LE POINT SUR... LES DELAIS DE PAIEMENT EN EUROPE

LA PROBLEMATIQUE

" ...Les retards de paiement entraînent des difficultés de trésorerie, nuisent à la rentabilité et portent préjudice à la compétitivité. Dans les cas extrêmes, ils conduisent à l’insolvabilité des entreprises et à des pertes d’emplois. Les retards de paiement sont à l’origine d’un cas d’insolvabilité sur quatre. 33% des entreprises européennes les considèrent comme un problème grave ou menaçant leur survie, ce taux s’élève à 51% en Grèce, 50% en Italie et 46% en France.... " (Extraits du COM(1998)126 final). L’allongement des délais de paiement constaté globalement en Europe (lié à une période de récession) et la tendance accrue au non-respect des conditions contractuelles de paiement (pratique souvent intentionnelle et systématique des entreprises leur évitant d’avoir recours au crédit) constituent un problème pour l’ensemble des entreprises européennes et plus particulièrement pour les PME en raison de la vulnérabilité de leur situation financière et de leur fréquente dépendance à l’égard d’un nombre limité d’acheteurs. De plus le fait que les pratiques divergent d’un Etat membre à l’autre entrave les échanges transfrontaliers et provoque des distorsions de concurrence qui nuisent au fonctionnement du marché intérieur.

QUELQUES CHIFFRES

Ainsi qu’il ressort du dernier " Rapport de la Commission européenne sur les délais de paiement dans les transactions commerciales ", le délai de paiement moyen effectif en Europe en 96 (derniers chiffres communiqués au plan européen) était de 54 jours (58 en France) et le délai contractuel moyen de 39 jours (48 en France). Les divergences entre Etats membres étant très importantes. Les pays dans lesquels les retards de paiement sont les plus importants sont le Portugal, l’Italie, la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. La cause la plus souvent citée tant pour les ventes intérieures que pour les exportations est le retard intentionnel (35% des cas). Le pourcentage des entreprises acquittant leurs factures avec un retard dépassant un certain nombre de jours (15,30, etc...) est également préoccupant. Au cours du dernier trimestre de 96, moins d’un quart des entreprises néerlandaises et britanniques ont payé dans les délais. 47,5% des entreprises néerlandaises et 47,5 des entreprises britanniques se sont acquittées de leurs dettes avec plus de 15 jours de retard. Le retard de paiement devient donc plutôt la règle que l’exception.

EN DIRECT DE BRUXELLES :

Une proposition de directive européenne concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales.

En 1998, la Commission européenne a présenté une proposition de Directive sur la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, en raison de l’insuffisance des mesures prises par les Etats Membres de l’Union européenne (U.E.) pour résoudre ce problème, malgré une Recommandation qu’elle leur avait adressée en ce sens en 1995.

Le texte de la proposition initiale du 25.03.98 a été modifié une première fois en octobre 98, une seconde fois début 99 et est encore susceptible de modifications. Dans sa version d’octobre 98 qui contient le plus de dispositions, les principaux éléments sont les suivants :

Champ d’application

Les mesures contenues dans cette proposition de directive d’octobre 98 visent l’ensemble des créances dans les transactions commerciales. Elles s’appliquent aux entreprises (entendues comme toute organisation d’activité économique autonome axée sur la durée, fût-elle unipersonnelle et à but non lucratif) ainsi qu’aux pouvoirs publics (" pouvoirs adjudicateurs "), mais pas aux particuliers.

Points Clés de la proposition de directive de 1998

La proposition d’octobre 98 prévoit un cadre juridique visant à dissuader le paiement hors délais, dont les principaux éléments sont les suivants :

En l’absence de contrat écrit ou bien si le contrat ou les conditions générales de vente n’apportent pas de précision sur l’échéance du paiement (principe de la liberté contractuelle ainsi préservé), une période de paiement légale est définie à titre subsidiaire.

L’échéance proposée est de 21 jours calendrier (30 jours dans la proposition de 99) après la date de réception de la facture par le débiteur. En l’absence de facture, ou si la date de sa réception ne peut être déterminée avec certitude ou si elle est antérieure à la date de livraison, le délai de paiement est calculé à partir de la date de livraison des marchandises ou des prestations de service.

Le créancier est en droit de réclamer des intérêts (et des dommages) au débiteur pour toute somme non payée lorsque ce délai de paiement s’est écoulé sans que le créancier ait recouvré le montant dû et sans qu’un rappel soit nécessaire.

