TVA intracommunautaire : représentation fiscale dans un autre Etat membre et simplification à l'horizon 2002


En raison du régime de TVA intracommunautaire en vigueur et de la multiplication des échanges entre les Etats membres, les entreprises sont de plus en plus confrontées à la TVA en vigueur dans les autres Etats membres. Ainsi, lorsqu'elles réalisent des opérations imposables à la TVA dans un autre Etat membre, sans y détenir un établissement permanent, les entreprises doivent s'identifier à la TVA dans ce pays afin d'y accomplir leurs obligations déclaratives et de paiement. Si une entreprise ne s'identifie pas à la TVA dans un Etat membre alors qu'elle y est tenue, elle perd en principe tout droit à récupération de la TVA supportée dans ce pays (achats locaux, par exemple).

L'identification doit être faite dans chaque Etat membre où l'entreprise réalise des opérations imposables : au pire, une même entreprise peut donc avoir 14 représentants fiscaux au sein de l'Union européenne !

En outre, les modalités pratiques de cette identification varient d'un Etat membre à l'autre :

  • si la désignation d'un représentant fiscal est majoritairement nécessaire, elle n'est pas obligatoire partout ;
  • les modalités de la désignation du représentant varient d'un Etat membre à l'autre, de même que les qualités requises pour devenir représentant fiscal ; et, enfin,
  • la responsabilité du représentant vis-à-vis de l'administration fiscale n'est pas systématique.

    C'est dans ce contexte complexe (et coûteux car la représentation fiscale est évidemment une prestation rémunérée) qu'a été adoptée en octobre dernier une directive destinée à supprimer l'obligation de désignation d'un représentant fiscal, cette désignation devenant une simple possibilité.

    Pour mémoire, les principes essentiels (et au demeurant complexes) de la TVA dans les opérations intracommunautaires sont très schématiquement et très superficiellement les suivants :

    Pour les ventes de biens (hors produits soumis à accises, biens d'occasion, œuvres d'art et objets de collection) :

    Ventes aux particuliers :

  • Règle de taxation dans le pays d'achat ;
  • Exception : taxation dans le pays de consommation (résidence de l'acheteur) pour les ventes de moyens de transport neufs ;
  • Cas particuliers des ventes à distance : taxation dans le pays d'achat, puis, au-delà d'un certain seuil annuel de ventes, taxation dans le pays de consommation.

    Ventes aux PBRD (Personnes bénéficiant du régime dérogatoire, à savoir les personnes morales non assujetties à la TVA, les assujettis ne réalisant que des opérations n'ouvrant pas droit à déduction et les exploitants agricoles au remboursement forfaitaire) :
  • Taxation dans le pays d'achat, mais
  • Taxation dans le pays de consommation lorsque les achats des PBRD dépassent un certain montant.

    Ventes aux assujettis :
  • Règle de taxation dans le pays d'arrivée (sous réserve que toutes les conditions imposées par la loi soient réunies) ;
  • Dispositions particulières concernant les transferts de biens (sans changement de propriété) à destination d'un autre Etat membre (mouvements de stocks…), les opérations triangulaires, les ventes en dépôt, en consignation…

    Pour les prestations de services : la portée de la règle est largement amoindrie par trois types de dérogations prenant en considération divers critères (nature des services rendus, lieu de réalisation ou d'utilisation, lieu d'établissement du prestataire ou du client, statut TVA du client). Les règles spécifiques de taxation applicables aux deux premières dérogations ne peuvent malheureusement pas être résumées en quelques lignes.
  • Règle : imposition dans l'Etat membre d'établissement du prestataire.

