative au règlement intérieur de la commission ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience,


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Après avoir entendu, le 5 juin 2003 lors de l'audience devant la commission,

En présence de :

M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag, MM. Raphaël Hadas-Lebel, Bruno Lechevin, François Morin, Jacques-André Troesch, commissaires ;

MM. Thierry Tuot, directeur général, Marc de Monsembernard, directeur juridique, Philippe Blanc, rapporteur ;

MM. Jean-Claude Millien et Pierre Roman-Mouchet, pour EDF ;

Le rapport de M. Philippe Blanc, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

Les observations de M. Jean-Claude Millien, pour EDF ;

La commission en ayant délibéré le 5 juin après que les parties, le rapporteur et les agents de la CRE se sont retirés,

Sur la compétence de la CRE :

Aux termes du I de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 : « En cas de différend entre les gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] lié à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés au III de l'article 15 et à l'article 23 de la présente loi [...], la commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties.

[...]

[La] décision [de la commission] est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux [...] ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. »

Il résulte de ces dispostions que la CRE est compétente pour connaître des différends liés à l'accès ou à l'utilisation des réseaux publics pouvant survenir entre un utilisateur d'un réseau public et son gestionnaire.

Sur la date à laquelle est né le différend :

Contrairement à ce que soutient EDF, la seule circonstance que les faits à l'origine d'un différend, porté devant la CRE, seraient antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 10 février 2000 n'a pas d'incidence sur sa compétence pour en connaître, dès lors que les conditions tenant à la nature du litige et à la qualité des parties, prévues par les dispositions de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, sont réunies.

Ces dispositions ne contiennent, en effet, aucune disposition transitoire qui s'opposerait au principe de leur application immédiate, y compris aux litiges en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 10 février 2000, dès lors que ceux-ci sont toujours pendants.



EDF n'est pas fondé, dans ces conditions, à se prévaloir de ce que le différend, objet de la demande de M. Pestka, est né avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 février 2000, pour contester la compétence de la CRE pour en connaître, dès lors que M. Pestka soutient ne pas avoir obtenu d'EDF entière satisfaction de cette demande.

Sur la qualité d'utilisateur du réseau de M. Pestka :

EDF conteste, par ailleurs, que la CRE puisse se prononcer sur la demande de règlement de différend dont elle est saisie en raison de la qualité du demandeur, dans la mesure où M. Pestka, n'étant pas un client éligible et n'ayant pas conclu un contrat d'accès au réseau au sens de l'article 23 de la loi du 10 février 2000, n'aurait pas, selon EDF, la qualité d'utilisateur de réseau lui permettant de saisir la CRE en application de l'article 38 de la même loi.

Ni la loi du 10 février 2000 ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne définissent directement la notion d'utilisateur de réseau. L'article 38 de la loi du 10 février 2000, relatif à la compétence de la CRE en matière de règlement de différend, doit toutefois être interprété au regard des dispositions de la directive 96/92 /CE du 19 décembre 1996 que la loi a pour objet de transposer. Or, aux termes de l'article 2.15 de cette directive, est un utilisateur de réseau « toute personne physique ou morale alimentant un réseau de transport ou de distribution ou desservie par un de ces réseaux ». Au sens de l'article 38 de la loi, doivent donc être regardés comme des utilisateurs de réseaux non seulement les clients éligibles, qui concluent un contrat d'accès au réseau avec le gestionnaire du réseau auquel ils sont raccordés, mais aussi les clients non éligibles, pour lesquels l'article 2-III de la loi du 10 février 2000 prévoit que la fourniture d'électricité « s'effectue par le raccordement aux réseaux publics ». La circonstance qu'un client non éligible n'entretienne pas de relation contractuelle directe avec le gestionnaire de réseau, et, par suite, ne reçoive pas de facture de ce dernier est sans influence sur sa qualité d'utilisateur. De même, la circonstance que la fraction du prix, payée par le consommateur non éligible au fournisseur, représentant la rémunération du gestionnaire de réseau, soit versée par le fournisseur au gestionnaire de réseau, dans le cadre d'un protocole régi par la loi du 10 février 2000, est également sans influence sur la qualité du réseau du consommateur non éligible qui y est raccordé. Il résulte enfin clairement de l'article 2.15 précité que le fait que le fournisseur soit lui-même un utilisateur de réseau ne fait pas obstacle à ce que le consommateur non éligible soit également regardé, pour l'application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, comme un utilisateur.

Aucune disposition de la loi du 10 février 2000 ne limitant la compétence de règlement de différend aux seuls litiges auxquels sont parties les utilisateurs bénéficiant d'un droit d'accès au titre de l'article 23 de cette loi, les consommateurs non éligibles ayant la qualité d'utilisateur du réseau peuvent, s'ils s'y estiment fondés, contester les conditions d'utilisation du réseau auquel ils sont raccordés et saisir la CRE des différends relatifs à ces conditions qui les opposeraient à un gestionnaire de réseau.

