J.O. Numéro 180 du 3 Août 2002       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 13292

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Décision du 27 juin 2002 sur un différend qui oppose la société SEMMARIS à Electricité de France, en tant que gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité, relatif aux conditions de prise en compte de la multiplicité des points de livraison dans le dispositif contractuel d'accès au réseau électrique


NOR : CREX0205717S



La Commission de régulation de l'électricité,
Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée sous le numéro 02-38-03, le 8 avril 2002, présentée par la société SEMMARIS, dont le siège social est situé 1, rue de la Tour, BP 316, 94152 Rungis Cedex, représentée par le directeur du marché de Rungis, M. Georges Pasqui, l'opposant à son gestionnaire de réseau de distribution EDF-GDF Services (DEGS).
La société SEMMARIS a en charge l'aménagement et la gestion du Marché international de Rungis. Elle a un seul numéro de SIRET et dispose de dix-huit points de livraison en 20 kV. Elle souhaite à ce titre signer un seul contrat de mise à disposition de l'électricité (contrat MADE) et regrouper contractuellement ses différents points de livraison afin de bénéficier du foisonnement de ses besoins de puissance, permettant ainsi de ne souscrire qu'une puissance globale pour l'ensemble de ses points de livraison.
EDF a accepté des regroupements partiels et a proposé neuf contrats (au lieu de dix-huit, soit un pour chaque point de livraison). La SEMMARIS a finalement signé neuf contrats pour la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001. Lors du renouvellement de ses contrats, la SEMMARIS a demandé un regroupement complet pour aboutir à un contrat unique par lettre en date du 7 décembre 2001. EDF a refusé en invoquant un souci de non-discrimination par lettre en date du 15 janvier 2002.
En l'absence de justification supplémentaire, la SEMMARIS indique ne pas comprendre la logique conduisant à limiter le regroupement à neuf contrats et a saisi la CRE afin d'obtenir la signature d'un contrat unique.
En conséquence, la SEMMARIS demande qu'il soit fait droit à sa demande tendant à la conclusion d'un seul contrat de mise à disposition de l'électricité pour ses dix-huit points de livraison.
Vu les observations en défense enregistrées le 13 mai 2002, présentées par Electricité de France (EDF), établissement public à caractère industriel et commercial, immatriculé au RCS de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est à Paris (8e), 22-30, avenue de Wagram, faisant élection de domicile à EDF-GDF Services, représentée par M. Robert Durdilly, directeur d'EDF-GDF Services.
EDF résume la chronologie des faits.
La société SEMMARIS a demandé à EDF d'établir un contrat de mise à disposition de l'énergie électrique (contrat MADE) par courrier en date du 21 décembre 2000. Compte tenu du fait que les dix-huit points de livraison sont répartis sur neuf artères différentes, EDF a proposé, le 29 décembre 2000, de regrouper ces points de livraison afin de ne signer que neuf contrats MADE.
Début 2001, suite à différents échanges et réunions, les caractéristiques des contrats ont été établies. Par ailleurs, la SEMMARIS a confié mandat à EDF-fournisseur, le 7 juin 2001, pour négocier les conditions d'accès au réseau de distribution, assurer le paiement et le suivi des contrats de mise à disposition d'électricité. Cela a conduit à la signature de neuf contrats le 19 juillet 2001, pour une date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2001.
Lors d'une réunion, le 9 octobre 2001 (confirmée par un mail du 17 novembre 2001), EDF a indiqué qu'aucun changement par rapport au regroupement des neuf contrats n'était prévu et qu'il faudrait une modification du réseau pour que ce point puisse évoluer.
En novembre 2001, EDF a proposé des avenants aux contrats qui devaient arriver à expiration le 31 décembre 2001, en proposant notamment de réoptimiser la puissance souscrite pour trois des contrats.
Par lettre en date du 7 décembre 2001, la SEMMARIS a indiqué ne pas être en mesure de se prononcer sur la réoptimisation tarifaire proposée par EDF en l'absence de communication par EDF de simulations de facture qu'elle indique avoir effectuée. De plus, la SEMMARIS souhaitait s'assurer que les erreurs de comptage qui avaient été décelées en octobre 2001 avaient effectivement été prises en compte dans les simulations et souhaitait attendre les factures corrigées pour pouvoir valider les valeurs 2001 et en particulier les dépassements de puissance, afin de pouvoir ainsi se prononcer sur les valeurs pour l'année 2002. La SEMMARIS a, de plus, renouvelé sa demande d'un contrat unique pour son site.
