J.O. 293 du 19 décembre 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 21686

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Mémoire en réplique des députés signataires du recours dirigé contre la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004


NOR : CSCL0307014X



Monsieur le président du Conseil constitutionnel, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous présenter les observations en réplique suivantes pour répondre aux observations du Gouvernement sur la saisine relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.


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I. - Sur le respect du principe de sincérité


Pour tenter de montrer qu'il respecte le principe de sincérité, le Gouvernement met en avant une argumentation pour le moins stupéfiante qui confirme les critiques des saisissants.

En premier lieu, il considère que les évolutions des recettes et des dépenses relatives à l'exercice 2003 ne justifiaient pas la présentation au Parlement d'un projet de loi de financement rectificatif, se contentant ainsi d'une révision des agrégats de la loi de 2003 au travers du projet de loi de financement pour 2004.

Cette affirmation est pour le moins surprenante, notamment au regard de l'engagement que le Gouvernement avait pris l'an dernier de présenter un projet de loi de financement rectificatif au cas où les prévisions de recettes et de dépenses effectuées dans le cadre de la commission des comptes de printemps montreraient un décalage significatif avec les objectifs.

Il convient simplement de rappeler, à cet égard, que la commission des comptes avait mis en évidence, dès le printemps 2003, une dérive des comptes telle que le déficit prévisionnel du régime général de la sécurité sociale passait de 3,9 milliards d'euros à 7,9 milliards d'euros.

Un accroissement du déficit, par ailleurs confirmé par la commission des comptes du mois de septembre 2003, qui fait apparaître une dérive égale à plus de la moitié de l'objectif initial fixé, ne peut qu'être qualifié de décalage significatif.

En banalisant de la sorte l'importance de la dérive, le Gouvernement ne fait que confirmer l'argumentation des requérants sur sa volonté de laisser filer le déficit de la sécurité sociale. Il apparaît ainsi, encore plus clairement que les débats parlementaires ne l'ont montré, que le Gouvernement organise, implicitement, l'affaiblissement du système de sécurité sociale fondé sur la solidarité nationale.

En second lieu, le Gouvernement précise qu'« au plan technique, la révision des estimations n'est pas en principe disponible avant le 15 juin et qu'à compter de cette date la préparation puis la présentation d'un projet de loi de financement rectificatif se heurterait à des difficultés sérieuses et n'aurait, en tout état de cause, qu'une utilité relative » (page 5 des observations en défense).

Le Gouvernement ne saurait mieux dire pour avouer l'insincérité des engagements qu'il prend devant le Parlement et le peu de considération qu'il accorde aux décisions du Conseil constitutionnel.

Le scénario est donc le suivant. Le Gouvernement prend un engagement précis. Cet engagement contribue au raisonnement du Conseil constitutionnel pour déclarer sincère le projet de loi de financement. Un an après, le Gouvernement avoue qu'en tout état de cause, il savait ne pas pouvoir tenir cet engagement, voire que cet engagement est, en tout état de cause, inutile.

Outre le fait que l'on s'étonnera de voir ainsi disqualifié le principe même de la loi de financement rectificative, il faut relever que cette argumentation est en totale contradiction avec celle formulée par le Gouvernement dans ses observations de l'année passée sur ce point. Ce qui est intéressant dans la mesure où il avait argué de la possibilité de procéder à des ajustements via un tel instrument législatif pour répondre au grief tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

Ce faisant, le Gouvernement confirme que l'établissement de la loi de financement de la sécurité sociale n'exclut, dans son esprit, ni une telle erreur qu'il n'entend pas corriger, ni une volonté de dissimulation de la réalité.

Le non-respect du principe de sincérité est ainsi parfaitement assumé. Il renforce la détermination des requérants dans leur volonté que le contrôle de sincérité soit à la mesure des principes constitutionnels et que toutes les conséquences en soient ainsi tirées.


II. - Sur l'article 39 de la loi


Pour montrer que cet article respecte les principes tirés des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, notamment sur la garantie de l'accès à la santé, le Gouvernement présente une argumentation assez inédite.

Il considère en effet qu'en excluant du remboursement par l'assurance maladie les actes et prestations effectués pour répondre à des exigences législatives, réglementaires ou contractuelles autres que celles résultant du code de la sécurité sociale, et qui ne sont pas rendus nécessaires par l'état du patient, il ne porte pas atteinte au droit à la santé.

Ceci revient finalement à présenter une définition assez restrictive de ce droit. Il est clair que dans de nombreux cas, et notamment pour les jeunes, ces actes peuvent être l'occasion de dépistage ou de démarche de prévention pour les personnes concernées. Le caractère non obligatoire de l'acte et de la prestation n'interdit pas au médecin d'effectuer une démarche de prévention. Même si l'état de santé de la personne ne le justifie pas a priori, il n'est pas interdit non plus d'adopter une attitude préventive dans le cadre d'une consultation.

Ainsi, si les actes en question ne s'inscrivent pas dans une démarche de prévention, ils ne peuvent pas être considérés comme déconnectés d'un tel objectif. La restriction apportée au cours du débat parlementaire au champ d'application de l'article vient finalement souligner l'argumentation des requérants sur la dimension de prévention des actes qui ne seraient plus pris en charge par l'assurance maladie, au point de rendre l'article finalement inopérant.

Le grief d'atteinte au principe constitutionnel d'accès à la santé s'en trouve confirmé.

Nous vous prions de croire, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.