5 l'évolution dans le temps des installations nucléaires

L'évolution dans le temps des installations existantes et leur adaptation aux nouvelles exigences de sûreté sont un sujet de préoccupation de l'Autorité de sûreté. D'une manière générale, l'Autorité de sûreté s'assure que la sûreté des installations est maintenue en dépit de leur vieillissement, et que leur arrêt définitif est, s'il y a lieu, anticipé par les exploitants et décidé à bon escient. L:Autorité de sûreté s'assure également que les installations sont maintenues en conformité avec leur conception initiale ou sont modifiées chaque fois que nécessaire pour prendre en compte les exigences nouvelles de sûreté et les enseignements de l'exploitation passée.

Le vieillissement des installations nucléaires

Les installations nucléaires de base, comme toutes les installations industrielles, sont soumises au vieillissement : vieillissement des structures (bâtiments, circuits, composants métalliques) et des éléments de contrôle des procédés (contrôle-commande, actionneurs ). Dans le nucléaire, outre les aspects économiques qui sont du ressort de l'exploitant, le vieillissement peut affecter la sûreté de l'installation. Le contrôle exercé par l'Autorité de sûreté s'attache donc au maintien d'un bon niveau de sûreté de l'installation jusqu'à son arrêt définitif. Pour ce faire, trois types de mesures sont mises en œuvre : la prévention du vieillissement, le contrôle des installations en service, et la réparation en cas de besoin.

Au stade de la conception, les différentes parties de l'installation sont conçues pour être placées dans des conditions de fonctionnement qui n'altèrent pas significativement leurs fonctions ou leur résistance. Ceci se traduit par exemple par un choix des matériaux adapté aux conditions auxquelles ils vont être soumis (irradiation, milieu physico-chimique, pression, température 1 ) ou encore par une séparation adéquate des éléments sensibles de l'installation (isolation, cheminement des câbles, qualification des matériels électriques à des conditions d'ambiance spécifiques ). Cet ensemble de dispositions vise à prévenir les phénomènes de vieillissement.

Dans un certain nombre de cas, toutefois, les phénomènes endommageant les matériels ne peuvent être évités. C'est en particulier vrai pour les phénomènes d'irradiation inhérents aux installations nucléaires. Il convient alors d'adopter des dispositions de construction (matériaux peu sensibles, formes géométriques adaptées, protections ) ou d'exploitation (conditions de fonctionnement : chimie, température, pression pour limiter les effets du vieillissement.

Lorsque ces phénomènes sont identifiés à la conception, les démonstrations de sûreté doivent prendre en compte des caractéristiques dites " en fin de vie ". De plus. des éléments de surveillance sont mis en place pour vérifier avec une anticipation suffisante que les prévisions initiales restent valables au cours de la vie de l'installation. Bien entendu, ces efforts sont modulés en fonction de l'importance pour la sûreté des matériels concernés. Les cuves des réacteurs à eau sous pression font ainsi l'objet d'un programme de suivi de l'irradiation qui permet de vérifier le bien-fondé des hypothèses de fragilisation faites à la conception.

Par ailleurs, d'autres phénomènes de dégradation peuvent être mis au jour en cours d'exploitation. Les actions de surveillance périodique, la maintenance préventive, des programmes de plus grande ampleur comme les visites décennales ou l'examen de conformité mené dans le cadre de la réévaluation de sûreté, ou encore l'analyse des incidents d'exploitation sont autant d'occasions de détecter ces phénomènes.

Dans le cas des réacteurs à eau sous pression, l'incident du circuit RRA de Civaux 1 en mai 1998, huit mois après le premier chargement de ce réacteur, a été particulièrement marquant : il a montré que la notion de " vieillissement " était à prendre au sens large, car la défaillance observée a résulté d'un mode de dégradation qui n'avait pas été identifié à la conception du circuit.

D'une manière générale, la compréhension, l'évaluation de la cinétique et la surveillance des phénomènes de dégradation constituent un deuxième élément de maîtrise du vieillissement des installations, visant principalement à s'assurer que les installations ne sortent pas des hypothèses initiales de conception.

Enfin, un troisième élément de maîtrise du vieillissement est constitué par les possibilités de réparation, de remplacement ou de modification des éléments affectés. Dans le cas des installations de recherche (réacteurs expérimentaux, laboratoires), étant donné le caractère particulier de chaque installation, cette dernière solution est souvent privilégiée.

La disponibilité d'une solution palliative ne peut cependant constituer un élément favorable qu'à la condition qu'elle soit étudiée avec une anticipation suffisante. Une telle anticipation est nécessaire pour au moins deux raisons : les délais nécessaires pour disposer de composants identiques ou équivalents (dans le cas des remplacements) et la nécessité de préparation des interventions. Dans le cas des réacteurs à eau sous pression, la dégradation des silent-blocs supportant les armoires de relayage (qui font le lien entre les actions demandées par les opérateurs en salle de commande et les circuits réels) a récemment mis en évidence que des difficultés peuvent également résulter de la défaillance d'un composant banal, facile à remplacer à l'unité, mais présent en très grand nombre et difficile à remplacer à une échelle industrielle sur des installations en fonctionnement ; dans ce cas particulier, une solution alternative (rigidification des châssis) a dû être mise en œuvre.

