J.O. 106 du 7 mai 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis sur le mouvement des tarifs gaziers à souscription au 1er avril 2003


NOR : INDI0301350V



La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie le 14 mars 2003 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et par la ministre déléguée à l'industrie d'un projet d'augmentation des tarifs gaziers dits « à souscription », conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003 qui prévoient que les décisions sur les tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles sont prises sur avis de la CRE. La hausse est liée à l'évolution du prix du gaz importé en France.

Sont concernés par ce mouvement les tarifs STS et S2S de Gaz de France, les tarifs H et S (en extinction) de la Compagnie française du méthane, les tarifs R, F, M, B2 (en extinction) et PC (en extinction) de Gaz du Sud-Ouest.

Ces tarifs à souscription sont des tarifs intégrés comprenant à la fois la fourniture du gaz, son acheminement sur le réseau de transport et un service de modulation. Ils s'appliquent aux consommateurs de gaz, industriels ou distributions publiques, raccordés directement à un réseau de transport ou consommant plus de 4 GWh par an s'ils sont raccordés à un réseau de distribution, qui ne sont pas éligibles ou qui n'ont pas fait jouer leur éligibilité. Ces consommateurs seront tous éligibles au plus tard le 1er juillet 2004, dans le cadre de l'ouverture totale du marché professionnel.

En conséquence, les tarifs gaziers à souscription devraient disparaître à cette date en tant que tarifs de vente aux clients non éligibles. Cependant, l'article 4 de la loi du 3 janvier 2003 prévoit que les consommateurs professionnels qui le souhaitent garderont alors la possibilité de ne pas exercer leur éligibilité, et que leur contrat suivra, dans ce cas, le même rythme d'évolution que les tarifs aux particuliers.

Dans ces conditions, une réflexion sur l'évolution des tarifs à souscription actuels est nécessaire, afin de préparer au mieux la transition entre des tarifs de vente réglementés largement péréqués et des prix fixés par le seul jeu de la concurrence.

Enfin, les tarifs à souscription actuels ont été conçus bien avant la loi du 3 janvier 2003, dans un contexte différent de celui instauré par l'ouverture du marché du gaz à la concurrence, et la CRE n'a pas, à ce stade, tous les éléments matériels lui permettant de vérifier qu'ils respectent l'ensemble des conditions prévues par la loi et la directive 98/30 /CE. Elle n'a pas pu, par exemple, procéder à l'analyse de la comptabilité séparée des opérateurs, qui lui permettrait de conclure à l'absence de toute subvention croisée au profit des clients éligibles (article 7 de la loi).

Pour ces raisons, le présent avis de la CRE ne préjuge pas de la conformité des tarifs à souscription avec la loi du 3 janvier 2003 et la directive 98/30 /CE. Il porte seulement sur la structure et la formule d'évolution des tarifs à souscription, ainsi que sur leurs conditions d'application. Le cas du prix d'achat de l'électricité produite par cogénération, qui est lié au tarif STS de Gaz de France, est également examiné.


1. La structure et la formule d'évolution

des tarifs à souscription

1.1. La structure des tarifs à souscription


Les tarifs proposés par chacun des opérateurs, Compagnie française du méthane, Gaz de France et Gaz du Sud-Ouest, ont des structures sensiblement différentes, mais sont très homogènes pour ce qui est de leur niveau. Cette similitude en niveau est logique dans la mesure où ces tarifs ont été introduits à l'époque du monopole d'importation de Gaz de France et suivent, depuis, une même formule d'évolution.

Chacun des tarifs à souscription est largement péréqué géographiquement : pour un même tarif, tous les clients paient le même prix pour l'acheminement sur le réseau de grand transport et seules les charges d'antenne régionales diffèrent. De même, à l'intérieur d'une distribution publique, tous les clients paient le même tarif S2S.

Or, la loi du 3 janvier 2003 prévoit que les tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel sont établis « en tenant compte des caractéristiques du service rendu et des coûts liés à ce service ». Cette prise en compte des coûts se traduira, compte tenu de la structure des réseaux français, par des différences de prix suivant la localisation respective des consommateurs et des fournisseurs, comme c'est déjà le cas pour les tarifs d'acheminement mis en place par les opérateurs de transport fin 2002.

Il en résulte que certains consommateurs éligibles auront moins intérêt que d'autres à exercer leur éligibilité. Cette situation, qui constitue un frein au développement d'un marché concurrentiel du gaz, durera tant que subsistera un choix entre des tarifs intégrés de vente péréqués géographiquement et des tarifs d'accès au réseau reflétant la réalité des coûts.

Par ailleurs, les tarifs à souscription contiennent une composante liée à la modulation, qui correspond au coût supplémentaire supporté par le fournisseur, principalement en utilisant les stockages souterrains, pour livrer un client dont la consommation n'est pas régulière sur l'année.

Afin d'éviter toute discrimination, il est nécessaire qu'il n'y ait pas de disparité entre la composante implicite de modulation dans les tarifs à souscription et le prix du service de modulation offert aux fournisseurs présents sur le marché français.


1.2. La formule d'évolution des tarifs à souscription


Tous les tarifs à souscription suivent la même formule trimestrielle d'évolution, fondée sur la variation des prix du fioul lourd, du fioul domestique et de la parité dollar/euro.