Par lettre en date du 15 janvier 2002, EDF a répondu que « les règles contractuelles qui leur avaient été présentées le 28 mars 2001 s'appliquent à l'ensemble des clients éligibles sans exception, et ce dans un souci de non-discrimination ».
Par courrier du 30 janvier 2002, la SEMMARIS a transmis à EDF les neuf contrats signés prenant effet à compter du 1er janvier 2002.
Sur la forme de la saisine, EDF oppose à la demande de la SEMMARIS une fin de non-recevoir.
EDF se fonde, d'une part, sur l'article 1er du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la CRE, qui précise que : « La saisine de la Commission de régulation de l'électricité comporte pour chaque différend ... l'objet de la saisine avec un exposé des moyens... » et, d'autre part, sur l'article 12 du règlement intérieur de la commission approuvé par décision en date du 15 février 2001, qui dispose que : « La saisine expose la demande adressée à la commission et les éléments de fait et de droit qui la fondent. »
EDF soutient que la SEMMARIS ne formule aucune demande précise et n'appuie sa demande sur aucun moyen de droit et, par conséquent, considère que la demande ne peut être recevable.
Sur le fond, EDF précise que les points de livraison de la société SEMMARIS sont situés sur une concession de distribution publique accordée par le syndicat des communes de la banlieue de Paris à EDF par convention en date du 6 juillet 1994 et qu'en conséquence les conditions d'alimentation et de facturation sont régies par les dispositions de cette convention.
L'article 26 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique annexé à cette convention fixe les principes généraux régissant la tarification des fournitures et indique notamment qu'« afin de refléter au mieux la structure des coûts de production et de mise à disposition de l'électricité, il sera établi un contrat pour chaque point de livraison : le concessionnaire ne sera tenu ni d'appliquer plus d'un contrat à un même point de livraison, ni d'accorder un contrat regroupant des fournitures à un usager recevant l'énergie en des points de livraison différents ».
EDF considère que ces dispositions qui s'appliquaient pour les contrats intégrés (comportant à la fois la fourniture et le transport d'électricité) continuent de s'appliquer pour les contrats de mise à disposition d'électricité (contrat MADE) des clients éligibles ayant fait jouer leur droit à l'éligibilité en vertu de la loi du 10 février 2000 et que, par conséquent, il convient d'établir un contrat MADE par point de livraison.
EDF considère qu'elle n'est pas tenue d'accorder de regroupement de contrats MADE mais qu'elle peut néanmoins le faire sous réserve de s'attacher à « refléter la structure des coûts de mise à disposition de l'électricité ».
Par ailleurs, EDF explique que le barème transitoire d'accès aux réseaux a été construit pour une application par point de livraison. Son application conduit néanmoins à faire payer plus cher l'accès au réseau à un utilisateur ayant plusieurs points de livraison raccordés à un même départ HTA qu'à un utilisateur ayant un unique point de livraison alors que dans les deux situations les coûts engendrés pour le gestionnaire de réseau sont les mêmes puisque le dimensionnement du départ est le même.
Afin de garantir un traitement équitable entre les différents utilisateurs, EDF accepte de regrouper en un seul contrat les points de livraison raccordés sur un même départ HTA. La notion de départ est entendue au sens large, c'est-à-dire en intégrant le départ d'alimentation « normale » et le départ « secours » du réseau de distribution.
En appliquant ces dispositions à la société SEMMARIS, EDF avait donc regroupé les dix-huit points de livraison en neuf contrats.
Par courrier en date du 7 mai 2002, le DEGS a reconnu une application erronée de son principe de regroupement qui avait été appliqué uniquement aux alimentations principales. L'application complète du principe aurait dû conduire à la conclusion de six contrats. EDF s'est engagée à procéder à la régularisation de la situation de la SEMMARIS de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2001 et à rembourser les sommes indûment demandées majorées du taux annuel des intérêts moratoires.
En conséquence, EDF conclut au rejet de la saisine de la SEMMARIS.
Vu les observations en réplique de la SEMMARIS enregistrées le 29 mai 2002,
La SEMMARIS persiste dans ses conclusions.
La SEMMARIS s'interroge sur la politique tarifaire d'EDF et sur son manque de clarté. Elle constate que suite à ses protestations, EDF est progressivement passée de dix-huit contrats à neuf, puis maintenant six contrats. Elle décide de maintenir sa demande de règlement de différend pour obtenir la conclusion d'un seul contrat.