    Première dérogation : les prestations matériellement localisables (locations de moyens de transport, travaux et expertises sur biens meubles corporels, prestations des intermédiaires transparents intervenant dans certaines opérations…)

    Deuxième dérogation : les prestations immatérielles (prestations de publicité, des bureaux d'études, des experts-comptables, traitement de données, prestations d'informations…)

    Troisième dérogation : les transports intracommunautaires de biens (et les prestations accessoires à ces transports)
  • Taxation dans le pays de départ (ou d'exécution matérielle des prestations accessoires) si le client est identifié à la TVA dans l'Etat membre de départ (ou d'exécution des prestations accessoires) ou bien n'est pas identifié à la TVA.
  • Taxation dans l'Etat membre d'identification du client si ce pays est différent de celui de départ du transport (ou de l'exécution matérielle des prestations accessoires).

    Dès lors qu'une entreprise réalise une opération imposable dans un autre Etat membre, doit-elle, pour s'acquitter de ses obligations, y désigner un représentant fiscal et, dans l'affirmative, comment doit-elle le faire ? Pour y répondre, il faut faire un (très rapide) tour d'horizon des Etats membres :

    Allemagne :

  • Désignation non obligatoire (sous réserve de disposer d'une domiciliation postale).
  • Le représentant fiscal n'assume que des obligations déclaratives ; il n'est pas responsable vis-à-vis de l'administration fiscale.

    Autriche :
  • Obligation de désignation.
  • Tout opérateur ayant un établissement permanent en Autriche peut être représentant fiscal.
  • Il n'assume aucune responsabilité vis-à-vis de l'administration fiscale.

    Belgique :
  • Obligation de désignation avant la réalisation de l'opération taxable (sauf pour les prestations de service pour lesquelles la TVA est due par le client et, dans certaines conditions, pour les entreprises propriétaires en Belgique d'un stock dans le cadre d'un stock en consignation).
  • Le représentant fiscal doit être agréé par l'administration fiscale et doit fournir une caution. à Il est solidairement responsable du paiement de la TVA.
  • Lorsqu'une entreprise d'un autre Etat membre réalise une importation en Belgique de biens qui font ensuite l'objet de livraisons intracommunautaires exonérées, il y a lieu de désigner un représentant fiscal "limité", lequel peut être un transitaire.

    Danemark :
  • Désignation obligatoire. à Le représentant peut être toute personne physique ou morale résidant au Danemark.
  • Il est solidairement responsable du paiement de la TVA.

    Espagne :
  • Obligation de désignation.
  • Le représentant peut être toute personne physique ou morale résidant en Espagne.
  • Il est solidairement responsable du paiement de la taxe vis-à-vis de l'administration fiscale.

    Finlande :
  • Désignation obligatoire.
  • L'administration fiscale peut exiger du représenté une garantie pour le paiement de la taxe. à Le représentant doit être domicilié en Finlande et agréé par l'administration fiscale.
  • Il n'est pas responsable du paiement de la taxe vis-à-vis de l'administration fiscale.

    Grèce :
  • Obligation de désignation (avant la réalisation des opérations taxables).
  • Le représentant peut être toute personne physique ou morale.
  • Le mandat le désignant doit être légalisé par l'Ambassade de l'Etat membre du représenté ; une copie est déposée au centre des impôts dont dépend le représentant.
  • Le représentant est solidairement responsable du paiement sur la TVA.

    Irlande :
  • Pas d'obligation de désignation, mais l'administration peut l'imposer dans certains cas et l'accepte lorsque l'entreprise étrangère en fait la demande.
  • Le représentant est solidairement responsable du paiement de la TVA.

    Italie :
  • Obligation de désignation.
  • Le représentant doit résider en Italie et être désigné par acte notarié, acte sous seing privé enregistré ou par lettre consignée dans un registre spécial tenu par l'administration fiscale avant la réalisation de l'opération taxable.
  • L'identité du représentant doit être communiquée au client avant la réalisation de l'opération.
  • Il est solidairement responsable du paiement de la TVA.

    Luxembourg :
  • En principe, obligation de désignation, mais l'administration fiscale peut préférer un cautionnement ou une lettre de garantie délivrée par un établissement bancaire agréé. à Le représentant peut être toute personne physique ou morale établie au Luxembourg ; il doit être agréé par l'administration fiscale.
  • Il est solidairement responsable de la dette fiscale du représenté.

