(Last update : Wed, Sep 1, 2010)
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Première partie : Le service public reste l'alibi de multiples dérives

Une telle appréciation ne va pas de soi. Le service public apparaît aujourd'hui à beaucoup comme un concept historiquement daté dont la réalité n'aurait plus rien à voir avec les valeurs qu'il est censé incarner. Il importe donc de redonner un sens à la notion de service public, avant de montrer qu'elle correspond parfaitement aux nécessités de notre époque. En d'autres termes, le service public est devenu un "pavillon de complaisance" légitimant des pratiques sans rapport avec cette notion.

1. Un concept chargé d'ambiguïtés

L'appréhension de la notion de service public oscille entre deux écueils. celui, tout d'abord d'une vision excessivement étatiste et monopolistique et celui, ensuite, d'une conception "misérabiliste", avec le "service universel" communautaire ou les réformes intervenues au Royaume Uni.

A. Le service public n'est pas et ne doit pas être la "caution" d'une conception figée de la société

L'histoire, et certaines dérives, expliquent que service public puisse parfois rimer avec une vision "administrative", pour ne pas dire bureaucratique, de la société. Tel n'est pourtant pas le contenu réel de ce concept, même si certaines dérives peuvent parfois justifier une telle image.

Le nouveau directeur de l'Opéra-Bastille constatait ainsi récemment (Télérama n°2382 du 6 septembre 1995) que l'"Opéra de Paris est une entreprise publique typiquement française, comme la S.N.C.F. Il est plus difficile de la réformer que le secteur privé, où les contraintes économiques commandent des comportements plus réalistes". Il regrettait que "l'idée de pacte social (y) soit rarement acquise, jugeant que "la grève n'a de justification que lorsque le dialogue est épuisé, ce qui est très rarement le cas".

1) Une origine marquée par le rôle éminent de l'Etat

Il n'y a là rien de très étonnant. La notion de service public s'est développée dans un contexte marqué par le rôle éminent d'un Etat très centralisé. L'un des critères juridiques traditionnels de la notion de service public n'est il pas le recours à des "prérogatives de puissance publique" ? Pour bien marquer leur spécificité, ces questions relèvent d'un droit et d'un ordre de juridiction spécifiques. Au plan juridique, il s'agit d'ailleurs très largement d'une création jurisprudentielle du Conseil d'Etat. Or, le droit anglo saxon ne connaît pas ce dualisme juridictionnel. Autre spécificité française, l'Etat joue un rôle central dans la conception et la gestion des services publics.

Les services publics se sont aussi beaucoup développés avec ce que l'on a appelé "le socialisme municipal", mais les nationalisations intervenues au moment de la Libération ont définitivement renforcé une conception "nationale" et monopolistique du service public. Un service public local par nature, comme la R.A.T.P., est ainsi une entreprise "nationale" !

Alors même que la théorie juridique et la pratique ont admis d'autres types de missions de service public, éventuellement remplies par des personnes privées, l'idée reste profondément ancrée d'une série d'assimilations: service public = entreprise publique = monopole = personnel à statut spécifique = déficit. Or, ces amalgames sont soit injustes, soit la description d'une imposture qu'il convient de dénoncer.

2) Entreprise publique et service public: une assimilation dépassée

Lors de la campagne pour le deuxième tour de l'élection présidentielle, un débat significatif avait eu lieu entre les deux candidats sur ce point.

" Jacques Chirac : Juste un mot. Je partage entièrement votre sentiment. Nous n'avons pas sur ce point une conception différente. Je n'ai jamais imaginé qu'on allait privatiser La Poste. Je suis aussi pour la préservation des services publics notamment vis-à- vis...

Lionel Jospin : Vous êtes quand même pour la privatisation de l'Aérospatiale.

Jacques Chirac : Cela n'a rien à voir avec un service public.

Lionel Jospin : C'est une entreprise publique. Précisons le. Je dis service public et entreprises publique.

Jacques Chirac : Le service public est quelque chose que nous devons préserver notamment vis-à-vis de Bruxelles, compte tenu de ce qui a été lancé en particulier par M. Delors.

Lionel Jospin : [...] Entreprise publique, service public, tout cela ne se distingue pas à ce point. Je n'irai pas dans ce sens, je le marque très clairement".(1)

En poussant cette assimilation jusqu'à l'absurde, on arriverait à estimer qu'avant qu'elle ne soit privatisée, la SEITA était un service public.

Plus grave, on ne distinguerait plus au sein d'une entreprise publique ce qui relève d'une mission de service public, par exemple le transport régional pour la S.N.C.F. ou certaines liaisons déficitaires pour Air Inter de ce qui n'en relève pas, comme l'exploitation du T.G.V. ou la liaison aérienne Paris-Nice. De même certaines liaisons interurbaines par autobus peuvent relever du service public (transports scolaires, désenclavement de certaines parties d'un département) et être gérées par des personnes privées.

Assimiler entreprise publique et mission de service public, c'est également méconnaître qu'une mission de service public identique peu être assumée par une entreprise publique et une entreprise privée. La liaison aérienne entre Agen et Paris est ainsi assurée par Air Littoral, entreprise privée. Quelle différence de nature pourrait-il bien y avoir avec une liaison intéressant l'aménagement du territoire assurée par Air Inter ?

