[ Yolin | 2003 | Sommaire ]

7.1.2.12.3 les dérives du système, la vague de mars 2000 et le creux de 2001 : le e-krach

Le schéma analysé ci-dessus ne fonctionne, bien entendu, que tant les investisseurs se limitent aux personnes compétentes, capables d'évaluer, au moins statistiquement une valeur actualisée d'une entreprise, ce qui n'a visiblement plus été le cas quand l'intensité de l'éclat du pactole a attiré de nombreux investisseurs fortunés mais moins expérimentés à partir de 1999...

Particuliers investissant sur la base de rumeurs mélées d'extrapolations, financiers qui s'appuient sur des ratios sans rien comprendre au buisiness model lui même, ou spéculateurs conscients de l'ineptie du phénomène mais pensant qu'ils apercevrons les signes précurseurs avant les autres et prendront leurs bénéfices avant le krach ont été les acteurs d'un phénomènes d'emballement, nécessairement suivis d'un réajustements drastique, ce qui ne démontre rien d'autre que la nécessité d'un vrai professionalisme du côté des investisseurs

Il est pittoresque de lire sous la plume d'un expert (sans même être certain que cette remarque ait été formulée au second degré) "l'avenir est aujourd'hui beaucoup moins lisible que l'an dernier"!!. Rappelons qu'un an auparavant nous étions à la veille du krach...

Comme nous le verrons plus loin,

Il faut surtout avoir une solide expérience professionnelle dans le secteur, connaître le marché, avoir un carnet d'adresse pour pouvoir compléter une équipe de manager, trouver des clients et apporter une crédibilité vis à vis des apporteurs de capitaux du tour de table

L'histoire du taux du clic

Devant des nouvelles entreprises, visant de nouveaux marchés avec de nouvelles technologies, de nouveaux véhicules financiers, de nouveaux rythmes dans les prises de décision, de nouveaux processus d'investissement et des plues-values se chiffrant en milliards de $ en quelques mois, bien des investisseurs ont perdu leurs repères.

Ne voulant néanmoins pas rater leur chance dans cet Eldorado, et pour se faire une idée malgré tout de la valeur d'une entreprise, renonçant à comprendre son modèle économique, ils ont essayé de la réduire à quelques ratios pour conforter intellectuellement la rationalité de leurs décisions

Ont alors fleuri quelques concepts de "chiffres significatifs" pour permettre des comparaisons entre entreprises: les plus courrant d'entre eux ont été "le nombre de clic" ou celui des "visiteurs"

Quand l'investisseur voulait estimer de façon "rationnelle" la valeur d'une start-up, il regardait la capitalisation boursière d'une entreprise appartenant au même secteur ayant réussi son entrée au Nasdaq, il la divisait par le "nombre de clic" revendiqué ce qui lui permettait de calculer le "taux du clic", et par une règle de 3 il en déterminait la valeur de la start-up....!!

Ce système, largement répandu au niveau des financiers, a évidemment très rapidement conduit à des comportements pervers:

Le véritable "client" du créateur d'entreprise n'était plus alors l'utilisateur de ses services mais l'investisseur naïf, et les fonds levés n'étaient plus utilisés à développer l'entreprise (soit pour la rendre rentable, soit pour développer une technologie vendable) mais pour "gonfler" l'indicateur servant à justifier sa valorisation. C'est ainsi que l'on a vu fleurir des campagnes de publicité télévisées d'une ampleur sans précédent, et d'une utilité économique peu évidente pour l'entreprise

Bien entendu le comportement panurgique de ces investisseurs, focalisés uniquement sur les ratios et sur les espérances de jackpot à la bourse ont entrainé une fuite en avant qui a connu son apogée en mars 2000 : ce phénomène a été remarquablement décrit par le site http://www.kasskooye.net/ qui vous fournissait en quelques minutes une caricature de business plan capable de séduire les investisseur comme les hameçons même dépourvus d'appat lancé à des truites d'élevage affamées

Une remarquable analyse au second degré des Echos, début 2000 mettait le doigt sur l'absurdité de cette approche: pour la mise en bourse d'une filiale de Vivendi, les investisseurs avouaient ne plus à quel saint se vouer car celle-ci pouvait ressortir de 2 secteurs différents ... or la valeur du "taux de clic" différait selon l'analogie retenue d'un facteur de 1 à 10 : quelle était alors la "véritable" valeur de l'entreprise?!

Ce phénomène est de plus amplifié, comme souvent à la bourse, par des spécialistes du "jeu du mistigri" qui jouent sur leur capacité à trouver un investisseur crédule à qui revendre leur investissement avant dégonflement de la baudruche

Ces chasseurs de pigeon surfent de vague en vague suivant les modes générées par les "prophétie de gourou" (comme disent aujourd'hui les mauvaises langues, "un gourou, c'est un maitre reconnu dans l'art de se gourer")

Ce type d'investisseur, recherchant uniquement la plus-value à court terme ne raisonne absolument plus en fonction de la "valeur économique " de l'entreprise, mais du prix qu'il estime pouvoir revendre ses actions (parfois dans la journée même), or ce prix, purement spéculatif, dépend de la position des autres spéculateurs: la décision d'achat ou de vente dépend alors "de ce que je pense que tu pense que je pense...": elle crée donc des phénomènes panurgiques que cette "dynamique des foules" qui plus est au niveau mondia, rend extrêmement amples et instables.