La SEMMARIS considère ne pas être responsable de l'existence historique de six artères d'alimentation du marché de Rungis.
La SEMMARIS indique avoir confié, sans avoir le choix, un mandat de négociation à EDF-fournisseur. Elle s'interroge sur ce point compte tenu des liens entre EDF-fournisseur et EDF tant vis-à-vis de la pratique des affaires que des règles de la concurrence.
La SEMMARIS indique ne pas avoir eu connaissance au préalable du cahier des charges de la concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique annexé à la convention de concession de distribution publique accordée par le syndicat des communes de la banlieue de Paris à EDF le 6 juillet 1994. Elle s'interroge tout d'abord sur sa compatibilité avec la loi dans la mesure où cette convention est antérieure à la loi. Elle s'interroge également sur son opposabilité dans la mesure où la SEMMARIS n'est pas partie prenante à cette convention, d'une part, et qu'elle n'en a jamais eu communication, d'autre part.
Au vu des éléments transmis en réponse par EDF, la SEMMARIS décide de maintenir sa demande de règlement de différend.
Vu les observations en défense d'EDF enregistrées le 13 juin 2002,
EDF persiste dans ses conclusions tendant au rejet de la saisine de la SEMMARIS.
EDF indique, contrairement aux affirmations de SEMMARIS, ne jamais lui avoir proposé dix-huit contrats, mais bien neuf initialement, puis enfin six lorsqu'elle s'est aperçue d'une erreur d'application des règles de regroupement.
EDF indique que les choix techniques de structure et de répartition du réseau électrique alimentant la zone de la SEMMARIS ont été déterminés pour optimiser le coût complet à long terme de ce réseau. Elle précise que la localisation des différents points de livraison de la SEMMARIS provient des différentes demandes de raccordement de la SEMMARIS depuis 1967 et que les conditions de raccordement ont toujours été librement acceptées par la SEMMARIS et jamais remises en cause depuis.
EDF indique qu'à aucun moment la SEMMARIS n'a été obligée de prendre un mandataire, ni de confier ce mandat à EDF-fournisseur. EDF précise que cette liberté contractuelle est clairement indiquée dans le chapitre 23.3 des conditions particulières de ses contrats de mise à disposition d'électricité : « Le client peut, s'il le souhaite et en accord avec l'un de ses fournisseurs et/ou producteurs d'électricité, déléguer à celui-ci le paiement des factures présentées par le distributeur. » EDF indique également que la SEMMARIS n'apporte aucune preuve à ses affirmations selon lesquelles elle aurait été obligée de signer un mandat avec EDF-fournisseur.
Concernant la valeur juridique et l'opposabilité de l'article 26 du cahier des charges de concession, EDF affirme son aspect réglementaire en s'appuyant sur la doctrine et la jurisprudence. Dès lors, EDF considère que l'article 26 doit être regardé comme ayant valeur réglementaire et comme étant, par suite, opposable aux tiers. Enfin, EDF considère que cet article est toujours applicable dès lors qu'il n'est contraire à aucune disposition de la loi du 10 février 2000 ou de ses décrets d'application, et en particulier, le décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux.
Vu la lettre d'EDF enregistrée le 26 juin 2002, transmise en réponse à des compléments d'information, demandés par les rapporteurs, sur les règles de regroupement et les modalités d'exploitation du réseau électrique alimentant la SEMMARIS :
EDF explique que les réseaux HTA sont exploités en antenne et que par conséquent l'électricité ne peut suivre qu'un seul sens de circulation. Ainsi, un départ HTA est défini par l'ensemble du câble HTA depuis la « cellule départ » au poste source jusqu'à la dernière cellule du poste de transformation HTA/BT, le dernier poste étant souvent raccordé à un autre départ appelé « départ secours ».
EDF précise que les notions de départ normal et secours sont des notions liées à l'exploitation et à la conduite du réseau HTA et n'ont rien à voir avec les notions contractuelles de secours éventuels.