Il convient donc de privatiser rapidement toute entreprise publique qui relève du secteur concurrentiel et dont le statut public n'est pas indispensable à l'exercice d'une mission de service public.

3) Service public et statut spécifique: une liaison non

Là encore, la liaison n'est pas évidente et je crains de ne pas rejoindre, sur ce point, le Conseil d'Etat selon lequel "Si opportun qu'il puisse apparaître, pour définir le statut du travail au sein des services publics, de dépasser l'opposition privé-public il convient de ne pas omettre de tenir compte dans la détermination de ce statut des contraintes déontologiques particulières dont la notion de service public implique le respect par ces personnels et des compensations, en terme de rémunération de stabilité de l'emploi et de développement de carrière qui devraient y être liées"(2).

Valable pour des services publics régaliens comme la gendarmerie ou la police, une telle conception ne va pas de soi pour les télécommunications, par exemple.

Je ne nie pas qu'il y ait ici ou là des contraintes spécifiques, en matière de continuité de service notamment, mais elles existent également dans le secteur privé et méritent, dans les deux cas, compensation. Le fait que dans de nombreux pays étrangers, tel ou tel service public soit assuré par des personnels assujettis au droit commun, montre bien qu'il n'y a là rien de "naturel" ou d'obligatoire. Force est, en outre, de reconnaître que ces statuts spécifiques ont souvent conduit à un corporatisme paralysant.

Je rappellerai enfin que, contrairement à une croyance largement répandue, il n'y a que peu de services publics à caractère industriel dont les agents bénéficient du statut de la Fonction publique. Ce n'est ainsi pas le cas d'E.D.F. ou de la S.N.C.F., même si les statuts de leur personnel en sont proches à bien des égards.

Mon propos n'est pas de remettre en cause certains avantages acquis, mais simplement de souligner qu'il ne s'agit pas là de l'un des traits constitutifs du service public. On touche là l'une des ambiguïtés les plus nuisibles au service public. Par cette notion, les personnels entendent généralement le maintien du statut, en en refusant parfois les contreparties, c'est-à-dire le service du public. Ainsi, modifier la loi de 1946 sur E.D.F., même sur des points mineurs, serait remettre en cause un service public entendu comme la simple garantie d'avantages corporatistes.

Il appartient en revanche à l'Etat d'assumer, s'il l'estime utile, le financement d'avantages catégoriels, ainsi un âge de la retraite privilégié, comme c'est d'ailleurs déjà partiellement le cas a la S.N.C.F. : un "fonds" spécial pourrait être créé à cette fin.

De même, le maintien des obligations de service public assumées actuellement par France-Télécom ne passe pas nécessairement par le maintien du statut de fonctionnaire du personnel. Il s'agit de questions indépendantes l'une de l'autre.

Pour autant, lors du changement de statut de France- Télécom, rien n'interdirait à l'Etat de maintenir le statut actuel du personnel, sous réserve d'assumer les charges supplémentaires qui en résulteraient en matière de retraite (3), et pour autant qu'il n'y ait pas d'incompatibilité économique avec le mode de fonctionnement d'une entreprise privatisée, même partiellement...

De la même façon, il ne faut pas confondre service public et statut juridique de l'entreprise. Cette assimilation confond la fin et les moyens.

4) Un service public n'est pas nécessairement monopolistique et déficitaire

Cette assimilation est en partie liée à l'histoire.

En premier lieu, la défense des intérêts statutaires du personnel est supposée mieux assurée par l'Etat que par des collectivités territoriales et, a fortiori des personnes privées. La R.A.T.P., ou l'enseignement fournissent deux bons exemples de ce type de préoccupations. En second lieu, l'Etat a voulu maintenir un contrôle étroit sur certains secteurs. Ce fut ainsi très longtemps le cas des télécommunications, de la radio et de la télévision.

On a également voulu tirer des leçons définitives des nationalisations de la Libération, il y a plus de cinquante ans, alors qu'elles obéissaient soit à une logique de sanction des collaborateurs ainsi Renault, soit à une logique d'urgence dans un pays dévasté par la guerre, dans le cadre d'une économie fermée Ce n'est à l'évidence plus le cas aujourd'hui.

Le cas de l'eau montre qu'un service public peut être assuré par des personnes de droit privé, dans un cadre non monopolistique. Le secteur de l'eau, caractérisé par la domination de la Générale des eaux, incarne ce que Christian Stoffaës appelle le deuxième modèle Français, c'est-à-dire le régime de gestion déléguée des services publics. Plus proche de nos partenaires européens, ce système s'en distingue cependant par son caractère oligopolistique et sa dimension nationale.

Par contre, la télévision et la radio publiques, immergées dans un environnement totalement concurrentiels, ne constituent pas des services publics. Il s'agit simplement d'entreprises publiques, que l'on pourrait considérer comme service public dans le cas d'une menace sur le pluralisme. Or, cette menace est de moins en moins crédible, compte tenu de l'évolution de la technologie.

Enfin, E.D.F. et France Télécom démontrent que service public ne rime pas forcément avec déficit et obsolescence, tout au contraire.

