(Last update : Wed, 31 Dec 1997)
[ industrie | cgm | rfb | formation | journée du 18 décembre 1997 ]

COMMISSION N° 1

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CONNAISSANCE DU MARCHE ET PROSPECTIVE DES

BESOINS EN COMPÉTENCES

La commission N 1 propose que les écoles adhérentes à la charte souscrivent à une démarche visant à :

- connaître et anticiper les besoins en compétences qui s'expriment sur le marché du travail, dans les métiers auxquels elles préparent

- améliorer l'insertion professionnelle immédiate et le parcours ultérieur de leurs élèves en leur offrant des formations répondant mieux aux attentes de leurs employeurs potentiels ou effectifs.

Cette orientation vise à promouvoir la qualité des services rendus à travers un renforcement des liens des écoles avec les entreprises et une attention accrue apportée à la réalisation des projets professionnels de leurs élèves.

I.- SPÉCIFICITÉ ET ORIGINALITÉ DE LA DÉMARCHE

Le développement du dialogue avec les clients, la capacité à s'adapter aux attentes du marché et la réactivité aux informations qui en émanent sont à la base de toute démarche qualité ; dans le cas bien particulier des formations d’ingénieurs, il convient cependant d'expliciter et de reformuler les concepts de client, de produit et de marché :

A. LES CARACTÉRISTIQUES DU «MARCHÉ»

Les écoles ont deux principaux «clients» : l’un d'entre eux est l'élève, celui-ci est d'abord candidat, puis élève-ingénieur, puis enfin ancien élève ; l’autre est l'employeur potentiel ou effectif des ingénieurs. Or aucun d'entre eux n'est véritablement en mesure de passer commande d'un service aux caractéristiques imposées :

- suivant que l'on s'adresse au candidat, à l'élève en cours de scolarité ou à l'ancien élève exerçant ou non des fonctions d'ingénieur en entreprise, le point de vue, les motivations, les capacité d'appréciation et l'autonomie de jugement varient considérablement ;

- il en va de même en ce qui concerne les employeurs, qui ne savent pas nécessairement exprimer leurs besoins en compétences avec précision et stabilité[1] ; suivant la taille des entreprises et leurs activités ces besoins sont très différents, et ils sont soumis à des variations de conjoncture très importantes ;

- chaque école a sa spécificité et développe des innovations pédagogiques qui lui sont propres ; il serait vain de prétendre l'enfermer dans un cahier des charges qui figerait une bonne fois pour toutes le profil type de l'ingénieur.

Le «produit» des écoles est par nature complexe :

- pour «produire» un ingénieur compétent, il faut recruter des candidats aptes à assumer ces fonctions, leur dispenser une formation adéquate, puis vérifier qu’ils ont les qualités requises par rapport à un référentiel prédéfini ; le coût/efficacité de chacune de ces opérations mérite d’être évalué séparément et dans son interaction avec les autres ;

- en réalité il s’agit d’une co-production résultant des prestations dispensées par l’école, du lourd investissement personnel fourni par l’élève[2], et des apports des entreprises ayant directement ou indirectement participé à sa formation ;

- En tout état de cause, la prestation des écoles ne saurait être ramenée à une dimension purement marchande.

L'offre et la demande de formation d'ingénieurs ne sont pas seulement (ni même principalement) régulées par le marché :

- La puissance publique intervient non seulement comme financeur public des formations, comme autorité responsable de la réglementation concernant la délivrance des diplômes, et fréquemment aussi comme autorité de tutelle des établissements concernés.

- Les élèves ne payent pas leur scolarité au prix coûtant ; dans la plupart des cas ils sont plus des utilisateurs que des payeurs ; même lorsque ce sont les entreprises qui financent les formations, par le jeu des différents dispositifs concernant les formations en alternance ou la formation professionnelle continue, le prix de la formation est réduit. Traditionnellement les procédures de sélection à l'entrée des écoles jouent un rôle plus déterminant que le coût de la scolarité.

- Le marché s’exprime essentiellement à travers le libre choix de l'employeur face à des candidats à l’embauche issus de différentes formations d'ingénieurs, mais dans cette situation la concurrence entre les écoles n'est qu'indirecte, puisque bien d'autres éléments que la qualité des formations suivies entrent en ligne de compte (compétences personnelles et professionnelles du candidat, personnalité, motivation, etc...).