EDF fournit de plus des éléments concernant les modalités d'exploitation du réseau alimentant la SEMMARIS ;
Vu l'ensemble des dossiers remis par les deux parties ;
Vu la décision du 2 mai 2002 du président de la CRE relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction d'une demande de règlement de différend ;
Vu la directive 96/92 /CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité ;
Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'électricité ;
Vu le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;
Vu la décision du 15 février 2001 de la CRE relative au règlement intérieur de la Commission ;
Après avoir entendu, le 27 juin 2002, lors de l'audience publique devant la Commission, en présence :
- de M. Jean Syrota, président, et de Mme Jacqueline Benassayag, MM. Raphaël Hadas-Lebel, Bruno Lechevin, François Morin, commissaires ;
- de MM. Thierry Tuot, directeur général, Marc de Monsembernard, directeur juridique, Martin Vancostenoble, rapporteur, et Manuel Baritaud, rapporteur adjoint ;
- de MM. Georges Pasqui et Philippe Kaise, pour la SEMMARIS ;
- de MM. Denis Haag, Jean-Claude Millien, Denis Rosso et de Mme Séverine Larère pour EDF :
- le rapport de M. Martin Vancostenoble, rapporteur présentant les moyens et les conclusions des parties,
- les observations de MM. Georges Pasqui et Philippe Kaise pour la SEMMARIS,
- les observations de MM. Jean-Claude Millien, Denis Rosso et de Mme Séverine Larère pour EDF,
la Commission en ayant délibéré le 27 juin 2002, après que les parties, le rapporteur, le public et les agents de la CRE se sont retirés,
Sur les faits :
Le différend oppose la SEMMARIS et le gestionnaire du réseau de distribution auquel il est raccordé, EDF-GDF Services (DEGS). Il porte sur la possibilité de regrouper plusieurs points de livraison pour souscrire une seule puissance et sur l'absence de justification du motif sur lequel EDF a fondé son refus.
La SEMMARIS dispose de dix-huit points de livraison et demande un contrat unique pour l'ensemble de ces points. EDF s'y oppose. Elle lui proposait neuf contrats distincts avant cette demande de règlement de différend et propose désormais un regroupement en six contrats.
Sur la recevabilité de la saisine de la SEMMARIS :
L'article 1er du décret du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables à la CRE dispose que : « La saisine de la Commission comporte pour chaque différend ... l'objet de la saisine avec un exposé des moyens et les pièces sur lesquelles la saisine est fondée. » L'article 12 de la décision du 15 février 2001 portant règlement intérieur de la CRE prévoit que : « La saisine expose la demande adressée à la Commission et les éléments de fait et de droit qui la fondent ».
La société SEMMARIS a saisi la CRE d'une demande de règlement de différend par sa lettre du 17 avril 2002, à laquelle étaient joints :
- sa lettre du 2 avril 2002 exposant les termes de sa demande ;
- le courrier adressé à EDF le 7 décembre 2001 dans lequel la SEMMARIS lui demande de bénéficier d'un seul contrat d'accès au réseau et la réponse d'EDF du 15 janvier 2002 dans laquelle elle refuse la demande de regroupement des points de livraison dans un souci de non-discrimination.
Il ressort clairement de l'ensemble des pièces du dossier que la SEMMARIS demande à bénéficier d'un contrat unique de mise à disposition d'énergie électrique pour ses dix-huit points de livraison ; elle a ainsi, contrairement à ce que soutient EDF, précisé, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 11 septembre 2000, l'objet de sa saisine.
Au soutien de sa demande, la SEMMARIS expose qu'elle a demandé à EDF le regroupement contractuel de ses dix-huit points de livraison et la conclusion d'un seul contrat de mise à disposition de l'électricité, mais qu'EDF a imposé la signature de neuf contrats. Elle invoque le manque de clarté et de transparence d'EDF, qui s'est bornée à justifier son refus de faire droit à sa demande par la non-discrimination dans l'application de règles régissant les regroupements de points de livraison, sans expliciter le contenu de ces règles. La SEMMARIS s'interroge en outre, dans ses observations complémentaires, sur la compatibilité du cahier des charges de la convention de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique entre le syndicat des communes de la banlieue de Paris et EDF du 5 juillet 1994 avec la loi du 10 février 2000. La demande de la SEMMARIS comporte par conséquent les éléments des moyens de fait et de droit qui la fondent.
La fin de non-recevoir opposée par EDF ne peut donc qu'être écartée.
Sur la demande de la SEMMARIS relative à la conclusion d'un contrat d'accès au réseau :
Sur le choix d'un mandataire pour traiter des affaires relatives à l'accès au réseau :
Les consommateurs éligibles disposent, pour la conduite de leurs relations avec les gestionnaires de réseaux, de la liberté de désigner, s'ils le souhaitent, un mandataire.