Le taux légal proposé pour les intérêts de retard est le taux d’intérêt d’adjudication de la Banque Centrale Européenne majoré de huit points (sauf disposition contractuelle contraire).

Si le délai de paiement précisé dans le contrat de vente du vendeur est supérieur à 45 jours calendrier à compter de la date de réception de la facture, l’acheteur doit fournir à ses frais une lettre de change au vendeur précisant explicitement la date de son paiement et garantie par un établissement de crédit reconnu.

Cette proposition prévoit en outre la possibilité pour les parties contractantes de différer le transfert de la propriété de biens jusqu’au moment où le prix d’achat a été payé dans son entièreté (principe de la " réserve de propriété ").

Des procédures accélérées, ne nécessitant pas l’intervention d’un juge et ne dépassant pas 60 jours, sont prévues pour le recouvrement des dettes non contestées. Pour les créances en dessous du seuil de 20.000 euros (131.191 Frs), le créancier a la possibilité de recourir à des procédures légales simplifiées.

En ce qui concerne les contrats de marchés publics, les délais de paiement ne peuvent pas dépasser 60 jours et doivent être précisés par les autorités responsables. A la différence des transactions dans le secteur privé, il n’est pas possible de prolonger ce délai par une disposition contractuelle. Le taux d’intérêt applicable aux contrats de marchés publics est le même que pour les autres transactions.

Dans sa dernière version (99), les experts des 15 au Conseil des ministres s’orientent vers une directive considérablement allégée. En effet, le texte réduit les domaines couverts pour se limiter à l’harmonisation des dates d’échéance (30 jours) et des intérêts de retard (taux directeur majoré d’au moins 6 points). Cependant il ne s’agit probablement pas du texte définitif.

VOUS ÊTES CONCERNES !

Bien qu’elle s’applique à toutes les entreprises, cette proposition de directive une fois adoptée devrait être plus particulièrement bénéfique aux PME et surtout à celles qui vendent des biens ou services sans contrat écrit (or la majorité des transactions commerciales des entreprises seraient réalisées sans contrat écrit). Elle devrait réduire les incertitudes concernant les délais de paiement et les conséquences des retards de paiement.

Cependant bien entendu, les conséquences de ce texte varieront en fonction des mesures qui seront définitivement retenues. Ainsi, la mesure proposée en 98 consistant en la fourniture obligatoire d’une lettre de change par l’acheteur au delà de 45 jours, et une mesure similaire concernant la fourniture obligatoire d’une garantie en matière de marchés publics sont des exemples de dispositions susceptibles de bénéficier plus particulièrement aux PME.

En corollaire, des modifications des contrats de vente seraient parfois à prévoir pour pouvoir bénéficier de certains mécanismes s’ils étaient finalement retenus (exemple la clause de réserve de propriété).

Enfin il a été dit que les PME pourraient souffrir des taux d’intérêts accrus qui sont prévus, ce que réfute la Commission européenne en indiquant que les organismes représentant les PME (notamment l’UEAPME) soutiennent la directive proposée (premières moutures) y compris le taux d’intérêt plus élevé.

QUAND ?

La date d’application de ce texte dans les Etats était prévue dans la proposition initiale pour le 31 décembre 2000 (aucune date n’est mentionnée dans la dernière version).

POUR EN SAVOIR PLUS :

Recommandation de la Commission européenne du 12 mai 1995 " concernant les délais de paiement dans les transactions commerciales ", publiée au Journal Officiel des Communautés Européennes (J.O.C.E.) L n° 127 du 10.06..95 p.19.

Communication de la Commission européenne du 9 juillet 1997 intitulée " Rapport sur les délais de paiement dans les transactions commerciales ", publiée au J.O.C.E. C n° 216 du 17.07.97 p. 10 ( contient de nombreux éléments statistiques et de comparaison entre Etats).

Proposition initiale de directive sur les délais de paiement : COM(1998)126 final, publié au J.O.C.E. C n° 168 du 03.06.98 p. 13.

Avis du CES du 10.09.98 publié au J.O.C.E. C n° 407 du 28.12.98 - Rapporteur : M. MALOSSE.

Proposition modifiée de directive sur les délais de paiement du 29.10.98 : COM(1998)615 final, publié au J.O.C.E. C n° 374 du 03.12.98 p. 4.

Les autres références documentaires, notamment celles des études chiffrées réalisées sur le sujet, figurent dans les documents ci-dessus.

Elisabeth PON /Août 1999
EIC FR 269
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Dossiers précédents