VERS UN STATUT DE LA SOCIETE EUROPEENNE...

Lors du Conseil européen de Nice en décembre 2000, il a beaucoup été question de la réforme des Institutions de l'Europe qui s'avère nécessaire dans l'optique de l'entrée des pays candidats à l'adhésion au sein de l'Union.
Mais ce sommet a été aussi l'occasion d'avancées importantes sur d'autres dossiers, notamment sur celui du statut de la société européenne. L'idée de créer une " société européenne " ayant son propre cadre juridique n'est pas nouvelle : voilà plus de trente ans que l'Europe y réfléchit, sans pouvoir toutefois aboutir en raison du blocage de certains pays comme l'Espagne sur l'aspect social de cette société européenne. Le problème résidait notamment sur une différence de conception quant à la manière d'harmoniser le fonctionnement et les règles sociales entre employés d'une même entreprise établie dans différents pays de l'Union Européenne.

Deux textes devraient venir réglementer la société européenne (appelée SE - Societas Europaea- dans toutes les langues).
1. Un règlement portant sur le statut de la SE
2. Une directive complétant le statut de la SE pour ce qui concerne la place des travailleurs.

1/ Le statut juridique de la SE : quelques éléments clés
Première précision : la création de ce nouveau concept donne à certaines entreprises la possibilité, mais non l'obligation, de se constituer en SE.
1.Quatre modes de constitution de la SE sont prévus :

  • la constitution par fusion, limitée aux sociétés anonymes d'Etats membres différents
  • la constitution par création d'une société holding, ouverte aux sociétés anonymes et aux SARL qui ont une présence communautaire (par exemple, filiale ou succursale dans des pays autres que celui de leur siège)
  • la constitution sous forme de filiale commune, avec les mêmes conditions que la société holding - la transformation d'une société anonyme de droit national, lorsque celle-ci aura prouvé son caractère européen en ayant depuis deux ans une filiale dans un autre Etat membre

    2.Capital social : la SE aura un capital minimum de 120.000 euros.

    3. Siège social : fixé par les statuts, il doit correspondre au lieu où se trouve l'administration centrale, c'est-à-dire son siège réel. Suivant des procédures définies, les SE pourront également transférer leur siège social sans avoir à se dissoudre dans l'Etat de départ et se reconstituer dans l'état d'arrivée (ce qui, actuellement, engendre des frais importants et des tracasseries fiscales qui le sont tout autant). En revanche, le transfert du siège en dehors de l'Union Européenne entraînera la dissolution de la SE.

    4.Immatriculation et clôture de la liquidation de la SE : elles seront publiées pour information au Journal Officiel des Communautés Européennes. Toutefois, l'immatriculation continuera à être effectuée dans l'Etat du siège dans le registre désigné par la législation de cet Etat.

    5. Fiscalité : sur le plan fiscal, les SE seront traitées comme toute société transnationale, c'est-à-dire qu'elles seront soumises aux dispositions fiscales nationales applicables au niveau de la société comme de ses filiales : chaque établissement stable dans les divers pays devra par exemple payer les impôts qui le concernent. Une seule exception pour le cas où la SE se constitue par fusion : si son bénéfice est imposé dans l'Etat membre où se trouve son siège, elle pourra compenser les pertes de certains établissements stables situés dans d'autres pays membres par les profits enregistrés par d'autres.

    6. Juridiction compétente en cas de litige : en aucun cas une instance européenne telle que la Cour de justice des communautés européennes ne sera compétente. La compétence dépendra toujours d'une juridiction nationale. Ainsi, si le litige est avec un salarié de la SE, c'est la loi applicable au contrat de travail qui s'applique. Si le litige porte sur l'inexécution d'un contrat de la SE, c'est la loi indiquée dans le contrat qui s'applique. Si la responsabilité des dirigeants est engagée, c'est la loi du pays où est situé le Siège de la SE qui s'applique. Si la SE transfère son siège statutaire dans un autre pays européen et qu'un litige est survenu avant ce transfert, la SE est considérée comme ayant son domicile et son siège statutaire dans l'Etat où la SE était immatriculée avant le transfert, et ce même si une action est intentée contre la SE après ce transfert.

    Principal avantage de la SE : celle-ci est conçue dans l'optique de combler l'écart entre la réalité économique des entreprises à dimension européenne et la complexité juridique et fiscale qui en découle pour une entreprise possédant par exemple plusieurs filiales en Europe. Les sociétés constituées en SE bénéficieront donc d'une réduction significative de leurs frais administratifs et d'une simplification juridique et financière.

    2/ La participation des travailleurs dans la SE
    C'est essentiellement cette seconde partie qui a fait l'objet d'un déblocage à l'occasion du sommet européen de Nice. Par " participation des travailleurs ", il faut entendre ici participation à la surveillance et au développement de la SE. Il n'est pas question à ce stade d'une harmonisation des contrats de travail ou des régimes de retraite des salariés de la SE.
    Deux obligations principales en découlent :

  • une obligation de négociation
    Tout projet de constitution de SE devra s'accompagner de négociations avec les représentants des travailleurs des sociétés concernées afin d'organiser l'implication des travailleurs dans la SE. A l'issue de ces négociations, si un accord est conclu quant à l'implication des travailleurs, cet accord s'appliquera à la SE. En revanche, si aucun accord n'en ressort, les dispositions exposées dans la directive européenne sur l'implication des travailleurs devront être appliquées.
  • une obligation d'information
    Celle-ci se traduit par l'élaboration de rapports réguliers établis par les dirigeants de la SE et qui doivent porter sur les programmes d'activités, les chiffres de production et de vente présents et futurs, les conséquences pour la main d'œuvre, les changements au niveau de la direction, les fusions et cessions d'actifs envisagées, les fermetures et licenciements potentiels.
    Concrètement, l'implication des travailleurs peut par exemple prendre la forme :
  • d'une intégration des travailleurs au sein de l'organe de surveillance ou d'administration de la SE
  • d'un organe distinct représentant les travailleurs de la SE
  • ou tout autre modèle établi avec l'accord des travailleurs.

    Aucune SE ne pourra être constituée par l'Assemblée Générale tant qu'un modèle de participation des travailleurs n'aura pas été désigné.

    Afin de ménager le " particularisme espagnol ", il est prévu que les pays qui le souhaitent pourront refuser de transposer dans leur droit interne les dispositions de cette directive sur la participation des travailleurs à la SE, dans le cas où la SE se constitue par fusion et sous certaines conditions. Dans cette hypothèse, aucune SE pratiquant la participation ne pourra avoir son siège dans les pays en question.

    Délai d'entrée en application
    Avant adoption finale du règlement sur le statut de la SE et de la directive sur la participation des travailleurs à la SE prévue autour de mars 2001, le Parlement Européen devra être consulté. Les dispositions relatives à ces deux textes sont donc encore susceptibles d'amendements. Une fois les deux textes formellement adoptés, un délai de trois ans sera établi avant leur entrée en vigueur définitive.

    Delphine Foucaud - Euro Info Centre Nice Côte d'Azur/Janvier 2001
    Tél : 04 93 13 74 22 Fax : 04 93 13 75 71
    Mèl : delphine.foucaud@cote-azur.cci.fr

    Sources documentaires :
    Single Market News- the newsletter of the internal market DG- n°24 déc.2000
    7 jours Europe - lettre hebdomadaire de la représentation en France de la Commission Européenne- n°412 du 15 janvier 2001
    Site web europa http://europa.eu.int/scadplus

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