La SEMMARIS a conclu, le 7 juin 2001, un contrat de mandat par lequel elle confie à EDF, en qualité de fournisseur, « la mission d'assurer en son nom et pour son compte les relations avec le gestionnaire du réseau de distribution ainsi qu'avec toutes entités, services, personne morale ou physique responsable et gestionnaire d'un réseau de distribution, et considéré comme telle selon la législation applicable ... » (sic). La SEMMARIS affirme avoir confié « sans avoir le choix » à EDF en tant que fournisseur un mandat de négociation et a indiqué à l'audience que son mandataire, EDF-fournisseur, se serait prévalu de sa capacité à obtenir d'EDF, gestionnaire du réseau de distribution, de meilleures conditions d'accès au réseau. Pour répréhensibles et contraires à la loi que pourraient être les pratiques alléguées, les conditions de conclusion de ce mandat, à supposer que la CRE puisse en connaître, sont sans influence sur les conditions d'accès aux réseaux contestées par la SEMMARIS. En outre, elle ne fournit aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations et, par suite, à mettre en cause la validité des contrats d'accès qui auraient été signés en son nom et pour son compte.
Sur l'applicabilité du cahier des charges de concession, antérieur à la loi du 10 février 2000 :
L'article 26 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique, annexé à la convention de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique conclue entre le syndicat des communes de la banlieue de Paris et EDF le 5 juillet 1994, dispose :
« En vue notamment de contribuer à l'utilisation rationnelle de l'énergie, la tarification mise en oeuvre par le concessionnaire devra être garante de la neutralité économique de ce dernier.
A cet effet, les parties adhèrent aux principes suivants :
- égalité de traitement : deux fournitures ayant les mêmes caractéristiques devront pouvoir bénéficier des mêmes options et opportunités tarifaires ;
- efficacité économique ... ;
- péréquation géographique ... ;
- l'établissement des barèmes nationaux incombe à l'Etat ... ;
- publicité des prix appliqués pour la facturation des fournitures.
Afin de refléter au mieux la structure des coûts de production et de mise à disposition de l'électricité, il sera établi un contrat pour chaque point de livraison : le concessionnaire ne sera tenu ni d'appliquer plus d'un contrat à un même point de livraison, ni d'accorder un contrat regroupant des fournitures à un usager recevant l'énergie en des points de livraison différents. ... »
Par ailleurs, l'article 1er du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, pris en application de la loi du 10 février 2000, prévoit que : « Les tarifs hors taxes d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixés conformément aux dispositions qui suivent, nonobstant toute disposition contraire des cahiers des charges des concessions, des règlements de service des régies, des contrats et des protocoles. »
Le décret du 26 avril 2001 ne comporte toutefois aucune disposition sur la multiplicité des points de livraison des utilisateurs d'un réseau public de distribution. Le décret fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, en application du décret du 26 avril 2001, qui pourrait, le cas échéant, traiter de cette question, n'a pas été adopté à ce jour. Par conséquent, dans l'attente de la publication de ce décret, les stipulations de l'article 26 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique sont toujours applicables, à la condition toutefois qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions du décret du 26 avril 2001, ni à aucune des dispositions de la loi du 10 février 2000 ou d'un texte pris pour son application, ou que les conditions dans lesquelles elles sont appliquées ne conduisent pas nécessairement à méconnaître ces dispositions ; en particulier, elles continuent à s'appliquer, en tant qu'elles ne créent pas une obligation pour le concessionnaire de conclure avec un utilisateur de réseau un contrat regroupant les différents points de livraison.
Sur les critères de regroupement de points de livraison appliqués par EDF :
Il résulte des pièces du dossier qu'EDF a fait application, d'une part, des stipulations de l'article 26 du cahier des charges de concession, d'autre part, de règles qu'elle a elle-même élaborées, auxquelles elle se réfère, sans en préciser le contenu, dans son courrier du 15 janvier 2002, puis dont elle a communiqué le texte dans son courrier du 7 mai 2002.