Enfin, la diversité prédomine partout, qu’il s’agisse de celle :

- des écoles, de leurs modes de financement, des formations qu’elles offrent, des techniques pédagogiques qu’elles mettent en oeuvre ;

- des élèves, de leurs modes de recrutement, de leurs attentes et de leurs profils ;

- des entreprises, de leurs stratégies, de leurs besoins spécifiques et de leur gestion des ressources humaines.

B. LEUR PRISE EN COMPTE DANS UNE CHARTE QUALITÉ

Il faut éviter de céder à deux tentations :

- l'utilitarisme à courte vue, qui consisterait à ne former qu'aux métiers d'aujourd’hui en fonction de demandes à court terme exprimées par les entreprises, et à sacrifier la formation de base et la culture générale[3]. Cette dernière est en réalité une condition essentielle pour pouvoir se former tout au long de la vie aux métiers de demain ;

- le repli dans une tour d'ivoire, qui au nom de l'indépendance de la culture et de la science, méconnaîtrait les contraintes économiques et se désintéresserait des éléments coût/efficacité de l'investissement lourd en formation représenté par la scolarité des futurs ingénieurs, et de sa pertinence par rapport aux attentes des entreprises.

Dans ce contexte marqué par la complexité, la diversité et l’interaction des divers acteurs, qui assument eux-mêmes des rôles différents et évolutifs selon les stades de la formation, la Commission n’a pas souhaité retenir une approche normative de la qualité, ce qui n’empêche pas une démarche volontariste. Un consensus s’est dégagé pour éviter de se montrer prescriptif au niveau du contenu des formations, et pour axer les efforts attendus sur la transparence, l’ouverture, la recherche d’une amélioration continue, et enfin la dynamique de réseaux :

- Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit : chaque école devrait décrire ce qu’elle fait de la manière la plus lisible et exploitable pour les élèves et les entreprises, et s’assurer qu’elle remplit bien les engagements ainsi pris à leur égard. Une amélioration de la lisibilité des diplômes délivrés au regard du marché du travail devrait en résulter.

- Ouvrir un dialogue continu et approfondi avec les «clients» : dans un marché où l'offre de diplômés est supérieure à la demande, la tâche du formateur ne s'arrête pas à l'obtention du diplôme par les personnes formées. Les écoles adhérentes à la charte devraient se donner des méthodes et des moyens pour suivre le devenir professionnel de leurs élèves, évaluer dans quelle mesure les connaissances qu'ils ont acquises sont pertinentes dans les postes qu'ils occupent aujourd'hui ou qu'ils occuperont demain, connaître aussi bien que possible et anticiper les besoins en compétences exprimés par leurs employeurs, développer des réponses adaptées à l'évolution de ces besoins.

- Mesurer continuellement les progrès accomplis : tout en demeurant totalement libres dans la définition et la conduite de leur projet pédagogique, ces écoles s'engageraient à renseigner régulièrement un certain nombre d’indicateurs homogènes, permettant de mesurer le chemin parcouru en matière de connaissance et d'anticipation des besoins en compétences exprimés par les entreprises, de réactivité et d'adaptabilité des formations aux évolutions des métiers ou de l'emploi.

- Faire jouer l’effet réseaux : entre les écoles adhérentes à la charte, pour développer une démarche coopérative, mais aussi au niveau des partenariats à nouer avec les entreprises, les organisations professionnelles et les organismes spécialisés dans la prospective de l’emploi et des compétences.

II.- CONNAISSANCE ET ANTICIPATION DES BESOINS

L'approche des besoins en compétences des entreprises doit être à la fois quantitative et qualitative ; la rapidité et la qualité de l'insertion professionnelle des élèves non seulement à l'occasion du premier emploi, mais également plusieurs années après, constitue un indicateur déterminant en la matière. Des moyens de suivi seront mis en place au niveau de chaque école, ainsi qu'au niveau national sous la forme d'un observatoire des métiers de l'ingénieur.