5) Il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre la concurrence et le service public

Comme je viens de le rappeler, un service public peut très bien être assuré par une personne privée. Et il n'existe que peu de cas où un service public doit se confondre avec un monopole, à l'exception de l'électricité, de la poste et des transports ferroviaires. On remarquera d'ailleurs que, même dans ces domaines, le "monopole" est limité. La Poste est d'ores et déjà concurrencée, ainsi dans le domaine du courrier express, et la S.N.C.F. est soumise à une concurrence de la route extrêmement forte. L'introduction d'une dose raisonnable de concurrence, ou sa menace... peut d'ailleurs rappeler à certains services publics qu'ils sont au service.. du public.

6) Le service public ne doit pas devenir indifférent au service du public

Il est vrai que cette évidence a parfois été perdue de vue. Il n'est ainsi pas évident que les usagers des transports publics pris en otage par des grèves aux motifs parfois byzantins aient le sentiment de bénéficier d'un service de qualité. Ce sentiment est particulièrement exacerbé en région parisienne, où les services de banlieue ne suscitent pas toujours un enthousiasme illimité !

Rappelons qu'à elle seule la S.N.C.F. contribue en moyenne à 20% des jours de grève en France.

Tout usager ayant été en conflit avec un service public national n'a pas non plus toujours le sentiment que cette organisation est là pour le servir... ! Et ce qui est vrai du service public lui même est encore plus vrai des relations avec les usagers. Trop souvent, les entreprises de service public s'érigent en juge inaccessible des plaintes, des contestations et des observations des usagers. Le rapport est trop souvent du fort au faible.

Toute organisation tend, en effet, à développer ses propres finalités. Le corporatisme très fort au sein des entreprises publiques tend à aggraver cette dérive "naturelle".
Ces dérives tiennent plus à des choix en matière d'organisation qu'à la notion même du service public. Il faut cependant y prendre garde.

Le cas du Royaume-Uni est, à cet égard, exemplaire. Les décisions de privatisation ont été, avant tout, guidées par des motifs idéologiques. Mais si, à l'exception de la poste et des chemins de fer, le soutien populaire a été fort, c'est avant tout en raison du très mauvais fonctionnement de "services publics" détournés de leur raison d'être, de leur caractère pléthorique, inefficace et déficitaire, et aussi à cause du sentiment, souvent partagé en France, que l'entreprise publique est incapable de se reformer de l'intérieur.

La vraie question que pose l'expérience britannique est en réalité : y a t il d'autres moyens que la privatisation pour remettre un service public dans le droit chemin ? Je souhaite naturellement qu'il n'en soit pas ainsi Encore faut il s'en donner les moyens.

B. Les dangers d'une dérive minimaliste : le communautaire de "service universel"

1) Un acte de foi dans la concurrence

La méfiance de la Commission européenne à l'égard du service public pourrait trouver certaines justifications dans l'usurpation dont a été parfois l'objet ce concept. I1 est de même évident que l'évolution des technologies (cas des télécommunications), la mauvaise gestion de certaines entreprises. La mondialisation des échanges dans un contexte idéologique marqué par le triomphe de l'idéologie libérale et l'effondrement du communisme, ainsi que les déficits excessifs de certains secteurs, appelaient des changements.

La démarche de la Commission devient cependant inacceptable dès lors qu'elle repose sur le primat absolu d'un vision élémentaire de la concurrence et, corollairement, d'une Europe des seuls consommateurs, favorisant la désindustrialisation, la délocalisation et le chômage. La concurrence ne peut, en effet, être le seul principe directeur de la politique européenne, d'autant qu'elle n'a rien d'équitable au plan mondial, ni même, d'ailleurs, au plan européen, avec, par exemple, le dumping monétaire de certains pays ou la non application des dispositions sociales du traité de Maastricht par le Royaume-Uni. I1 y a, par ailleurs, quelque chose de dramatiquement naïf dans les relations commerciales extérieures de l'Union européenne. L'expérience anglaise montre, en outre, que la concurrence exige une importante réglementation si l'on veut qu'elle produise les effets que lui prête la théorie. Elle montre également la difficulté pour les "nouveaux entrants" d'accéder au marché. En réalité, les monopoles privatisés ne sont pas si faciles que cela à "contester".

La politique de la Commission revient, en fait, à remettre en cause ce qui fonctionne bien, E.D.F. par exemple, au profit de solutions qui n'ont pas fait leurs preuves.

Reste l'expérience anglaise. Mais celle ci est récente et l'on ignore dans quel sens elle va finalement évoluer. Il me paraît cependant intéressant d'évoquer ses grandes orientations, à partir du moment où la Communauté prétend se diriger dans cette voie.

2) Le Royaume-Uni, terre promise de la Commission européenne

Si je ne verrais aucun inconvénient à délocaliser la D.G. IV (concurrence) de l'administration bruxelloise au Royaume Uni, je suis par contre beaucoup plus réservé sur l'opportunité d'étendre le modèle britannique à l'ensemble de l'Europe.

a) Le système des régulateurs, un concept anglo-saxon étranger à notre culture

Une fois privatisés, les anciens services publics sont, en effet, soumis à l'autorité d'un régulateur, nommé par le gouvernement, mais ensuite quasiment indépendant, ses conditions de révocation étant proches de celles d'un magistrat Le tableau ci-après fait le point sur ce système.