EDF était légalement tenue, par les termes mêmes du contrat de concession, de ne procéder à un éventuel regroupement de points de livraison que dans les limites que le concédant avait fixées à l'exercice de ce pouvoir. Par suite, la circonstance que la société SEMMARIS n'ait pas été partie à ce contrat ou que les stipulations sur ce point n'aient pas été portées à sa connaissance est sans influence sur l'obligation dans laquelle se trouvait EDF d'en faire application aux usagers : les dispositions de l'article 26 revêtent, en effet, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence administrative dont se prévaut EDF, un caractère réglementaire, en tant qu'elles ont pour objet de définir les compétences du concessionnaire ainsi que les conditions de leur mise en oeuvre vis-à-vis des usagers du service dont la gestion lui a été concédée par l'autorité concédante.
Cependant, la loi du 10 février 2000, dont la contrariété aux règles qui lui ont été appliquées est invoquée par la SEMMARIS, dispose par ailleurs, dans le deuxième alinéa du II de son article 2, que les gestionnaires de réseaux doivent assurer « l'accès dans des conditions non discriminatoires aux réseaux publics de transport et de distribution ». Ces dispositions doivent être appliquées à la lumière de celles de la directive du 19 décembre 1996 qu'elles transposent et dont l'article 16 énonce que l'accès aux réseaux doit s'effectuer selon des « critères objectifs, transparents et non discriminatoires ».
Il en résulte que les conditions d'accès aux réseaux et, dans le cas d'espèce, celles gouvernant l'éventuel regroupement des points de livraison tenant compte des obligations pesant sur EDF en application du contrat de concession doivent être non discriminatoires, tant dans leur contenu que dans leur mise en oeuvre, en énonçant clairement les critères objectifs déterminant la décision du concessionnaire, gestionnaire de réseau, de procéder ou non à un regroupement, et en ne traitant pas différemment les utilisateurs placés dans une même situation. Pour garantir le caractère non discriminatoire de leur application, elles doivent également être portées, par les moyens appropriés, à la connaissance de l'ensemble des clients susceptibles d'en demander l'application, c'est-à-dire que l'existence de ces règles et de leur contexte doit être connue d'eux, et qu'ils doivent être mis à même d'en prendre connaissance.
L'article 26 du cahier des charges qui a été cité plus haut ne répond pas par lui-même à ces exigences. Il fixe certes un principe clair, en prévoyant un contrat par point de livraison. Toutefois, il institue, dans le même temps, au profit du concessionnaire, un pouvoir discrétionnaire qui découle de ce que le concessionnaire n'est pas tenu de procéder au regroupement des contrats et qu'il peut librement y procéder, sans même préciser les cas dans lesquels le regroupement peut être accordé. Ainsi, il ne permet pas de garantir, à lui seul, le recours à des critères objectifs. En outre, EDF a confirmé à l'audience qu'elle n'a pas communiqué à la SEMMARIS le texte de la convention de concession, se bornant à relever que la SEMMARIS est en contact avec le concédant et ne peut ignorer l'existence d'une concession régie par une convention, et que les projets de contrats MADE négociés avec la SEMMARIS mentionnaient l'existence de la concession dont la convention, selon elle, ne fait l'objet d'aucune obligation légale de publication. Or, il résulte des pièces du dossier que les clauses des projets de contrats mentionnent l'existence d'une concession, sans préciser ni le nom de l'autorité concédante, ni la date à laquelle a été signée la convention de concession et sans mettre en mesure les utilisateurs de prendre connaissance des dispositions du cahier des charges de la concession. Dès lors la mise en oeuvre de cette convention a méconnu également le principe de transparence ci-dessus rappelé.
Il revenait donc à EDF, dans l'exercice de son pouvoir de déroger au principe selon lequel un contrat doit être conclu par point de livraison, pouvoir dont elle fait usage dans le cas de la SEMMARIS, de fixer des critères objectifs et non discriminatoires, et d'en assurer la transparence. C'est ce qu'elle s'est efforcée de faire, en cours d'instance, en corrigeant l'absence de toute information sur des règles applicables dans son courrier du 15 janvier 2002, par la communication, dans son courrier du 7 mai 2002, de règles. Il ressort cependant de l'instruction et de l'audience du 27 juin 2002 que ces règles n'ont fait l'objet d'aucune mesure de nature à en assurer la transparence, c'est-à-dire l'accessibilité à l'ensemble des usagers, qui est nécessaire à leur application non discriminatoire à l'ensemble des utilisateurs du réseau placés dans la même situation. EDF a en effet déclaré communiquer oralement les règles qu'elle applique au moment de la conclusion des contrats, sans que les utilisateurs puissent en avoir une connaissance détaillée et préalable par une mesure de publicité adéquate. En l'espèce, elle reconnaît d'ailleurs avoir communiqué par écrit ces règles seulement le 7 mai 2002, après un premier refus de regroupement opposé par courrier du 15 janvier 2002. Cette communication s'est faite sous la forme d'une « annexe 1 » spécifique à ce courrier, et rien n'indique que ces règles soient communiquées sous cette forme aux autres utilisateurs concernés ou qu'elles leur soient accessibles. De ce fait, alors même que ces règles énoncent bien des critères objectifs, la SEMMARIS est fondée à soutenir que la décision prise par EDF, en tant que gestionnaire du réseau de distribution, ne respectait pas le principe de non-discrimination issu de la loi du 10 février 2000.