Pour un mouvement prenant effet le mois N, les indices de prix du fioul lourd, du fioul domestique et du dollar sont calculés sur la base des trois mois N - 4, N - 3 et N - 2 (formule dite « 3-1-3 »). L'application de la formule au 1er avril 2003 conduit à une hausse moyenne des tarifs à souscription de 0,96 EUR par MWh de gaz, soit environ 6 %, due à la forte hausse des prix du pétrole ces derniers mois, compensée en partie seulement par la baisse du dollar face à l'euro.

Cette formule d'évolution est censée refléter exactement la variation des coûts d'approvisionnement de Gaz de France, dans le cadre de ses contrats de long terme. La CRE constate que les opérateurs appliquent strictement, à l'exception du tarif S2S, la formule à l'occasion du mouvement du 1er avril 2003, comme ils l'ont fait depuis plusieurs années.

La formule d'évolution des tarifs à souscription nécessite sans doute d'être aménagée, dans la mesure où une proportion croissante des importations de Gaz de France se fait hors du cadre des contrats de long terme. Il serait logique que la formule d'évolution en tienne compte.


1.3. La hausse du tarif S2S


Le tarif S2S de Gaz de France subit une hausse de 0,7 %, en plus de l'augmentation de 0,96 EUR/MWh résultant de l'application de la formule d'évolution. Ce mouvement touche plus de 3 000 clients industriels en distribution publique, en grande majorité non éligibles.

Gaz de France indique qu'il s'agit là d'un premier réajustement, visant à réaliser progressivement « un meilleur alignement de ce tarif avec les tarifs de distribution publique, d'une part, et les coûts de distribution, d'autre part ».

En l'absence d'explication complémentaire, la CRE ne peut émettre un avis motivé sur ce mouvement qui touche une catégorie spécifique de clients.


2. Les conditions d'application des tarifs à souscription

doivent être transparentes et non discriminatoires


Les tarifs à souscription constituent, en pratique, la référence par rapport à laquelle se fait le choix d'exercer ou non l'éligibilité.

Afin que la liberté de choix du fournisseur prévue par la loi puisse s'exercer, il est important, d'une part, que cette référence soit transparente et, d'autre part, qu'elle ne donne pas lieu à des pratiques discriminatoires. Cela signifie en particulier :

- que les tarifs à souscription ne peuvent pas donner lieu, en tant que tels, à négociation commerciale. Si un consommateur éligible obtient ou a obtenu des baisses de prix par rapport à son tarif à souscription, il doit être considéré comme ayant fait jouer son éligibilité et l'ensemble des clauses liées à l'éligibilité doit s'appliquer : signature d'un contrat de raccordement, règles relatives à l'équilibrage, etc. Pour un consommateur non éligible, les tarifs ne sont pas négociables ;

- que les autres conditions financières et contractuelles applicables doivent être harmonisées, qu'un client fasse jouer son éligibilité ou qu'il conserve un tarif à souscription. Il s'agit en particulier :

- des charges de raccordement ;

- de la rémunération de l'interruptibilité ;

- des conditions relatives à la qualité et à la pression du gaz ;

- des procédures de nomination et des pénalités en cas d'erreur de prévision de la consommation d'un site.

La CRE veillera, pour ce qui la concerne, à ce que l'ensemble des clauses et conditions contractuelles des tarifs à souscription ne donne lieu à aucune discrimination.


3. Les contrats d'achat de l'électricité produite par cogénération


Le tarif STS de Gaz de France est utilisé aujourd'hui comme référence de prix dans le cadre des contrats d'achat de l'électricité produite par cogénération (contrats dits « 97-01 » et « 99-02 »).

Toutefois, une clause spécifique de ces contrats prévoit qu'en cas de déconnexion entre le tarif STS et « les prix effectivement pratiqués pour des livraisons de gaz de durée et de caractéristiques identiques à celles du cycle combiné de référence, un nouveau paramètre d'indexation du prix du gaz sera défini en accord avec le ministre chargé de l'industrie ».

Au vu de l'ouverture du marché du gaz en France, effective depuis le 10 août 2000, par application directe de la directive 98/30 /CE, et désormais consacrée par la loi du 3 janvier 2003, il est probable qu'un producteur d'électricité décidant d'installer en France, à proximité des points d'importation de gaz, un cycle combiné gaz de 650 MW obtiendrait un prix du gaz meilleur que celui offert par le tarif STS.

La condition de déconnexion entre le prix du gaz pour le cycle combiné au gaz de référence et le tarif STS étant ainsi remplie, une nouvelle référence de prix de gaz pour les contrats d'achat de l'électricité produite par cogénération peut et doit être définie.

Un tel changement de référence, prenant en compte les meilleurs prix de gaz qu'un producteur d'électricité pourrait obtenir sur le marché européen, permettrait une baisse sensible des charges du service public de l'électricité.

Au vu de la dérive préoccupante de ces charges, la CRE considère qu'il n'y a plus désormais aucune raison d'attendre et souhaite que les pouvoirs publics agissent rapidement dans ce sens.

Fait à Paris, le 20 mars 2003.



Pour la commission :

Le président,

J. Syrota