Les vagues spéculatives se jettant successivement sur les business models vedettes du moment (B to C, Portails, B to Be, achats groupés, ventes aux enchères, Market Places, technologies optiques, téléphonie de 3ème génération,...) ont culminé en se superposant dans le gigantesque Tsunami de mars 2000: Le second semestre 1999 et le premier trimestre 2000 ont vu un vent de folie s'emparer des bourses avec des valorisation multipliées couramment par 10 sur moins d'un an.

Pour rester dans l'allégorie automobile pour le spéculateur s'agit de foncer le plus rapidement possible dans le brouillard vers un mur dont on connaît l'existence mais pas la position : le gagnant est celui qui s'éjecte le plus tard possible.... Avant le choc

Il ne faudrait pas pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain et considérer comme sans importance les technologies ainsi portées au pinacle pour être le lendemain vouées aux gémonies. Il faut simplement prendre conscience qu'une entreprise exploitant une excellente idée n'est pas forcément une excellente entreprise et qu'il y a rarement place pour plusieurs gagnants

Par ailleurs s'il y a eu des créateurs d'entreprises qui ont sciemment abusé de la naveté des investisseurs, ce n'est pas la majorité : la plupart de ceux qui ont échoué, et les financiers qui les ont accompagné ont droit à notre reconnaissance car ils ont fait emerger de nouvelles idées, ont forgé de nouvelles compétences et ont permi l'éclosion d'une génération d'entrepreneurs dont tout laisse penser qu'ils seront capables de se lancer dans de nouvelles aventures, armés de leur première expérience. Il s'agit donc là d'une vraie richesse créée pour la société (aurait on été si vite sans ce "grain de folie"?)

En outre les technologies de l'Internet elles-même ont une part de responsabilité dans la brutalité de ces évolutions: elles permettent en effet

Ce qui a conduit à accroitre l'ampleur des variations boursières et à en accélérer les rythmes (9 des 10 plus fortes augmentations journalières du Nasdaq ont eu lieu dans les 12 mois ... qui ont représenté sa plus forte baisse historique!!!)

Pour autant si les "pigeons plumés" peuvent avoir naturellement tendance à passer d'un excès d'attrait à un excès de méfiance vis à vis de ce type d'investissement, la plupart des professionnels de ce marché ont commencé par se réjouir de ce coup de tabac qui a dans un premier temps permis d'assainir la cote (Ils ont d'ailleurs fait remarquer qu'une entreprise qui a perdu les 90 de sa valeur en 1 an, mais qui l'avait multipliée par 20 dans les 2 année précédente réalise encore sur la distance une belle plus-value pour ses actionnaires (Cisco après Krach de 2001 réalise encore une plue-value de 60.000% depuis son introduction en Bourse en 1990)

Néanmoins, comme on pouvait s'y attendre il est rare qu'une situation équilibrée succède à des excès extrêmes vers le haut (perte de confiance des investisseurs, assèchement de fonds ruinés par la spéculation, fuite de ceux qui se sont brulé les ailes et se sont rendu comptes que l'on ne pouvait réussir sur longue période sans compétence, ... le tout entrainant une spéculation à la baisse de ceux que l'on appelle les nouveaux VC "Vulture Capital" (Capital Vautour), succédant au Venture Capital (Capital Risque).

"à la hausse comme à la baisse, les excès des bourses s'inscrivent dans la démesure de la rupture technologique en cours" Fabrice Moullé-Berteaux, JP Morgan, les Echos

On peut seulement regretter que quelques projets interessants"qui ont vu leurs réacteurs coupés pendant la phase de décollage" se soient injustement écrasés: (certains apporteurs de capitaux, pris de panique n'ont pas tenu leurs engagements d'apport de capitaux. Dans certains cas la situation est d'autant plus choquante que ce sont ces mêmes apporteurs de capitaux qui avaient mis comme condition à leur intervention un développement internationnal immédiat et un plan de communication beaucoup plus ambitieux que proposé par la start-up...

Gageons que leurs animateurs sauront rebondir même si les rêve d'une richesse immense et soudaine se sont durablement estompés

2001-2002 sont donc en matière de création de start-up les années de creux de la vague :Si cela n'empêche nullement les grandes entreprises de se transformer profondément à partir des concepts et des technologies développées ces dernières années il n'est guère possible aujourd'hui d'appréhender les conséquences du e-krach sur le rythme d'émergence de nouveaux entrepreneurs et de nouvelles idées

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(Last update : Fri, 9 Feb 2007)