Article paru dans la revue CADRE Industrie 1998


LA MÉTROLOGIE LÉGALE


La métrologie légale est une des activités du Secrétariat d'Etat à l'Industrie qui a le plus évolué dans les vingt dernières années, sous plusieurs pressions :

Au début des années 70, la métrologie légale consistait à réglementer et contrôler quelques catégories d'instruments de mesure, essentiellement poids et mesures de capacité, balances et bascules, compteurs d'hydrocarbures, citernes de stockage et de transport, compteurs de gaz, taximètres. Le contrôle était effectué par des agents de l'Etat selon un schéma traditionnel et séculaire : approbation de modèle, vérification primitive (contrôle par des agents de l'Etat en fin de production), vérification périodique (effectuée annuellement par des agents de l'Etat sous forme de tournées systématiques). Au début des années 70, la métrologie légale représentait environ 700 agents répartis sur tout le territoire, dans le Service des Instruments de Mesure (SIM).

Des mutations successives ont profondément modifié le visage de la métrologie légale, mission qui est aujourd'hui menée par la Direction de l'Action Régionale et de la Petite et Moyenne Industrie (Sous-direction de la métrologie) et les Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement, qui ont intégré en leur sein depuis 1984 l'ancien Service des Instruments de Mesure.
 

Le développement des besoins

De nouveaux domaines de mesure ont nécessité l'intervention de l'Etat afin d'apporter un niveau de confiance suffisant dans les résultats de mesurage. Ainsi depuis le milieu des années 70 la métrologie légale a-t-elle élargi son champ à des mesurages dans de nouveaux domaines, par exemple :


 

Le développement des références

Par le passé, les références nationales étaient conservées et organisées au hasard des missions de quelques laboratoires. Alors que les autres pays industrialisés avaient depuis la fin du siècle dernier mis en place des instituts nationaux destinés à conserver et améliorer les étalons de mesure nationaux, la France n'avait pas organisé cette mission, comptant sur la présence en France du Bureau International des Poids et Mesures, organisme international détenant les étalons internationaux. Dans les années 60, le Bureau National de Métrologie (BNM) fut créé et, en liaison étroite avec le Service des Instruments de Mesure, commença à structurer la métrologie "amont" et à développer ou améliorer les références nationales dont l'industrie a besoin.

Tous les contrôles réglementaires qui auparavant se référaient aux étalons du SIM, sont aujourd'hui raccordés aux étalons nationaux gérés par le BNM, selon les procédures internationalement reconnues de l'accréditation. Les activités d'étalonnage antérieurement exercées par les bureaux départementaux du SIM reviennent désormais aux laboratoires extérieurs accrédités.
 

Les nouvelles technologies

Les instruments de mesure, qui étaient auparavant basés sur des systèmes de leviers, de ressorts, d'engrenages, de cames, sont devenus électroniques, puis se sont informatisés. Les capteurs ont allié les savoir-faire traditionnels (turbines, barreaux élastiques) à un traitement électronique (extensométrie, etc.), ont parfois été remplacés par de nouveaux principes de mesure (propagation d'ondes ultrasonores, capteurs piézo-électriques, écoulements ultrasoniques, etc.) et les nouveaux domaines de la métrologie légale ont été fondés sur la diffusion au niveau du grand public de nouvelles technologies (absorption de rayonnements, effet doppler, etc.).

Le développement de la micro-informatique a permis aux instruments de présenter de nombreuses nouvelles fonctions, et de nouveaux problèmes pour le législateur (fiabilité des instruments, perturbations, protection des données, fraudes nouvelles). Les compétences techniques des agents de la métrologie légale ont dû s'adapter à ces évolutions technologiques.
 

Les techniques statistiques et la Qualité

Les métiers de l'administration, dans le domaine de la métrologie légale, ont été très profondément modifiés par l'utilisation des techniques statistiques et de la qualité.

Les contrôles unitaires effectués par les agents de l'Etat ont, dès la fin des années 70, fait une large place aux techniques de contrôle statistique déjà utilisées dans l'industrie. Par cette évolution, les agents de l'Etat chargés du contrôle des instruments de mesure ont vu leur compétence et leur culture se rapprocher de la compétence et de la culture industrielles modernes. L'industrie de la mesure était passée du stade artisanal au stade industriel, et l'administration a connu une mutation parallèle. La très forte culture régalienne et réglementaire des agents de la métrologie légale a su s'approprier ces outils et cette culture industrielle pour les mettre au service de la garantie publique tout en développant des relations de collaboration avec l'industrie.