Dès lors que la CRE considère que l'illégalité de la décision prise par EDF découle de la non-conformité de la procédure permettant de statuer sur une demande de regroupement de points de livraison au droit applicable, la CRE ne peut, à ce stade de la procédure, sans méconnaître elle-même le principe de transparence des critères régissant les regroupements de points de livraison, se prononcer sur le bien-fondé de la demande de regroupement de la SEMMARIS.
Elle estime donc qu'il convient d'imposer à EDF, en tant que gestionnaire du réseau concédé par convention du 5 juillet 1994, d'adopter, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des critères objectifs et non discriminatoires pour l'exercice du pouvoir d'accorder un regroupement contractuel que lui confère l'article 26 du cahier des charges de cette convention. EDF devra également prendre les mesures nécessaires pour assurer l'accessibilité de ces règles à l'ensemble des usagers concernés avant la conclusion des contrats. La transparence et l'objectivité des critères applicables permettront notamment de garantir que le recours à EDF-fournisseur comme mandataire dans les relations avec EDF, gestionnaire de réseau distribution, ne puisse être présenté comme facilitant l'accès au réseau.
Ces règles de regroupement devront respecter des critères d'objectivité, de transparence et de non-discrimination. Elles devront également contribuer à l'efficacité économique et aux reflets des coûts supportés par les gestionnaires de réseau.
Afin que soit garantie leur objectivité, ces règles devront se fonder sur une réalité physique correspondant à un foisonnement effectif des puissances appelées entre différents points de livraison au même niveau de tension. Un regroupement ne pourra être accordé qu'en un point de livraison existant et que s'il existe des réseaux électriques permettant physiquement le regroupement de différents points de livraison.
Afin de garantir que les coûts facturés à l'utilisateur reflètent ceux que supporte le gestionnaire de réseau, ce dernier ne pourra accorder un regroupement des points de livraison que sous réserve d'une compensation par l'utilisateur des coûts supplémentaires en découlant. Cette compensation devra être calculée à partir de l'ensemble des coûts des ouvrages permettant physiquement le regroupement.
Sur la base des critères qu'elle aura définis dans le respect des principes définis ci-dessus, EDF devra se prononcer à nouveau sur la demande de la SEMMARIS, au plus tard quinze jours après l'expiration du délai de deux mois. Si elle s'y estime fondée, la SEMMARIS pourra alors poursuivre le règlement du différend engagé, afin que la CRE statue sur le bien-fondé de la nouvelle décision d'EDF et, le cas échéant, sur la réparation du préjudice que la SEMMARIS pourrait avoir subi.
EDF devra rendre compte à la CRE des dispositions qu'elle prendra pour se conformer à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la présente décision,
Décide :



Art. 1er. - EDF rendra publics, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, d'une part, les éléments de la convention de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique entre le syndicat des communes de la banlieue de Paris pour l'électricité et EDF du 5 juillet 1994 applicables aux usagers du service et, d'autre part, les règles qu'elle aura adoptées pour garantir la mise en oeuvre publique, transparente et non discriminatoire de la faculté de regrouper des points de livraison que lui reconnaît cette convention.


Art. 2. - EDF communiquera à la CRE, dans le même délai, tous éléments permettant de s'assurer de l'accomplissement des mesures exigées par l'article 1er de la présente décision et de l'application non discriminatoire des critères définis en matière de regroupement des points de livraison.


Art. 3. - EDF se prononcera, dans un délai de quinze jours à compter de l'accomplissement des mesures exigées par l'article 1er de la présente décision, sur la demande de la société SEMMARIS tendant au regroupement de ses dix-huit points de livraison.


Art. 4. - La présente décision sera notifiée à la SEMMARIS et EDF et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 27 juin 2002.

Le président,
J. Syrota