A. INFORMATIONS QUANTITATIVES ET QUALITATIVES À RASSEMBLER ET À TRAITER

Le réseau des écoles devrait collecter et tenir à jour des informations à la fois quantitatives et qualitatives, aussi bien auprès de leurs élèves que des entreprises qui les emploient :

1. Du point de vue quantitatif

informations à collecter auprès des élèves :

- nombre des candidats, d'élèves en scolarité et d'anciens élèves, par disciplines, avec un suivi précis dans le temps des flux et des stocks

- ce que deviennent les personnes formées (par exemple 1 an puis 3 ans après leur sortie de l'école (nombre et taux d'insertion), quelles sont les caractéristiques par régions, secteurs et tailles d'entreprises des emplois en question

- quel est le "taux de fuite", c'est à dire la proportion des ingénieurs quittant la profession pour exercer d'autres compétences, notamment de management, par rapport à ceux restant dans les métiers d'expertise technique de haut niveau.

informations à collecter auprès des entreprises employeurs et à exploiter :

- grandes évolutions macro-économiques et leurs conséquences sur les besoins en ingénieurs (stocks, flux, équilibre de l'offre et de la demande),

- exploitation des enquêtes et analyses sectorielles ou régionales disponibles sur ce thème.

2. Du point de vue qualitatif

informations à collecter auprès des élèves :

- besoins en information, orientation et réorientation des candidats et des élèves en scolarité, avec une attention particulière à ceux qui sont déjà en situation professionnelle

- degré de satisfaction avant, pendant et après la formation, appréciation qu'ils portent sur la qualité de leur insertion professionnelle et l'utilité de la formation suivie dans le poste occupé

Concernant l'insertion professionnelle des élèves, la Commission N° 1 a relevé que les études le plus fréquemment pratiquées par les écoles sont trop exclusivement focalisées sur le premier emploi. On s'intéresse trop exclusivement à la naissance de l'ingénieur et non à son devenir, on néglige ainsi le marché interne à l'entreprise, par redistribution des postes, qui représente l'essentiel des emplois d'ingénieurs (80% des postes).

Si les enquêtes de premier emploi sont nécessaires, elles ne sont à l’évidence pas suffisantes ; elles sont à compléter par des informations sur les trajectoires professionnelles incluant la première mobilité (interne ou externe) à partir du premier poste, pour laquelle on manque cruellement d'informations.

- aptitude à occuper des emplois qui ne sont pas uniquement salariés, ou qui sont intermédiaires entre les professions libérales et le statut de salarié ; capacité à créer et régénérer son propre métier.

informations à collecter auprès des employeurs :

- nouveaux métiers de l'ingénieur, combinatoires et déformations des métiers existants, du fait de l'évolution des technologies, des procédés ou de l'environnement professionnel (notamment nouvelles compétences requises dans des domaines autres que techniques) ;

- adaptation des prestations, besoins non couverts, interfaces entre les différentes compétences requises

- appréciation par les employeurs des formations dispensées par les écoles

- besoins spécifiques des petites entreprises concernant le contenu, mais aussi l'aménagement des parcours de formation : les PME/PMI représentent en effet des potentialités en emplois à ne pas négliger pour les futurs ingénieurs.

Trois règles sont à mettre en oeuvre dans la collecte et l'exploitation de ces données ; elles constitueront un gage de crédibilité de la démarche : lisibilité (compréhension aisée par des non spécialistes), comparabilité (maîtrise des recoupements entre les statistiques de la formation et celles du marché de l'emploi) et fiabilité (pertinence des critères retenus, indépendance des expertises utilisées). La Commission insiste sur l'importance de fournir non seulement une information de bonne qualité, mais qui soit également pertinente, utile pour le dialogue et la prise de décision ; le préalable pour progresser dans ce domaine passe par un important travail commun de définition et de méthodes, pour aboutir en particulier à une présentation commune d’un certain nombre des fiches métiers évoqués ci-après (voir infra § II.B.1).

B. MÉTHODES ET MOYENS À METTRE EN OEUVRE PAR LES ÉCOLES ET PAR LEUR RÉSEAU

1. Au niveau de chaque école

On trouvera en annexe 1 des éléments de référentiel précisant les engagements à demander aux écoles adhérentes dans trois domaines principaux :

- investigations sur les premières trajectoires professionnelles

- conduite des enquêtes sur le devenir des élèves dans les 3 ans suivant la sortie de l'école (qui peuvent être sous-traitées éventuellement aux associations d'anciens élèves, à condition cependant que les écoles en assument la responsabilité, ce qui implique la définition d'un cahier des charges précis pour les opération sous-traitées)

- publication par les écoles, avec diffusion aux élèves et à leurs employeurs, de fiches suivant un format comparable à définir (avec l'APEC et/ou l'ANPE) concernant les métiers auxquels elles s'efforcent de préparer. Plus généralement, chaque établissement devrait effectuer une étude de marché[4] correspondant à ses spécificités, et préciser clairement son identité en positionnant son offre par rapport à ce marché et à ses évolutions prévisibles.

