Un lieu de création de richesses

Puisque business il y a sur les autoroutes de l’information, qui est concerné ? Beaucoup de monde. Il y a ceux qui gèrent les réseaux, ceux qui s’occupent des aiguillages, ceux qui fabriquent des terminaux et ceux qui font rouler les informations, sans oublier ceux qui sont au bout de l’autoroute, c’est-à-dire assis derrière un terminal. Pour la plupart d’entre eux, le rythme effréné de l’innovation technique signifie vigilance, précarité, adaptation.

Le réseau, d’une certaine façon, est déjà là. Les grandes métropoles sont reliées par des artères de fibre optique dont la capacité est en proportion des débits attendus. Le problème des exploitants de télécommunications est ailleurs : dans la baisse persistante des coûts de transmission, accélérée par la concurrence. Il n’y a plus beaucoup d’argent à gagner dans le métier de transporteur d’information, et il faut aller chercher dans les services les marges que ne dégagent plus les infrastructures.

C’est d’autant plus difficile que nos grandes entreprises de téléphone sont de moins en moins seules. Les câblo-opérateurs ne sont pas forcément prêts à transformer en autoroutes les chemins vicinaux qui aboutissent aux domiciles des particuliers, mais ils entendent au moins leur offrir une gamme étendue de prestations. Et dans le ciel, toutes sortes d’investisseurs s’engagent dans une course au gigantisme pour faire tourner de plus en plus bas des satellites de plus en plus nombreux qui feront la prochaine génération d’autoroutes.

Les grandes entreprises du logiciel vont bien, merci. Elles ne sont que deux en course à l’heure actuelle pour fournir des navigateurs sur Internet. Plus encore : bien qu’en informatique, au contraire de la fable, le lièvre soit rarement rattrapé par ses poursuivants, cette fois on se demande même si le petit tôt parti ne sera pas mangé par le gros un peu tard réveillé.

L’incertitude règle, en revanche, dans le monde des terminaux. On a cessé de croire qu’on objet futuriste unique, hybride d’ordinateur, de téléphone, et de télévision, finirait par prendre place dans tous les foyers. On s’attend plutôt à voir des objets variés dans les diverses pièces de la maison, et nul ne se hasarde encore à dire qu’elle place échoira à l’ordinateur de réseau, à la télévision améliorée ou au super-minitel. Les constructeurs parient gros, et donc les perdants perdront gros.

Et derrière les terminaux ? Dans les entreprises, chacun part en chasse d’information sur la toile planétaire. Cette quête virtuelle est inégalement récompensée. Parfois, elle se paye au prix fort d’une vision du monde quelque peu tronquée, mais on ne peut plus guère se passer de l’information que ramènent les moteurs. Il faut apprendre aussi à la partager, ce qui ne va pas sans frustration ni conflit.

Ah, on allait oublier, il y aura des perdants. Il ne fait pas bon être petit éditeur de logiciels par les temps qui courent. Quant aux intermédiaires commerciaux, ils doivent se préparer à des lendemains douloureux : pourquoi des entreprises de messagerie ou de télécommunications ne vendraient-elles pas des voitures ou des machines à laver ?

Enfin, une chose au moins est certaine : nous avons devant nous quelques années de destruction créatrice.