[TABLEAU] Leur rôle est d'autant plus important que la réglementation britannique de la concurrence est, paradoxalement, relativement contraignante, que le contrôle juridictionnel est faible et que les marchés surveillés par les régulateurs sont encore très largement oligopolistiques.

Ces régulateurs ont pour origine directe les "agences" américaines, avec, semble t il, un contrôle judiciaire bien plus faible. L'un de me. interlocuteurs m'a d'ailleurs expliqué que son organisation "unaccoutable", c'est à dire qu'elle n'avait pour ainsi dire de comptes à rendre à personne Il existe d'ailleurs une volonté expresse de sortir les régulateurs du champ d'action du politique. Le pouvoir d'un régulateur est d'autant plus considérable qu'il est quasiment discrétionnaire, s'agissant notamment de la fixation des tarifs des entreprises privatisées. Ajoutons qu'il n'y a jamais eu jusqu'à présent, de conflit significatif avec les pouvoirs publics et que le public les percevrait plutôt comme une garantie face à des entreprises quasi monopolistiques comme British telecom.

Le système fait enfin l'objet d'un quasi consensus, puisque le Parti travailliste semble décidé à renforcer le pouvoir des régulateurs s'il revient au pouvoir.

A l'évidence, ce système décharge le gouvernement d'une partie de ses responsabilités... ! Probablement conforme à la culture anglo saxonne, ce système ne m'apparaît guère démocratique, dans sa version anglaise dans la mesure où il confie un pouvoir très important à des instances non responsables devant le suffrage universel.

L'autre inconvénient de cette politique est de rendre plus difficile une politique énergétique. La séparation entre le régulateur du gaz et celui de l'électricité rend d'autant plus délicate la coordination que l'objectif qui leur est assigné est la satisfaction à court terme du consommateur par la baisse des prix.

Le système conduit en définitive nécessairement à une organisation complexe, sans contrôle réel, et sans vraie légitimité, ce qui est difficilement acceptable du point de vue de notre propre culture. L'introduction de ce type de régulation en France supposerait de le compléter par des mécanismes de "responsabilisation" politique.

b) Le bon fonctionnement du système dépend pus de l'action des régulateurs que d'une concurrence encre très limitée

Même si des changements importants sont prévus pour 1998, la concurrence est encore limitée. British Telecom contrôle ainsi encore 90 % du marché de IA téléphonie vocale. Il en résulte que la fixation de l'évolution des tarifs s'est révélée fondamentale dans l'obtention d'une baisse des prix pour le consommateur.

Le principe de fixation des prix des entreprises de service public privatisées est résumé par la formule:

R.P.I.(4) X

X représente les gains de productivité auxquels doit parvenir l'opérateur et dont les retombées doivent profiter aux consommateurs. Cela incite en même temps l'opérateur à une gestion optimale, puisque ses profits seront d'autant plus importants que ses coûts seront inférieurs à la limite fixée par le régulateur. En apparence simple, cette formule soulève quelques difficultés théoriques et pratiques.

Les difficultés pratiques sont apparues clairement lorsque le régulateur de l'électricité a dû revenir sur ses décisions tarifaires, des batailles boursières ayant fait apparaître l'importance considérable des capitaux disponibles dont disposaient les sociétés concernées. Il est, en fait, difficile pour le régulateur d'appréhender avec certitude la réalité des comptes des entreprises qu'il doit contrôler, et ce, en dépit de la mise en place progressive de la séparation comptable entre les différents secteurs d'activités d'une même entreprise.

La baisse des tarifs ne doit pas, à l'inverse, être telle qu'elle entraverait l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché.

La modification des tarifs peut, en outre, rendre non rentable un investissement décidé sur la base des décisions antérieures, ce qui pose le problème de la crédibilité du régulateur. Sur le plan théorique, on se trouve "dans une situation où tous les acteurs ne disposent pas de toute l'information qui leur est nécessaire pour prendre leurs décisions" et où "l'acteur disposant d'une suépriorité d'information va chercher à en tirer parti à l'insu des autres acteurs (par exemple, en biaisant en sa faveur cette information)"(5).

La formule initiale ne permettait pas de prendre en compte le prolème de la qualité, d'où le recours à des formules plus complexes avec un facteur de "correction".

L'ensemble du système est d'ailleurs en pleine évolution, en direction d'une concurrence accrue, laquelle impliquera des régulateurs de plus en plus puissants...

3) Le système britannique à la recherche de sa propre vérité

Il est intéressant de relever que ces évolutions tiennent à la complexité, probablement non prévue à l'origine, de la gestion des entreprises privatisées et à la volonté d'aller vers une réelle concurrence. Une brève analyse de quelques cas permettra de faire le point sur les difficultés rencontrées. a) Les télécommunications

* Le changement s'est étalé sur une très longue période avec la privatisation, en trois étapes, des deux sociétés publiques de télécommunications:

Cable and Wireless : octobre 1981 (49 %), décembre 1983 (22 %), décembre 1989 (23 %);

British Telecom (BT): novembre 1984 (51 %), décembre 1991 (26 %), juillet 1993 (22 %).

