L'indication de l'origine des produits  : quelle règlementation pour le "made in" ?

L'indication de l'origine ne saurait être rendue obligatoire dans un Marché unique fondé sur l'idée de libre circulation des marchandises car elle tendrait à favoriser les produits nationaux. En revanche, les entreprises sont libres d'apposer une telle mention sur leur produits lorsqu'elles y trouvent un avantage commercial, le respect des règles douanières relatives à la définition de l'origine leur permettant alors d'éviter les sanctions pour fausse indication.

I - LE "MADE IN" LAISSE A LA LIBRE APPRECIATION DES ENTREPRISES

1- Absence de contrainte réglementaire 
a) Prohibition par le droit communautaire des réglementations imposant l'indication de l'origine 

Les règles relatives au Marché unique visent à assurer la libre circulation des marchandises et à éviter que des entreprises soient confrontées à des entraves de quelque nature que ce soit lors de la commercialisation de leurs produits dans un autre Etat membre. Afin d'assurer l'effectivité de ce dispositif, la Cour de Justice de Communautés Européennes a défini ces obstacles comme "toute mesure nationale susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire" et cela même si de telles mesures sont indistinctement applicables aux produits nationaux ou importés (par exemple, la réglementation française relative au prix du livre a été condamnée au titre de l'article 30 car elle mettait les importateurs dans l'impossibilité de pratiquer le prix de vente qu'ils jugeaient adéquat à leur prix de revient).
L'affaire "Souvenirs d'Irlande" en 1981 constitue la première application de cette jurisprudence aux réglementations imposant l'indication de l'origine. Il s'agissait d'une réglementation irlandaise exigeant que tous les souvenirs et articles de bijouterie importés portent une indication d'origine ou soient revêtus du terme "foreign". Dans cette lignée, le Royaume-Uni a été condamné pour avoir interdit la vente au détail de certains produits, à moins qu'ils ne comportent une indication d'origine. En effet, la Cour a considéré que l'exigence d'une telle mention entraînait un surcoût dans la production des marchandises importées et, surtout, visait à faire une différence selon l'origine, incitant ainsi les consommateurs à choisir les produits nationaux, alors qu'aucune raison tenant à leur protection ne se justifiait. De même, sans être condamnée, la France a été amenée à supprimer le marquage d'origine des produits textiles. 

Il est important de noter que ce sont les réglementations nationales qui sont condamnées par le droit communautaire et non la mention du "made in" faite à l'initiative des entreprises. Néanmoins, lorsque la protection du consommateur est en jeu, les législations interviennent pour imposer la mention de l'origine, que ce soit à titre permanent pour certains produits (par exemple, les fruits et légumes) ou ponctuellement en imposant un correctif d'origine chaque fois que les caractéristiques du produit sont de nature à causer la confusion en faisant croire à une origine différente.

b) Mention de l'origine obligatoire, à titre de correctif 

L'article 39 du Code des douanes national impose le marquage d'un correctif d'origine pour tous les produits importés, portant une "marque, un nom, un signe ou une indication quelconque de nature à faire croire qu'ils ont été fabriqués en France ou qu'ils sont d'origine française". A titre d'exemple, l'administration des douanes a considéré comme délictueuses, la représentation d'un drapeau français, de la tour Eiffel, d'une carte de France ainsi que la mention "design France" alors que l'origine était étrangère (cf. infra règles de détermination). Le correctif consiste alors à ôter toute confusion, en ajoutant le nom du véritable pays d'origine ou en supprimant les mentions délictueuses. A défaut, l'entrée des produits sur le marché national est prohibée.

2 - Apposition du "made in" à l'initiative des entreprises 
a) Le "made in", argument commercial 

Non contraintes d'indiquer l'origine de leurs produits, les entreprises prennent pourtant l'initiative d'informer leurs clients sur ce point car elles y trouvent un intérêt commercial. Le "made in" peut, en effet, guider le consommateur dans ses choix de consommation en le sensibilisant à des éléments significatifs face au critère financier du prix. Un argument politique est traditionnellement invoqué, celui de la crainte du chômage et du sentiment de participer à la sauvegarde des emplois dans son pays qui pousserait le consommateur à acheter français. En outre, la mention de l'origine peut renvoyer à un savoir-faire national (chaussures "made in Italy", maroquinerie " made in France ") mais également à la notion de "commerce équitable" puisque le fait de savoir que la fabrication a eu lieu dans un pays garantissant des conditions de travail décentes est de plus en plus une préoccupation des consommateurs. 

Par exception à l'emploi obligatoire de la langue française pour toute présentation de produits destinée à l'information du public (loi n° 94/665), l'expression anglaise "made in" est expressément admise par la circulaire du 19 mars 1996 car elle est facilement compréhensible par l'ensemble des consommateurs. 

b) Répression des fausses indications d'origine 

Afin de protéger le consommateur et d'éviter toute confusion quant à l'origine du produit, le fabricant doit garder à l'esprit que toute mention fausse, même non obligatoire, est constitutive d'une infraction. Les fausses indications d'origine sont susceptibles d'être sanctionnées au titre des délits de tromperie sur l'origine (art. L 217-1 du C.cons.) et de publicité trompeuse (art. L 121-1 C.cons.). Le responsable encourt un emprisonnement de deux ans et/ou une amende de 250 000 F (art. L 213-1 C.cons.). 