Vers la fin des années 70, lorsque l'Etat a décidé de promouvoir la qualité dans l'industrie, c'est à partir des compétences d'agents de la métrologie légale que le SQUALPI (à l'origine "Service de la Qualité des Produits Industriels") a été formé. La Qualité et la métrologie légale ont pendant un temps suivi des chemins séparés, mais la métrologie légale a procédé à un rapprochement nécessaire dans les années 80.  De façon expérimentale dès 1983, puis de façon formelle depuis 1988, les contrôles réglementaires de métrologie légale ont intégré les outils essentiels de la Qualité, et notamment l'assurance de la qualité, anticipant de plusieurs années les évolutions européennes de la "nouvelle approche" et de "l'approche globale".
 

L'évolution du rôle de l'Etat

L'utilisation des techniques de la qualité dans les contrôles réglementaires a modifié le métier de la métrologie légale, et a progressivement opéré une mutation du rôle de l'Etat dans ce domaine. La confiance dans les instruments de mesure résulte non plus comme auparavant de contrôles d'instruments effectués par des agents de l'Etat, mais de plus en plus de la démonstration du bon travail des fabricants, des réparateurs et des installateurs d'instruments, et de la démonstration par les détenteurs que leurs instruments ont été correctement vérifiés. De ce fait le rôle de l'Etat n'est plus d'effectuer des contrôles d'instruments, mais :

C'est dans cette voie que s'est engagée la réforme de la réglementation en 1988, et que se poursuit l'évolution de la métrologie légale. Ceci implique la mise en place d'organismes experts dont la mission sera d'apporter aux industriels et aux détenteurs d'instruments les preuves de conformité réglementaire requises. Les évolutions de la réglementation européenne placeront  d'ailleurs bientôt ces organismes en concurrence avec d'autres organismes de l'Union européenne. Mais au delà de cette mission ces organismes devront consolider et développer la compétence en métrologie, pour la diffuser et la mettre au service de l'industrie, du public et des administrations.

L'importance du rôle de l'Etat n'en sera pas amoindrie pour autant, car il restera essentiel d'assurer une maîtrise de l'ensemble du dispositif, et les cinq composantes énumérées plus haut devront assurer une meilleure qualité d'ensemble de la métrologie légale.
 

Vers une action globale en métrologie

Le Ministre a annoncé en octobre 1997, au Congrès International de Métrologie tenu à Besançon, une action forte et une réforme ambitieuse de la métrologie française. Les enjeux de la métrologie sont en effet considérables pour la compétitivité des industries, pour le développement des technologies clés, aussi bien que pour la mise en œuvre de politiques de protection de la sécurité, de la santé ou de l'environnement.

Les évolutions techniques de la métrologie légale ont permis à la DARPMI et aux DRIRE de rassembler les compétences techniques nécessaires pour animer une telle politique. La mise en place de pôles forts en matière de métrologie légale et industrielle, au service du développement de la métrologie dans l'industrie, la maîtrise d'outils de la qualité tels que l'assurance de la qualité et la certification, la capacité d'animation du tissu industriel qui est celle des DRIRE, la pratique interministérielle dans l'activité de la DARPMI et des DRIRE, sont des éléments clés de la réussite d'une telle réforme.

L'action de la DARPMI, qui assure la tutelle du Bureau National de Métrologie, et, avec les DRIRE,  la mission de métrologie légale, sera une action globale, qui aura pour objectif de fédérer les actions des différents ministères en métrologie scientifique, industrielle et légale, de développer la connaissance de la métrologie et son appropriation par tous les opérateurs économiques et par le public, et d'intégrer la métrologie légale dans cet ensemble.
 
 

J.F. MAGANA
Sous-directeur de la métrologie,
Membre du Comité International de Métrologie Légale

22, rue Monge, 75005 PARIS
Tél. : 01 43 19 51 40
Fax : 01 43 19 51 36
E-Mail : jean-francois.magana@industrie.gouv.fr