Plus généralement, les écoles devraient faire en sorte que :

- Des entreprises industrielles participent de manière organique dans la scolarité, interviennent dans la mise au point des programmes et la réalisation des enseignements, dans les jurys ainsi que dans le tutorat des élèves, notamment à travers les stages, la recherche concertée et la conduite d'un projet en entreprise.

- Chaque élève puisse avoir des contacts réguliers avec des entreprises, des organisations socio-professionnelles et des CCI afin de connaître la typologie des métiers et des profils souhaités ; ce dialogue continu tout au long de la scolarité aura pour objet de fournir des repères aux élèves pour qu'ils comprennent ce que leur apporte au plan professionnel la filière de formation dans laquelle ils se sont engagés.

- Un appui concret soit fourni aux élèves pour prospecter le marché et entrer en contact avec de futurs employeurs.

- Les contacts utiles soient facilités aux élèves intéressés par la création/transmission d’entreprises (relations avec des organismes spécialisés dans le capital-risque, recherche de parrainages, projets de recherche coopérative susceptibles de déboucher sur des créations d’entreprises). Les emplois d’ingénieurs ne sont en effet pas exclusivement salariés, l’ingénieur a également vocation à devenir lui-même un chef d’entreprise.

2. Au niveau du réseau

Le réseau des écoles adhérentes aurait à réaliser une analyse continue des compétences, des métiers et des emplois, ainsi qu'un suivi commun des diplômés et de leurs carrières. Pour ce faire ce réseau devrait se donner les moyens d'exploiter les résultats des études conduites par divers organismes spécialisés, et de réaliser lui-même certaines investigations complémentaires. Au cours de ces dernières années des efforts ont été faits pour améliorer l'information disponible sur le marché de l'emploi. On peut penser aux données produites par l'APEC qui décrivent la réalité instantanée de la demande, aux travaux du CEREQ sur l'insertion et sur les trajectoires professionnelles, aux efforts du CEFI pour dégager l'évolution de fond à partir des enquêtes de l'INSEE ainsi que d'enquêtes de terrain auprès des entreprises, et bien sûrs aux données sur l’insertion professionnelle des diplômés rassemblées et traitées par la Conférence des Grandes Ecoles.

Ces avancées souffrent de trois faiblesses auxquelles il est important de porter remède :

- une relative parcellisation des résultats, qui sont rarement rapprochés et mis en perspective ;

- une difficulté d'accès pour les écoles, qui sont dans les faits exclues de l'exploitation réfléchie de ces données ;

D'ores et déjà un accord est intervenu entre le CEFI et l'APEC sur les méthodes de suivi des trajectoires des cadres techniques, et il est convenu que la durée d'insertion pour le premier emploi (critère dépendant du marché) sera prise en compte ; ce travail doit être modulé sur 3 ans après l’obtention du diplôme. Par ailleurs l'APEC est également d'accord pour distinguer dans ses questionnaires emploi le cas des ingénieurs et cadres techniques par rapport aux autres diplômés de l'enseignement supérieur.

- une absence de débat assurant la confrontation des points de vue.

Il manque ainsi une bonne perception d'ensemble des problèmes posés d’une part, et d'autre part une sensibilisation des responsables de formation aux idées et formulations nouvelles.

Il est donc proposé de mettre en place un observatoire prospectif des métiers des cadres techniques qui associerait les producteurs d'études et de données (voir annexe 2).

Cet observatoire aurait pour première tâche de :

- constituer un point de convergence de tous les travaux d'études et de réflexion sur l'évolution des compétences, conduisant à des échanges de méthodologie et à des efforts de normalisation ;

- réaliser et diffuser des synthèses sur tous les sujets en rapport avec l'emploi (interprétation des séries statistiques longues, recueil et mise en perspective des messages instantanés sur le marché, prospective des nouveaux métiers) ;

- apporter une aide à tous les établissements désireux de conduire avec sérieux leurs propres investigations et d'en exploiter les résultats[5] ;

- animer un débat permanent sur les sujets avec tous les acteurs.