En l'absence d'anticipation, tant l'exploitant que l'Autorité de sûreté risquent de se trouver confrontés à une alternative entre le fonctionnement dans des conditions dégradées pour la sûreté ou un arrêt de durée non maîtrisable. Une telle alternative serait encore plus aiguë dans le cas des réacteurs électronucléaires vu l'effet de standardisation du parc ou dans le cas d'une installation qui constitue un maillon sans équivalent de la chaîne du combustible

Cependant, certains composants peuvent s'avérer non remplaçables, ou difficilement réparables. Dans ce cas, le vieillissement de ces composants conditionne la durée de vie technique de l'installation. C'est le cas, pour les réacteurs à eau sous pression et dans l'état actuel des connaissances, de l'enceinte de confinement du bâtiment réacteur et de la cuve du circuit primaire. Pour cette dernière, un premier dossier de synthèse a été fourni par EDF à l'Autorité de sûreté en janvier 1998. L'instruction qui a suivi a montré que des compléments étaient nécessaires avant que l'Autorité de sûreté ne fasse connaître sa position sur la durée de vie des cuves du parc des réacteurs de 900 MWe.

En ce qui concerne les enceintes de confinement, les épreuves de mise en pression réalisées sur les enceintes de Flamanville et Cattenom en 1997 et 1998 ont mis en évidence un phénomène de vieillissement accéléré par rapport aux anticipations d'EDF Ce phénomène se traduit notamment par l'apparition d'un réseau de fissures au niveau de points singuliers de l'enceinte comme le tampon matériel. Il est susceptible d'affecter d'autres enceintes des paliers 1300 et 1450 MWe, qui sont d'une conception différente des premiers réacteurs mis en exploitation. Une surveillance renforcée des enceintes les plus sensibles a été mise en place et la DSIN a été conduite en 1998, à titre préventif, à mettre en demeure le site de Belleville de réparer l'enceinte interne de ses deux réacteurs avant fin 1999, afin d'en améliorer l'étanchéité. Cette situation a amené EDF en 1998 à tester et à mettre en œuvre différents procédés de réparation sur des enceintes dont le taux de fuite en épreuve s'était dégradé.

La DSIN attachera la plus grande importance en 1999 à ce sujet qu'elle considère comme majeur, notamment en ce qui concerne le suivi des réparations, l'approfondissement des connaissances sur ces dégradations et la stratégie de traitement à long terme des enceintes.

Les réévaluations de sûreté

Les réévaluations de sûreté sont l'occasion de réexaminer la sûreté globale des installations, en prenant en compte les effets du temps sur les installations, ainsi que les évolutions dans la connaissance ou la perception des problèmes de sûreté

A la demande de l'Autorité de sûreté, une réévaluation de sûreté a été engagée en 1988,sur les réacteurs a eau sous pression de 900 MWe les plus anciens (palier CPO), puis en 1993 sur ceux du palier CPY. Cette opération est en cours d'achèvement et s'accompagne d'une vérification de la conformité des réacteurs à leur conception et à leur réalisation initiale. Des modifications visant à une mise à niveau, en termes de sûreté, par rapport aux réacteurs plus récents sur la base des études de réévaluation seront mises en œuvre successivement sur chaque réacteur lors des deuxièmes visites décennales qui ont débuté en 1998.

Par ailleurs, en 1998, l'Autorité de sûreté a poursuivi la réévaluation de sûreté des réacteurs du palier 1300 MWe engagée en 1997.

Comme les réacteurs à eau sous pression, les installations du cycle du combustible, les laboratoires et les réacteurs de recherche font l'objet de réévaluations de sûreté. Ainsi, un processus de ce type est en cours pour l'usine d'Eurodif du Tricastin; un avis du Groupe permanent chargé des usines sera sollicité sur les résultats de celui-ci en 1999. La DSIN souhaite éviter l'utilisation des plus anciennes de ces installations dont le cadre réglementaire et technique d'autorisation est moins strict. Par ailleurs, l'adaptation aux nouvelles exigences de sûreté de ces installations n'est pas toujours possible. Dans ce cas, l'Autorité de sûreté s'assure que l'arrêt définitif de ces installations est anticipé à bon escient par les exploitants. Les réévaluations de sûreté, notamment vis-à-vis du risque sismique, ont ainsi conduit la DSIN à demander à COGEMA de programmer peu après l'an 2000 l'arrêt de l'atelier ATPu situé à Cadarache, et de réduire la puissance thermique entreposée dans la piscine NPH de La Hague par rapport à celle prévue lors de la conception initiale.