* Un duopole BT/Mercury (filiale de Cable and Wireless) a été maintenu, de 1983 jusqu'en 1990, dans le domaine des réseaux fixes.

La suppression du monopole de BT pour l'exploitation d'un réseau de télécommunications a été décidé par le "telecommunications act" de 1984.

En 1991, des sociétés de câble ont été autorisées à fournir des services de télécommunications dans le cadre de franchises régionales. Cela concernait 717 000 clients à la fin de 1994, pour atteindre vraisemblablement un million à la fin de cette année.

En 1993, ainsi qu'en 1994, de nouvelles licences de P.T.O. (public telecommunications operator) ont été accordées à plusieurs sociétés. Il est assez difficile de dresser un bilan d'une réforme en pleine évolution. On relèvera simplement que BT reste le seul opérateur universel au Royaume-Uni et qu'il contrôle environ 90 % du marché de la téléphonie vocale. La concurrence semble surtout concentrée sur certains segments du marché, même si les cablo opérateurs commencent à livrer une concurrence sévère à BT sur la "boucle locale" (communications locales).

BT réalise des profits conséquents, après, il est vrai, de substantielles réductions d'effectifs ( 150 000 personnes). Les points positifs de la réforme semblent un accroissement de la qualité des services, une baisse des prix (baisse de 35 % en termes réels des prix de BT entre 1984 et 1995) et un développement du nombre d'opérateurs.

Le taux d'équipement des ménages est passé de 75 % en 1980 à 78 % en 1983 pour atteindre 90 % en 1994.

Les principaux points à régler paraissent être les suivants :

- Une tarification transparente incontestable des charges d'interconnexion reste à établir. Cela suppose une séparation comptable des différentes branches d'activités de BT et un renforcement des moyens d'investigation du régulateur.

Le problème de la "portabilité" des numéros en cas de changement d'opérateur, c'est-à-dire la possibilité de conserver son numéro .

Le coût et les modalités du service universel assuré par BT restent à déterminer. Un désaccord semble exister sur ce point entre BT et l'OFTEL. Les estimations initiales de l'OFTEL (6) le chiffrent entre 90 et 160 millions de livres (soit entre 720 et 1 280 millions de francs, sur la base d'une livre à 8 francs), soit environ 1 % du chiffre d'affaires. L'OFTEL ajoute qu'une telle évaluation ne prend pas en compte les bénéfices que BT peut tirer de ce service.

Se pose également le problème de l'inscription sur les annuaires de BT des clients qui ne font pas appel a cette entreprise.

Même ainsi résumé, ce processus fait clairement apparaître la difficulté d'introduire une véritable concurrence. Ainsi, pour l'exercice se terminant au 31 juillet 1994, la formule RPI - 7,5% et non la concurrence, a abouti à réduire les recettes de BT de 553 millions de livres. Le régulateur continuera donc vraisemblablement à jouer un rôle clé pendant de nombreuses années.

b) L"électricité : un bilan mitigé

Décidée en 1989, la privatisation a consisté à séparer la production, le transport et la distribution. S'agissant de la production le nucléaire est resté public, même si le gouvernement souhaiterait maintenant le privatiser. Cela n'ira pas sans difficultés, en raison notamment du problème de l'imputation des coûts de démantèlement des anciennes centrales. Deux grandes compagnies dominent la production classique, Natiponal Power et Powergen.

La distribution relève de douze compagnies privées, les RECs (regional electricity companies). Le transport relève d'une seule compagnie, la National GRID.

Les producteurs ont l'obligation de vendre toute leur production journalière à un "pool", auprès duquel s'approvisionnent les distributeurs et les consommateurs habilités à s'y fournir. Le pool fonctionne à partir d'un système complexe d'appels d'offres quotidiens, chaque producteur indiquant la veille ce qu'il offre le lendemain, et à quel prix par tranche de demi heures. Ces offres sont intégrées dans le cadre d'un mécanisme national qui arrête l'ordre d'appel des centrales, en fonction de la demande et des prix proposés. Le prix unique ainsi déterminé relève en fait d'un calcul au coût marginal.

La concurrence reste encore limitée au niveau de la production. En 1994, le régulateur de l'électricité a d'ailleurs demandé à National Power et à Powergen de se défaire de certains de leurs actifs.

Seul le prix au consommateur est régulé par l'OFTEL. Depuis avril 1994, les consommateurs ayant une demande supérieure à 100 kilowatts peuvent choisir leur fournisseur. En Angleterre et au Pays de Galles, cela concernait environ 50 000 clients en janvier 1995. Au 1er avril 1998, tous les consommateurs seront libres de choisir leur fournisseur.

Le bilan de cette réforme semble assez mitigé. S'il en est résulté une certaine amélioration du service offert au consommateur, elle ne paraît pas avoir provoqué de baisse significative des tarifs, notamment pour les gros consommateurs industriels. Avec un indice de base 100 en 1990, l'évolution serait la suivante:

                    1990  1991   1992   1993   1994
1995

en valeur courante 100 103,3 109,1 114,2 111,6 118,2 en valeur constante 100 94,8 94,0 86,4 81,1 80,6

Quant aux tarifs appliqués aux ménages, seuls à être régulés, ils auraient augmenté de près de 20 % en valeur courante, ce qui correspond à peu près à l'évolution des tarifs industriels.