II - REGLES DE DETERMINATION DE L'ORIGINE 

Pour les produits provenant de pays tiers à l'Union européenne (UE), la connaissance de leur origine est nécessaire à la détermination des droits, taxes et réglementations à l'importation, mais, tout comme pour les produits fabriqués dans l'UE, l'apposition de cette mention est laissée à la discrétion du fabriquant. Les mentions "made in CE" ou "made in France" n'ont pas de définition légale, le fabriquant européen utilise l'une ou l'autre à condition de respecter les règles douanières sur l'origine. 

1. Le "made in CE"

Afin de déterminer l'origine d'un produit pour les besoins du "made in", les règles de détermination de l'origine insérées dans le code des douanes communautaire aux articles 23 et suivants (règles d'origine dites non préférentielles) sont applicables (cf. documentation de la Chambre de commerce et d'industrie intitulée " Certificat d'origine communautaire : rédaction et règles d'origine " au 01 55 65 36 25)

Selon ces dispositions,  en vertu du code des douanes communautaire (articles 23 et 24), sont originaires d'un pays les marchandises : 
- entièrement obtenues dans celui-ci (par exemple, un pull-over confectionné à partir de laine de moutons nés et élevés dans un même pays est originaire de celui-ci). 
- ou qui y ont subi la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important, lorsque deux ou plusieurs pays sont intervenus dans la production de cette marchandise (par exemple, le fait de désosser, dénerver, dégraisser, découper en morceaux et empaqueter sous vide la viande provenant de quartiers de bœufs ne confère pas à celle-ci l'origine du pays où ces opérations ont lieu, même s'il en est résulté une augmentation de sa valeur marchande de 22 %). 

Il existe en outre une réglementation spécifique à certains produits tels que matières textiles et autres marchandises (vêtements en cuir, chaussures, appareils récepteurs de télévision..) limitativement énumérées par le code des douanes communautaire. 

Ces règles étant d'application parfois complexe, il est possible de demander à la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects un avis sur l'origine de la marchandise. Un outil, appelé " Renseignement Contraignant sur l'Origine (R.C.O) ", a récemment été mis en place à cet effet. Il suffit à l'entreprise de communiquer aux autorités douanières toutes les informations relatives à son produit (désignation, origine des pièces utilisées, valeur, ouvraisons réalisées...) et, quelques semaines plus tard, un avis contraignant (c'est à dire opposable aux autres Etats membres de l'Union Européenne) des douanes sur l'origine lui est adressé. Un modèle de demande de R.C.O. est disponible auprès de la Chambre de commerce et d'industrie (sur simple demande au 01 55 65 36 35).

2. Le "made in France" 

Une précision s'impose : les règles d'origine contenues dans le code des douanes communautaire déterminent si la marchandise est d'origine communautaire ou non, dimension non pertinente pour certaines marchandises, de luxe notamment (parfums, haute couture...), pour lesquelles la mention de l'Etat membre (France, Espagne...) est synonyme de qualité et vecteur de notoriété. 

Afin de déterminer si les produits sont, par exemple, d'origine française, il faudra appliquer mutatis mutandis les règles de détermination de l'origine contenues dans le code des douanes communautaire. 

Ainsi, seront considérées d'origine française, les marchandises : 
- entièrement obtenues en France, 
ou 
- qui y ont subi la dernière transformation en ouvraison substantielle (...). 

Il est aussi possible d'envisager, selon les mêmes principes, des origines plus pointues telles qu'une région (par exemple, huile d'olive d'origine Provence).

3. Les alternatives au "made in" 

Certaines entreprises préfèrent, plutôt que de mettre en application les règles de détermination de l'origine des marchandises insérées dans le code des douanes communautaire, insister sur la réalité des opérations réalisées. Ainsi, on trouvera sur certains vêtements les mentions "confectionné dans la Communauté européenne " ou "tissé au Maroc", plutôt qu'un "made in" suivi d'une origine qui, d'un point de vue commercial, risque de ne pas avoir l'impact souhaité.

Enfin, il est important de préciser que les règles de détermination de l'origine contenues dans le code des douanes communautaire (règles non préférentielles), mises en application pour les besoins du "made in", ne constituent pas la totalité du droit de l'origine. 

En effet, un nombre conséquent de pays tiers à l'UE a conclu avec cette dernière des accords portant sur l'origine des marchandises (règles préférentielles) qui ne s'appliquent que pour les flux de produits entre ces deux pays (ou groupes de pays), pour des besoins divers (bénéfice d'avantages tarifaires, émission des preuves documentaires de l'origine : certificats d'origine communautaires, certificats de circulation EUR1, déclarations sur facture...). 

Michèle CAGNON, Euro Info Centre FR 274
Anthony CLAVERIE, Département Formalités Internationales et services aux entreprises DRCA /Juillet 1999

Cet article est paru dans :
"Actualité réglementaire et économique de l'entreprise" 
de la  Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris 
Contact : 01 55 65 75 69).
 

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