La CRE est, par conséquent, compétente pour connaître des difficultés relatives aux conditions d'utilisation du réseau public de distribution rencontrées par M. Pestka, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il bénéficie, en vertu du contrat d'abonnement souscrit auprès d'EDF en 1975, d'un branchement individuel au réseau de distribution.

Sur la demande principale de M. Pestka :

Aux termes de sa saisine, M. Pestka demande à la CRE la réparation du préjudice qu'il a subi au motif qu'EDF lui aurait abusivement imposé la souscription, en 1975, d'un contrat d'abonnement inadapté à ses besoins et de ne pas avoir proposé une alimentation monophasée de leur installation électrique, ainsi qu'un abaissement de la puissance souscrite.





Il résulte toutefois de l'instruction que M. Pestka a assigné EDF devant le tribunal de grande instance de Cambrai, le 27 octobre 1998, et qu'il a également interjeté appel du jugement rendu par le tribunal qui l'avait débouté de toutes ses demandes.

Il ressort de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai, le 7 juin 2001, que celle-ci était saisie par M. Pestka d'une demande tendant à obtenir la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison des fautes commises par EDF pour ne pas lui « avoir proposé un contrat d'abonnement justifié et adapté à ses besoins » et pour avoir « viol(é) l'obligation d'information » à laquelle il était tenu à son égard. Il demandait devant la cour la restitution de la somme de 12 745 F qu'EDF lui avait prélevé à tort en raison d'un dysfonctionnement d'un relais, le paiement de la somme de 20 265 F correspondant à la différence entre le prix de l'abonnement à une puissance de 12 kVA et celui d'un abonnement à une puissance de 6 kVA, ainsi que la condamnation d'EDF au paiement de 30 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Dans son arrêt du 7 juin 2001, dont il n'est pas contesté qu'il soit aujourd'hui définitif, la cour a condamné EDF au paiement de la somme de 12 745 F au profit de M. Pestka en restitution des prélèvements indus, mais elle a en revanche expressément confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Cambrai ayant débouté M. Pestka de ses autres demandes. Elle a en effet estimé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à EDF dans son obligation de conseil en approuvant expressément les motifs sur lesquels le tribunal de grande instance avait fondé son jugement.

La demande de M. Pestka devant la CRE, dirigée contre EDF, comme devant la cour et devant les premiers juges, vise à obtenir le paiement de la somme de 20 265 F correspondant à la différence du prix d'abonnement à une puissance de 12 kVA et celui d'un abonnement à 6 kVA, en se fondant sur la faute commise par EDF et, en particulier, son manquement à son obligation de conseil. La demande de règlement de différend présentée par M. Pestka devant la CRE est donc identique à l'une de celles portées devant le juge judiciaire, dès lors qu'elle est dirigée contre la même partie, porte sur le même objet et contient les mêmes conclusions que devant la cour.

La CRE, lorsqu'elle agit en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi du 10 février 2000, est soumise, en tant qu'autorité administrative, au respect de l'autorité de la chose jugée, qui s'oppose à ce qu'elle puisse, dans le cadre de sa compétence de règlement de différend prévue par l'article 38 de la loi du 10 février 2000, connaître d'un différend ayant fait l'objet d'une décision juridictionnelle revêtue d'une telle autorité.

Elle ne peut, dans ces conditions, se prononcer sur la demande de M. Pestka, dès lors que celle-ci est en tout point identique à celle sur laquelle la cour d'appel de Douai et les premiers juges se sont déjà expressément prononcés, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée dont est revêtu l'arrêt de la cour du 7 juin 2001, et, pour la partie confirmée par cet arrêt, le jugement du tribunal de grande instance de Cambrai du 16 décembre 1999.

Sur les autres demandes de M. Pestka :

Aux termes de sa saisine, M. Pestka soutient, par ailleurs, qu'il n'a pas reçu le paiement de l'intégralité des sommes auxquelles la cour d'appel de Douai a condamné EDF dans son arrêt du 7 juin 2001, et que les conditions générales de vente actuellement applicables aux clients non éligibles continuent de prévoir un délai de prescription qui méconnaît la solution retenue par la cour.

M. Pestka se borne toutefois à contester les conditions dans lesquelles EDF a exécuté l'arrêt de la cour, par des conclusions qui ne relèvent pas de celles dont il appartient à la CRE de connaître aux termes de l'article 38 de la loi du 10 février 2000. Dès lors, les demandes présentées par M. Pestka à cet égard ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant une autorité incompétente pour en connaître, Décide :


Article 1


La demande de M. Michel Pestka est rejetée.

Article 2


La présente décision sera notifiée à M. Michel Pestka, à EDF et publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 5 juin 2003.


Pour la commission :

Le président,

J. Syrota