    Pays-Bas :
  • Désignation obligatoire dans certains cas (ventes à distance au-delà du seuil et sur option).
  • Le représentant peut être toute personne physique ou morale établie aux Pays-Bas ; il doit être agréé par l'administration fiscale et doit fournir une caution bancaire.
  • Il est solidairement responsable de toutes les obligations du représenté au regard de la TVA.
  • Outre la représentation fiscale à licence globale évoquée ci-dessus, il existe une représentation fiscale avec une licence limitée qui ne peut être utilisée que dans des cas limités : importation de biens aux Pays-Bas par une entreprise d'un autre Etat membre, ces biens faisant ensuite l'objet de livraisons intracommunautaires exonérées; livraisons de biens soumis à la TVA au taux de 0% et acquisitions intracommunautaires précédant celles-ci.

    Portugal :
  • Obligation de désignation.
  • Le nom du représentant fiscal doit être communiqué au client avant la réalisation de l'opération. à Le représentant doit être assujetti à la TVA au Portugal ; il doit être désigné par un mandat rédigé sous la forme d'un acte notarié ou sous seing privé légalisé par un consulat de l'Etat membre du représenté et remis à l'administration fiscale.
  • Il est solidairement responsable de toutes les obligations fiscales du représenté.

    Royaume-Uni :
  • Pas d'obligation de désignation, mais la société étrangère peut décider d'en désigner un et l'administration fiscale peut exiger cette désignation ou réclamer une caution à l'entreprise qui n'en désigne pas.
  • Le représentant doit être un résident britannique.
  • Il est solidairement responsable du paiement de la TVA, ainsi que des amendes et pénalités.

    Suède :
  • Désignation obligatoire.
  • Le représentant peut être toute personne physique ou morale établie en Suède ; il doit être agréé par les services fiscaux.
  • Il n'est pas responsable du paiement de la TVA.

    Outre le fait qu'elle engendre un système compliqué, contraignant et coûteux, cette hétérogénéité de situations entre les Etats membres constitue une entrave au développement des transactions transnationales. Et la justification initiale du recours au représentant fiscal (qui permettait aux services fiscaux nationaux de s'assurer de l'accomplissement des obligations fiscales plus aisément qu'en traitant directement avec l'assujetti non établi) n'est plus d'actualité depuis que les administrations nationales sont liées par un système d'assistance mutuelle.

    En quoi la directive adoptée le 17 octobre dernier constitue-t-elle une simplification ? (directive 2000/65/CE du Conseil du 17 octobre 2000 modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la détermination du redevable de la TVA sur la valeur ajoutée)

    Essentiellement en ce qu'elle prévoit que la désignation d'un représentant fiscal par les entreprises réalisant des opérations imposables dans un Etat membre autre que celui où elles sont établies ne sera plus une obligation, mais une simple possibilité offerte aux entreprises.

    Les entreprises pourront donc choisir entre :

  • effectuer elles-mêmes, sous leur propre responsabilité, les obligations déclaratives et le paiement de la TVA ; et
  • désigner un représentant fiscal, dans les conditions fixées par chaque Etat membre.

    Parallèlement, les Etats membres conservent la possibilité, dans les relations entre assujettis, de considérer le client comme redevable de la TVA à la place du fournisseur non établi dans l'Etat membre considéré (Ce système, dit du " reverse charge " est déjà appliqué pour les prestations immatérielles). Cette solution présente l'avantage substantiel de supprimer toute obligation fiscale (TVA) pour l'entreprise non établie dans l'Etat membre en cause, la TVA étant due par le client assujetti.

    Les dispositions de cette directive doivent être transposées par les Etats membres au plus tard le 31 décembre 2001.

    Isabelle CHARLOT BLANCHARD EIC Pays de la Loire
    Tél : 02 40 44 63 75 - Fax : 02 40 44 63 20

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