Il est en tout cas certain que les compagnies de distribution ont une très grande rentabilité, si l'on en juge par l'importance des O.P.A. lancées sur elles. Les actions de ce secteur ont d'ailleurs progressé une fois et demie plus vite que l'ensemble des actions tous secteurs confondus.

Il est enfin certain que ce système rendrait impossible la construction de nouvelles centrales nucléaires. Les énergies renouvelables ou le traitement des ordures font d'ailleurs l'objet d'un soutien illustrant les limites intrinsèques du marché. Je noterai également que le libre choix accordé en 1998 aux consommateurs de base ne sera peut-être pas très facile à exercer. Faudra-t-il, par exemple, de nouveaux concepteurs, et à quel coût ? Tout dépendant du point de départ, je n'entends pas me prononcer sur les bienfaits d'un tel système pour le consommateur anglais. Je suis, en revanche, fermement opposé à sa transposition en France.

Au prix d'une organisation extrêmement complexe, cette organisation ne me paraît apporter aucun avantage dont ne bénéficierait déjà le consommateur français. Pire, elle risque de sacrifier le long terme.

Son caractère concurrentiel est enfin limité. Il faut d'ailleurs une quasi administration de plus en plus complexe, le régulateur, pour contrôler le système (214,8 (7) personnes au 31 décembre 1994). Il n'est d'ailleurs pas certain que cela aille en s'améliorant, si j'en juge par les batailles boursières en cours et qui pourraient aboutir à une reconcentration. Midlands electricity PLC a ainsi indiqué, le 19 septembre 1995, qu'il était en pourparlers avec Powergen PLC pour une éventuelle offre d'achat. Si cela aboutissait, il y aurait pour la première fois depuis la privatisation, union d'un producteur et d'un distributeur..., soit un début de retour à l'intégration verticale !

c ) le gaz

British Gas a conservé son caractère d'entreprise intégrée verticalement, même si elle a dû procéder à une séparation entre ses activités commerciales et celles de transport ("Transco").

British Gas conserve son monopole de distribution jusqu'en avril 1998 pour les clients ne consommant annuellement pas plus de 2 500 thermies. A partir d'avril 1996, 500 000 consommateurs du sud-ouest de l'Angleterre seront, à titre expérimental, autorisés à choisir leur fournisseur.

Le projet de loi actuellement en discussion sur la libéralisation totale de la distribution prévoit une séparation entre les activités de transporteur, de chargeur (négoce du gaz) et de distributeur ainsi qu'un accroissement des pouvoirs du régulateur. Depuis la privatisation, les prix du gaz ont baissé de 20% en termes réels et la libération totale du marché pourrait s'accompagner d'une baisse supplémentaire de 10 %.

Il existe d'ores et déjà une concurrence réelle sur le marché concurrentiel. Je noterai enfin que British Gas est tenu de pallier la faillite éventuelle d'un distributeur concurrent jusqu'à hauteur de 25 000 thermies par an...

* * *

De nombreux autres services publics ont été privatisés, ainsi les bus ou l'eau.

Je terminerai cependant ce rapide panorama par le cas des chemins de fer car, d'une part, ce projet rencontre de nombreuses oppositions, et d'autre part, il atteint un degré de complexité sans égal.

d) La privatisation des chemins de fer

C'est la privatisation la plus "idéologique". Elle se heurte d'ailleurs à une résistance certaine de l'opinion, qui semble craindre les conséquences de la privatisation sur le service offert. Il est admis au moins à court terme, que les chemins de fer privatisés exigeront plus de subventions qu'aujourd'hui, ne serait ce qu'en raison de la nécessité d'assurer un service public minimal. Il est vrai que le système sera spécialement complexe, avec le démantèlement de British Railways en vingt cinq franchises passagers, une compagnie possédant le réseau, trois compagnies gérant le fret, trois compagnies possédant le matériel roulant etc., soit au total près de soixante sociétés. Il y aura deux régulateurs pour gérer le système !

Je crois avoir démontré que le processus britannique était en plein devenir et qu'il était infiniment plus complexe que ne pourrait le laisser croire la lecture des documents de la Commission européenne. D'un point de vue strictement britannique, le bilan de ces opérations est peut-être positif. Il m'est, par contre, difficile de voir les bénéfices que .sa transposition apporterait aux Français.

En tout état de cause, il faut éviter de transposer imprudemment des expériences dans des pays dont le droit, les moeurs, l'histoire et la géographie sont différents.

4) Une vision communautaire restrictive

L'approche communautaire nous offre une conception très restrictive du service public. La proposition de directive ((COM(95) 379 du 19 juillet 1995) relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications (document F 467), définit ainsi les coûts susceptibles d'être imputés au service universel:

Il s'agit des services "qui ne peuvent être fournis qu'à perte ou dans des conditions ne correspondant pas aux normes commerciales classiques. Les téléphones publics payants ou certains services pour les handicapés relèvent par exemple de cette catégorie".