Par constitution, cet observatoire serait une structure ouverte, destinée à coaliser les efforts réalisés par les organismes publics, les associations d'ingénieurs, fédérations professionnelles et les CCI, fonctionnant dans un esprit de service à la fois en faveur des grands partenaires, et des établissements adhérents à la charte.

III.- RÉACTIVITÉ ET ADAPTABILITÉ DES FORMATIONS AUX EVOLUTIONS DES MÉTIERS ET DE L'EMPLOI

Au delà de l'obligation de moyen (bien connaître la demande des clients), s'impose également une obligation de résultat (s'y adapter).

A. LES DIFFÉRENTES RÉACTIVITÉS

Il y a eu consensus au sein de la Commission pour constater une différence de temporalité entre les écoles (qui ont un horizon à moyen et long terme) et les entreprises (qui sont prises par leurs besoins immédiats).

1. à moyen et long terme

Les méthodes prévisionnistes et adéquationnistes ont montré leurs limites ; la conjoncture actuelle offre une faible visibilité et il faut se garder de toute démarche mécaniste ; plus qu'une adéquation illusoire entre l'offre et la demande de formation, c'est une interaction qu'il faut rechercher. L'observatoire (voir supra II.2) pourrait mettre en place des panels "visionnaires", sélectionnés sur la base de méthodes nouvelles par opposition aux méthodes statistiques habituelles qui ne font que reproduire et extrapoler l'existant.

Les coopérations européennes et internationales sont utiles pour voir venir les évolutions du marché qui n'est plus limité à la France.

2. à court terme

Les fluctuations considérables de la demande ont montré ces dernières années combien il était aléatoire et dangereux de déterminer trop précisément les programmes de formation en fonction des besoins immédiats qui s'expriment sur le marché du travail. La perspective temporelle des entreprises est de plus en plus réduite, et elle n'ont pas une vision claire du cadre d'emploi.

Le défi de la réactivité à court terme porte donc beaucoup plus sur un aménagement adapté, voire personnalisé des formations (leur organisation et leur articulation avec une présence en entreprise) que sur leur contenu précis qui doit concilier harmonieusement l'acquisition de savoir-faire opérationnels avec la maîtrise de savoirs transposables à des situations par définition évolutives. Les discussions au sein de la Commission ont conduit à constater que l'offre de formation dominante était initiale et longue, alors que la demande croissante porte plus sur des formations continues et courtes[6], tout en sachant que les intéressés souhaitent bénéficier d'un niveau de diplôme équivalent à celui actuellement délivré en formation initiale. Le principal problème réside dans l'interruption de carrière fréquemment imposée aux stagiaires de la formation professionnelle par les modalités actuelles de la scolarité le plus souvent conçue pour des candidats issus des classes préparatoires, et destinés à consacrer 3 ans à temps plein à leurs études.

La Commission a donc d'une part fait réaliser une étude (voir annexe 3) recensant les exemples d'innovations mis en oeuvre par les écoles dépendant du Secrétariat d'Etat à l'Industrie, mais également par d'autres écoles d'ingénieurs, et portant en particulier sur leur capacité à :

- former de manière souple et modulaire, à offrir des parcours différés,

- à valider les compétences professionnelles dans ce contexte : aussi bien celles déjà acquises, que celles obtenues à travers la formation dispensée, l' accent étant mis sur les résultats plus que sur les programmes et les parcours de formation

- à mettre en oeuvre des solutions originales pour concilier la formation d'ingénieur avec l'exercice d'une activité professionnelle (soit en alternance, soit en formation professionnelle continue).

B. LES PROPOSITIONS D'ORIENTATION (voir annexe 4)

Ces propositions s'articulent autour de trois principes fondamentaux :

1. validation des acquis personnels et professionnels :

Certains candidats ont des acquis attestés ou non par des diplômes, il s'agit de les prendre pleinement en compte pour permettre à ceux qui ne sont pas issus des classes préparatoires de se qualifier comme ingénieur, en utilisant toutes les ressources offertes par la réglementation en vigueur (évaluation des savoirs en équivalences au niveau académique requis ; prise en compte des autres diplômes, validation des expériences professionnelles permettant de dispenser le stagiaire des enseignements correspondants et de réduire ainsi la durée de la formation théorique).

Ces propositions faites portent aussi bien sur l'admission que sur les modalités de vérification des connaissances acquises.