Relèvent de même de ce "service universel" les "utilisateurs finaux ou groupes d'utilisateurs finaux .spécifiques qui ... ne peuvent être servis qu'à perte ou dans des conditions de prix ne correspondant pas aux normes commerciales classiques".

En d'autres termes, il n'appartiendrait pas au peuple de définir ce qu'il entend sortir d'une logique strictement marchande. Serait ainsi exclue toute préoccupation d'intérêt général dépassant la simple fourniture d'un service à certains usagers. La recherche pourrait s'en trouver compromise. Quel serait l'avenir du C.N.E.T. dans un tel système ?

Dans cette logqiue, le service public ne sert qu'à pallier les éventuelles lacunes du marché et non à engager des actions positives permettant de réaliser tel ou tel objectif d'intérêt général.

En poussant cette logique à son extrême, le service public aurait pour responsabilité de s'ouvrir les segments du marché dont personne ne veut. On comprend facilement le danger d'une telle approche.

Avec beaucoup de retard, la Commission vient cependant de présenter une proposition de directive relative aux services postaux prenant mieux en compte les principes de service public. Il est vrai que même le Royaume Uni a renoncé à privatiser ses services postaux.

Les autres éléments de la conception communautaire du service public sont globalement difficilement compatibles avec la nôtre.

C'est un service réglementé par une autorité "indépendante", le "modèle" anglais des régulateurs constituant, aux yeux de la Commission européenne, un exemple idéal. les monopoles doivent, au minimum, voir leurs activités soumises à l'"umbundling", c'est à dire à une séparation comptable entre leurs différentes branches. Le droit communautaire prône généralement une séparation institutionnelle plus poussée en séparant souvent les infrastructures des services. L'usage des infrastructures doit être ouvert aux tiers afin de permettre l'arrivée de nouveaux entrants. Ces éléments forment un ensemble cohérent qu'il est, pour cette raison même, difficile de transposer partiellement en droit interne, comme s'il ne s'agissait que d'un problème sémantique. Remplacer "service public" par "service universel" n'est pas neutre, et la mise en place de l'unbundling, même comptable, aurait de grandes conséquences pour certaines entreprises, comme Gaz de France. De grandes précautions doivent être prises lorsque des changements en ce sens s'imposent malgré tout, ainsi dans le domaine de la régulation.

Le rapprochement sera donc difficile même si, en théorie au moins, les objectifs sont similaires, ainsi l'emploi, la cohésion sociale ou la protection de l'environnement figurent parmi les objectifs de la construction européenne. De même, nous pouvons accepter d'ouvrir à la concurrence certains services publics, du moins si celle ci ne constitue pas un principe unique d'application universelle.

* * *

C'est donc en ayant à l'esprit ces dérives possibles que je m'efforcerai de restituer un sens à cette notion de Service public.


II. POUR UNE APPROCHE POLITlQUE ET EVOLUTIVE DU SERVlCE PUBLIC

L'idéologie dominante des années 1980 a prôné l'Etat minimal, rejeté toute intervention publique comme néfaste et présenté le marché comme une réponse à tous les problèmes.

Toujours dominante à Bruxelles, cette pensée ignore totalement la nécessité de mettre fin à la fracture sociale qui menace notre cohésion sociale.

Or, ce n'est pas le marché qui réintégrera dans la nation des banlieues qui semblent parfois échapper totalement à l'ordre républicain et s'abandonner à la désespérance. Ce n'est pas le marché qui évitera une totale désertification des campagnes et des régions les moins peuplées.

Ce n'est pas le marché qui restaurera l'égalité entre les citoyens. en restituant notamment à école cette fonction d'intégration qu'elle a progressivement perdue dans un monde où la structure sociale tend à se figer au point de redonner un sens à la notion d'"ordre" ou de "caste". Ce n'est pas le marché qui réglera le problème d'un décalage croissant entre le coût et les ressources de la protection sociale. Doit-on soigner chacun en fonction de sa capacité contributive ?

Ce n'est pas non plus le marché qui permettra le développent de la recherche en Europe. Les adorateurs inconditionnels de la concurrence seraient d'ailleurs bien avisés d'étudier le fonctionnement réel du "marché" américain, ainsi, par exemple, le soutien significatif accordé à la construction aéronautique par la NASA et le Pentagone.

Le marché n'empêche ni la division progressive des Etats-Unis entre ethnies hostiles, ni la croissance de l'inégalité entre les pauvres et les riches, ni l'instauration de couvre feu pour des mineurs de plus en plus violents. Sauf donc à prendre les banlieues de Los Angeles, ou de Washington, pour modèle, il nous faut suivre une autre voie que celle prônée par la Commission européenne.

Je définirai la voie à suivre comme étant celle assurant la complémentarité entre le marché et le service public.

Quels en sont les fondements ?

Le service public repose sur l'attachement du peuple français au respect de certains principes, priorité que le seul jeu des lois du marché ne garantit pas.

Ces principes sont:

* L'égalité d'accès au service public, quelle que soit la situation sociale ou géographique de l'usager.