2. personnalisation du cursus :

Il est souhaitable d'offrir la possibilité de personnaliser les cursus suivant le profil de certains candidats, en particulier ceux qui ont eu, ou ont encore, une activité professionnelle. Au lieu d'imposer à tout le monde le même nombre d'heures de cours dans toutes les matières, il faut au contraire chercher le plus possible à adapter le contenu des formations aux acquis du candidat et raisonner plus en termes de résultats à atteindre et de compétences vérifiables que de cycles et de durées de formation.

3. définition d'un parcours minimal en commun :

La formation d'ingénieur ne peut se résumer à une addition de modules ou d'unités de valeurs ; un parcours minimal de formation conjointe s'impose à tous les élèves ou stagiaires pour leur faire acquérir une culture et une méthodologie communes. Ce parcours minimal, à définir entre les écoles, pondérera les formations scientifiques, technologiques et humaines afin de fournir aux élèves ou stagiaires des outils qui leur seront utiles pour longtemps (même si elle doit être actualisée en permanence). Une attention particulière sera portée dans ce parcours :

- au couplage école/entreprises, avec des mises en situation sous tutorat académique ;

- à la réalisation de travaux pratiques, qui servent à l'ancrage des connaissances ;

- au travail en équipe des étudiants, dans le cadre d'une pédagogie par projets.

En conclusion, pour ce qui relève des thèmes traités par la Commission N° 1, la charte devrait comporter des éléments essentiels aussi bien en termes d'orientations que de mesures d'accompagnement :

a) en termes d’orientations

* tenue à jour d'un ensemble d'indicateurs de progrès : la charte est ouverte, elle ne retient que de grands objectifs sans préconiser une méthode unique pour les atteindre, chaque école reste totalement libre de son projet pédagogique, mais un minimum d'informations sont fournies sur une base annuelle, et dans des formes permettant un suivi régulier des progrès accomplis ;

* attention particulière apportée aux besoins en compétences des entreprises, avec une reconnaissance de ces dernières comme acteur important de la formation d'ingénieur, et leur implication active dans la scolarité ; une organisation des études favorisant les contacts des élèves avec les milieux d'entreprises, et un appui concret aux élèves pour prospecter le marché du travail à la recherche de leurs futurs employeurs ;

* volonté d'ouverture sur l'extérieur et réactivité : les écoles décrivent les moyens qu'elles mettent en oeuvre pour y parvenir et les résultats quantitatifs et qualitatifs qu'elles atteignent en la matière.

b) en termes de mesures d'accompagnement

* recours à des procédures audit externe pour évaluer régulièrement les progrès accomplis par le réseau, mais aussi par chaque école, au regard des objectifs de la charte ; des chefs d'entreprises devraient autant que possible participer à ces audits ;

* partenariat de réseau : tout en étant pleinement conscientes de leurs différences, et soucieuses de préserver les diversités qui font leur richesse, les écoles adhérentes à la charte acceptent de mettre en commun les informations, expériences et bonnes pratiques permettant de se rapprocher des objectifs de la charte. Elle participent en particulier




1

D’autant plus qu’une partie des compétences ne peut s’acquérir et se consolider qu’en situation de travail au sein même des entreprises, et que ces dernières peuvent avoir des politiques très différentes, consistant à rechercher soit des candidats bien spécialisés et quasiment prêts à l’emploi, soit au contraire des candidats de formation plus générale qu’elles souhaiteront former elles-mêmes.

2On se reportera aux réflexions de la Commission N° 2 qui a analysé la complexité du rôle de l’élève, qui n’est pas seulement un «client», mais aussi un » fournisseur», et «le produit» de la formation.

3Dont l’acquisition de concepts fondamentaux, la maîtrise d’un certain nombre de méthodes, et plus largement la capacité des individus à assumer leur environnement, à communiquer avec des personnes de cultures différentes, et à travailler en équipe.

4 Sans perdre de vue les particularités et les limites du concept de marché appliqué aux écoles d'ingénieurs (voir supra I.1).

5Le cas échéant, les écoles pourront charger l'observatoire de réaliser pour leur compte les enquêtes visées en II.1 et II.2, ou de les compléter pour les cas où le taux de réponse atteint n'apparaîtrait pas comme suffisamment significatif.

6Des membres du groupe ont en particulier souligné que, dans le cadre de la formation professionnelle continue, des durées de plus de 1.000 heures se heurtaient à d’importantes difficultés de financement ; l’annexe 4 s’efforce d’apporter une réponse à ce problème complexe qui devra encore être approfondi