* La péréquation tarifaire. Il s'agit d'un principe spécifiquement français, auquel nos concitoyens sont attachés. La remise en cause de ce principe serait également néfaste pour l'aménagement du territoire. Acceptable dans certains domaines, ainsi le transport aérien régional, la subvention directe ne constitue pourtant pas une solution de portée universelle, de nature à se substituer à la péréquation. Pourquoi ?

En premier lieu, les financements budgétaires sont toujours appelés à être remis en cause pour des raisons conjoncturelles. Or, "le coût de la non-Europe des services d'utilité publique"(8) serait considérable. M. Lesourne a calculé qu'"une borne inférieure des aides directes au développement régional de l'ensemble de ces services (électricité, gaz, postes, télécommunications, transport aérien, système autoroutier) peut être estimée pour la France à 31 milliards de francs".

Ainsi, s'agissant de l'électricité, le transfert financier de la zone urbaine vers la zone rurale (communes dont la population est inférieure à 2 000 habitants) s'élèverait à 4,7 milliards de francs, alors que l'uniformité nationale des tarifs se traduirait par un transfert de deux milliards de francs au profit de la Corse et des départements d'outre mer.

o La continuité de la fourniture du service.

S'agissant par exemple de l'énergie, cela suppose d'importantes capacités excédentaires pour faire face aux pointes les plus élevées de la demande. Cela suppose également la mise en oeuvre de moyens d'intervention pour limiter au strict minimum les éventuelles interruptions du service.

o La contribution à l'aménagement du territoire. Cela justifie notamment des dessertes non rentables, des services publics en milieu rural, etc... On sait bien mettre en avant le coût des services publics non rentables, ou en milieu rural, mais on omet de calculer le coût indirect des fermetures.

o La contribution à la cohésion sociale du pays : solidarité sociale, lutte contre l'exclusion.

o L'adaptabilité, ce qui suppose de ne pas hésiter à remettre en cause des structures obsolètes.

o L'intérêt à long terme de la nation:

réalisation d'investissements non rentables dans un délai suffisant pour un investisseur privé (l'échec financier d'Eurotunnel offre a contrario la démonstration de la nécessité d'un investissement public);

préservation de l'indépendance énergétique: par exemple, le programme électro nucléaire;

soutien de la recherche: par exemple, le C.N.E.T.;

la sécurité intérieure et extérieure de la nation;

missions culturelles : défense de la langue française.

* La gestion des resosurces rares (l'eau par exemple)

* Le respect du pluralisme de l'information et de la culture.

Ces objectifs sont intangibles, mais leur hiérarchie peut évoluer en fonction des priorités retenues par le pays Ainsi la réduction de la fracture sociale constitue aujourd'hui une priorité absolue. Les modalités sont, en revanche, variables dans le temps, de même que la nature exacte de la mission. En d'autres termes, la distribution à tous du courrier a un prix accessible est l'objectif du service public. Que cela soit effectué en diligence ou par avion est une question contingente.

La nature exacte de la mission est également contingente. La demande de protection adressée à la Collectivité nationale est ainsi beaucoup plus forte qu'en 1910 (santé, indemnisation du chômage, retraite, etc.). La cohésion de la nation demeure par contre un objectif essentiel .

La limite entre le secteur concurrentiel et le service public est aussi appelée à évoluer en fonction de la demande sociale et des évolutions technologiques et économiques. Un service public peut ainsi retourner au secteur concurrentiel si cela est souhaité. Ce fut le cas, il y a quelques années, d'une partie de la télévision.

Il appartient au peuple français, par l'intermédiaire de ses représentants ou par voie référendaire(9), de définir les modalités de réalisation de ces objectifs, et en particulier le périmètre du secteur non concurrentiel et la nature des obligations de service public gui doivent être assumées. En effet, le fait d'estimer qu'une activité relève d'une logique de service public ne devra plus nécessairement entraîner l'octroi de droits exclusifs, conformément d'ailleurs au principe communautaire de proportionnalité. Une même entreprise publique peut parfaitement assurer tout à la fois des missions de service public et des activités concurrentielles.

La défense des valeurs portées par le service public ne doit, en effet, pas se confondre avec la pérennisation, à n'importe quel prix, d'une organisation qui ne correspondrait plus à une nécessité sociale et qui aurait perdu de vue les missions qui lui ont été assignées. Dans un passé récent, la S.N.C.F., de "Socrate" à des tracés de voies qu'elle tentait d'imposer a offert un bon exemple de ce type de dérives. De manière générale, le dialogue entre les mouvements écologistes et les associations de consommateurs d'une part, et les grandes entreprises nationales chargées d'un service public n'a pas toujours été aisé. Il est vrai que le mouvement associatif est très faible en France. Il faudra enfin définir, dans les secteurs où le maintien d'un monopole, ou d'un quasi monopole s'imposerait, ce qui relève du service public ou d'une logique strictement marchande.

Il importera donc d'adapter nos services publics aux réalités contemporaines, tout en faisant en sorte que la concurrence ne soit plus le seul moteur de la construction européenne. Tel est l'objet de la réflexion que je vous propose d'ouvrir dans la seconde partie de ce rapport.



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